Deux semaines après son arrestation, Marco Senghor et ses avocats se préparent activement à faire face à la justice américaine. Soupçonné d’avoir obtenu illégalement sa naturalisation, en donnant de fausses informations aux services de l’immigration, Marco Senghor n’entend pas se laisser faire. Ses avocats ont déploré son arrestation et comptent dénoncer l’œuvre de dénaturalisation entreprise par les autorités fédérales.
Avis sans frais pour ceux qui ont obtenu la nationalité américaine. En effet, la récente arrestation de Marco Senghor, né au Sénégal, propriétaire du club de danse et restaurant «Bissap Baobab», pourrait bien être le premier cas local issu des efforts fédéraux de dénaturalisation (l'acte de déposséder les Américains naturalisés de leur citoyenneté). Les autorités fédérales, ont précisé les avocats, ont arrêté le neveu de feu Léopold Sédar Senghor dans la matinée, alors qu'il marchait tranquillement dans la rue, entre le 19 et le 20 août. Senghor a ainsi passé la nuit en prison et il a été libéré après avoir versé une caution d’environ 28.215.500 F Cfa. Ses avocats sont plus ébahis par les accusations portées contre lui : «acquisition de la citoyenneté à l'encontre de la loi» et «acquisition de la citoyenneté pour une personne non autorisée à la citoyenneté».
Un de ses avocats de noter : «il est essentiellement accusé d'avoir obtenu illégalement sa citoyenneté. Les détails de l'affaire Senghor ne sont pas clairs, car l'acte d'accusation, déposé par le procureur américain Alex G. Tse, est sous scellés». Arrivé aux États-Unis en 1989, Senghor est devenu citoyen en 2009. Le gouvernement fédéral a «décidé de se servir de ses ressources pour le punir pénalement. Il y a des options civiles et d'autres recours, et ils ont choisi de ne pas le faire», a déclaré Jeffrey L. Bornstein, avocat de la défense de Senghor. «Cela ne fait que me montrer qu'ils ciblent des personnes qui ont fait de leur mieux pour contribuer économiquement à l’essor de notre société», dit-il.
Jehan Laner Romero, avocate spécialisée en droit de l’immigration auprès des services juridiques de Pangaea, à San Francisco, a déclaré que l’affaire Senghor était le résultat des récents efforts de dénaturaliser les immigrés. «Cela correspond parfaitement à la tendance», a-t-elle déclaré. «Ils criminalisent davantage les immigrés. Même s'ils ont légalement suivi la procédure, le gouvernement tente maintenant de les accuser de fraude, probablement des choses qu'ils n'avaient pas l'intention de faire», a-t-elle poursuivi. «Ils essaient juste de passer à travers et de trouver de petites erreurs sur ces formulaires», a-t-elle ajouté.
Trump en «guerre» contre les naturalisés
L'arrestation de Senghor intervient alors que l'administration de Donald Trump intensifie les efforts pour dénaturaliser les Américains soupçonnés de tricher sur leurs formulaires de citoyenneté. En juin, des représentants des services de la citoyenneté et de l'immigration des États-Unis ont annoncé l'embauche d'avocats supplémentaires pour examiner les cas de personnes soupçonnées d'utiliser de fausses identités pour obtenir leur citoyenneté.
MARCO SENGHOR
«Nous vivons dans un climat un peu compliqué ici aux Usa»
Marco Senghor, dont le nom complet est Marc Oliver Senghor, est le fils d'un Franco-sénégalais, Hyacinthe Lat Senghor, diplomate et d'une mère française, Alice Laget. Interrogé par «Les Echos», le neveu de l’ancien Président du Sénégal a soutenu qu’il ne pouvait pas trop s’épancher sur cette affaire, mais il a tenu à dire ses quatre vérités. «Je ne peux trop parler car nous sommes en phase de préparation de la défense. Mes avocats m’interdisent de parler», a soutenu le propriétaire du restaurant Le Baobab. Ensuite, il a expliqué la situation tendue des immigrés qui gagnent honnêtement leur vie. «Nous vivons dans un climat un peu compliqué ici aux Usa. Ce n’est pas facile pour nous les minorités. Nous devons travailler beaucoup plus que les autres pour réussir. Nous avons tous eu parfois des débuts difficiles, à des moments donnés. Mais avec la persévérance et le courage, il arrive que vous vous en sortiez très bien», dit-il.
Samba THIAM