
Les pays développés semblent vouloir une chose et son contraire. En effet, alors que jusqu'à récemment, l'Europe exhortait l'Afrique à se concentrer sur le développement des sources d'énergie renouvelables, allant jusqu'à prendre la décision d’arrêter de financer la filière gazière, ce sont ces mêmes pays européens qui jettent des regards avides sur l'Afrique et ses ressources énergétiques. Selon nos informations, le projet de gaz naturel au Sénégal a soudainement attiré bien des pays européens comme l’Allemagne, la France, l'Italie et d'autres pays, dans l'espoir d'un nouveau fournisseur. Cela, alors que les relations entre l’Europe et la Russie sont de plus en plus tendues.
«La décision prise par les pays développés d’arrêter de financer la filière gazière est injuste et constitue une nième injustice contre l’Afrique». C’est en ces termes que le Président Macky Sall avait répondu, en novembre 2021, à une tribune de plusieurs pays développés s’engageant à ne plus financer l’énergie fossile. Le dirigeant sénégalais en avait profité pour rappeler aux puissants de ce monde que le continent ne saurait accepter l’interdiction immédiate de l’utilisation des énergies fossiles telles que le gaz et le charbon, arguant que les pays africains sont les meilleurs en matière de promotion d’énergies renouvelables.
Mais un an plus tard, le discours des pays européens a complètement changé. En effet, selon le journal allemand d'investigation Der Spiegel, «le projet de gaz naturel au Sénégal a soudainement attiré l'Allemagne, la France, l'Italie et d'autres pays dans l'espoir d'un nouveau fournisseur».
Cette révélation du journal allemand intervient alors que les relations entre l’Europe et la Russie sont de plus en plus tendues, au point que les Européens sont appelés à redoubler d'efforts pour éviter une pénurie en 2023. L’invasion de l’Ukraine par la Russie menace, en effet, la sécurité d’approvisionnement en gaz et fait grimper les prix de l’énergie à des niveaux sans précédent. De plus, l’Union européenne ne peut plus continuer à être dépendante d’un fournisseur qui bafoue ouvertement les valeurs et la paix en Europe. Les Européens le demandent : 85% d’entre eux estiment que l’Union Européenne devrait réduire dès que possible sa dépendance à l’égard du gaz et du pétrole russes pour soutenir l’Ukraine.
En 2021, l’Union Européenne consommait 400 milliards de mètres cubes de gaz. Environ 45% des importations du gaz naturel proviennent de Russie, c’est-à-dire 155 milliards de m3. Selon l’Union Européenne, il pourrait manquer près de 30 milliards de mètres cube de gaz naturel à l'Europe en 2023. Dans son dernier rapport, publié lundi 12 décembre, l'Agence internationale de l'énergie (Aie) alerte : en cas d'arrêt total des livraisons de gaz russe, l'Union Européenne pourrait être confrontée à une pénurie de gaz durant l'hiver 2023/2024.
Devant cette situation, le Sénégal se positionne comme une source alternative de gaz pour l’Europe. En mai 2021, le Président Macky Sall a prévu le début de la production en décembre 2023, à raison de 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an dans un premier temps, et 10 millions en 2030. «Nous sommes prêts, le Sénégal en tout cas, à travailler dans une perspective d’alimenter le marché européen en Gnl», avait alors déclaré Macky Sall. Le Sénégal prévoit 1,4 milliard de dollars de revenus pétroliers et gaziers de 2023 à 2025 sur la base d’un prix de référence de 90 dollars le baril.
Sidy Djimby NDAO