Négligence, ignorance ou volonté délibérée de violer la loi ? Depuis plus de 40 ans, l’autorité centrale viole la loi 72-02 du 1erfévrier 1972, sur l’organisation de l’administration territoriale, en nommant des sous-préfets de la hiérarchie B, alors que cette possibilité ne lui a été offerte que pour une durée transitoire de 5 ans.
Le fait peut paraître anodin, mais il est assez illustratif de la négligence et du laisser-aller, voire de la mal gouvernance au plus haut niveau de l’Etat depuis des dizaines d’années. En effet, depuis plus de 40, on continue de nommer des sous-préfets en toute illégalité, car violant allégrement la loi, comme si de rien n’était. Depuis plusieurs années, on nomme de plus en plus des fonctionnaires de la hiérarchie B (instituteurs, secrétaire d’administration…) ou même des fonctionnaires de hiérarchies plus basses à ce poste. Ce qui est une violation flagrante de la loi 1972-02 du 1er février 1972 qui, en son article 9, stipule : «L’arrondissement est administré par un fonctionnaire du corps des administrateurs civils nommé par décret et qui porte le titre de sous-préfet». Le même article note que «le sous-préfet est assisté par un fonctionnaire de la hiérarchie B, nommé dans les mêmes conditions». Et à l’article 15, portant sur les dispositions transitoires, il est clairement dit : «à titre transitoire et pour une durée de cinq ans, des fonctionnaires de la hiérarchie B peuvent être nommés sous-préfet». Une disposition jusque-là jamais modifiée. Donc c’est pour une durée de 5 ans seulement à partir de l’entrée en vigueur du texte (1972-1977), que le Président était autorisé à nommer des sous-préfets qui ne soient pas de la hiérarchie A (administrateurs civils).
Alors que cette période transitoire s’est écoulée depuis 1977, on fait toujours comme si de rien n’était. On continue de nommer en masse des sous-préfets de la hiérarchie B et même de hiérarchies plus basses. Cela, sans que la loi ne soit modifiée. Une situation sur laquelle le magistrat Birame Sène, prononçant le discours traditionnel de rentrée des cours et tribunaux pour l’année 2015-2016, sur le thème : «Collectivités locales et contrôle de légalité», avait attiré l’attention du Président Macky Sall. Après avoir rappelé les dispositions des articles 9 et 15 cités ci-haut, celui qui était à l’époque substitut de procureur près le Tribunal de Grande instance hors Classe de Dakar, avait déclaré : «cette période transitoire qui a été accordée à l’autorité pour nommer des sous-préfets de la hiérarchie B est arrivée à terme depuis 1977. Il faut reconnaitre que le respect de cette obligation participe à coup sûr à l’amélioration du contrôle de la légalité, telle qu’instituée au Sénégal». Mais hélas, malgré l’alerte, la pratique a toujours cours. Ce qui pose même la légalité des sous-préfets qui sont dans cette situation et la légalité de leurs actes. Et si l’on sait que nul n’est censé ignorer la loi, cette pratique qui perdure ne peut être assimilée qu’à une violation délibérée de la loi, de la part celui qui en est le gardien.
Mbaye THIANDOUM