
Autrefois véritable havre où aimait se réfugier tout touriste qui foule le sol du pays de la Téranga, Foundiougne agonise au plan touristique. A l’origine de ce changement de visage du tourisme dans cette commune gâtée par la nature, plusieurs facteurs. Il y a d’abord la raréfaction des poissons alors que la pêche était l’une des branches sur lesquelles reposait le tourisme local. Dans le passé, la ville était même surnommée «le paradis des pêcheurs» à cause des «bolongs», un delta riche en poissons avec sa faune et ses oiseaux. Selon les hôteliers, le déclin touristique à Foundiougne est également causé par un fait né il y a une bonne vingtaine d’années, consistant pour les expatriés tombés sous le charme de ce paradis du Sénégal à y acquérir des résidences, abandonnant ainsi l’hôtel et les campements, mais surtout accueillant d’autres touristes. Ce phénomène, assimilé par les hôteliers à de la concurrence déloyale, a fini par complètement tuer l’hôtel à Foundiougne. De leur côté, les touristes et autres expatriés accusent à leur tour les hôteliers de proposer du bas de gamme et dénoncent le manque de propreté de la ville. Pourtant, malgré ce tableau sombre, des acteurs travaillent pour faire redécoller le secteur. En attendant le redémarrage des activités de l’hôtel, à Foundiougne, des campements comme «Baobab» tentent de redorer le blason du tourisme.
La ville de Foundiougne, parmi les doyennes des communes du Sénégal, créée en 1917, est aussi l’un des trois départements de la région de Fatick. Elle est limitée au nord par la commune de Fatick, au sud par la toute nouvelle commune de Soum, à l’est par la commune de Passy et à l’ouest par l’océan Atlantique. Foundiougne fut découvert au 19e siècle par les Français qui en firent une grande base commerciale. C’est ce qu’illustre en effet la présence des wharfs et des anciennes bâtisses coloniales qui constituent aujourd’hui l’Hôtel de ville, la Préfecture, la Douane, le marché central et beaucoup de boutiques qui servaient jadis de magasins de stockage pour l’arachide. Du début du 20e siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Foundiougne fut le quatrième grand port de commerce de l’Afrique de l’Ouest, parce que toute l’arachide cultivée dans le bassin arachidier y passait pour transiter vers l’Europe. Les premiers habitants de Foundiougne seraient des Sérères venus du Fouta. Ils sont arrivés dans la localité vers le 12ème siècle. Certaines sources évoquent un second peuplement au 13ème siècle composé de Mandingues venus du Gabou. Quid du nom ? Certaines sources affirment qu’il est lié à un objet connu en pays sérère qui s’appelle «soundiougne».
Le pont Nelson Mandela pour sauver le tourisme à Foundiougne
Parce qu’elle est gâtée par la nature et grâce à sa position stratégique dans la belle région du Sine-Saloum, Foundiougne a joué un rôle de premier plan à l’ère coloniale, avec son port de commerce notamment. La ville est un point de passage stratégique pour nos compatriotes qui se rendent plus au sud du pays ou chez le voisin gambien avec le transgambienne. Traversée par le fleuve Saloum Foundiougne s’assoit sur des eaux très poissonneuses. Et pourtant, malgré ses énormes potentialités économiques, ce coin paradisiaque est surtout connu comme une destination touristique.
D’ailleurs, le tourisme aurait pu être plus déterminant sur l'économie locale, mais, faute de bonnes routes qui la reliaient aux grandes villes comme Kaolack et Dakar, la ville était complètement enclavée. Mais ça c’était avant. Le président Macky Sall a inauguré en mars dernier le nouveau pont de Foundiougne. Cet ouvrage, baptisé pont Nelson-Mandela, a été financé à hauteur de 67 millions de dollars, soit environ 40 milliards de francs Cfa. Long de 1,6 km, il va permettre de désenclaver la zone et faciliter les échanges entre Dakar et Banjul, en Gambie.
Ce pont est un puissant levier pour l’exploitation des fortes potentialités économiques, culturelles et surtout touristiques de Foundiougne et de l’ensemble des îles du Saloum. Cependant, le constat est là : le pont qui cristallisait tous les espoirs quant à une relance du secteur n’a presque, pour le moment, rien changéde la situation de morosité dans laquelle baigne le tourisme à Foundiougne.
La pêche, cette activité qui attirait les touristes à Foundiougne
Foundiougne connue pour être un coin propice à la pêche, le tourisme s’y est développé par rapport à la pêche sportive. La première clientèle de touristes à Foundiougne, c’est des gens qui se sont intéressés à la pêche. «Nous avons connu des moments où le touriste quittait le campement à 7h pour aller pêcher et revenait à 12h et on se retrouvait avec une trentaine de barracudas», a rappelé Famara Diané, président du syndicat du cadre d’initiative et de promotion touristique de Foundiougne. «Ce qui se passe maintenant, c’est qu’un pêcheur peut passer la journée à pêcher sans prendre un seul barracuda. C’est dire que la ressource a pratiquement disparu. Et naturellement, les gens qui venaient à Foundiougne pour la pêche changent de destination, en allant là où ils peuvent pêcher», ajoute-t-il.
A Foundiougne où on le surnomme «le plus Foundiougnois des Français», Yannick Bourreau est arrivé dans la ville de Laga Ndong il y a 22 ans. Il conforte la thèse de Famara Diamé. Marié à des Sénégalaises, le Français a acquis une grande maison sur la plage au quartier dit les Almadies. Autrefois propriétaire d’un campement avec sa femme, Yannick s’est aujourd’hui reconverti dans l’apiculture. Il se souvient avec nostalgie de l’époque où l’hôtel et les nombreux campements de la ville refusaient du monde tellement les touristes adoraient la destination.
Selon lui, avant, les touristes venaient à Foundiougne surtout pour la pêche et maintenant, il n’y a plus de poisson ou quasiment plus de poisson. Même si, reconnaît-il, les autorités ont créé des Amp (aires marines protégées) depuis plusieurs années et les poissons commencent à revenir un peu. «Il y a dix ans, quinze ans, les gens venaient de partout à travers le monde, mais surtout de la France et de la Belgique. Il y avait des routards qui venaient avec leur sac à dos, ce qui faisait marcher les petits campements mais également qui faisait marcher le commerce à travers la ville. Mais surtout il y a 15 ans, il y avait de la pêche à Foundiougne et on pouvait faire venir des gens de la France pour aller à la pêche. Mais en 20 ans, la pêche dans la zone a été divisée par dix. Il n’y a presque plus de poisson. Le poisson est traqué par les grands filets, la pêche intensive menée par les étrangers mais également par les locaux. Les locaux, même s’il y a des tailles de poissons autorisées à la pêche, ne respectent rien. Un Sénégalais ne rejette jamais un poisson à l’eau, quel qu’il soit. Et les grands filets font pire.Il arrive qu’ils vident les tout petits poissons sur la plage… ça a été vu et revu et revu. Il y a du laxisme à Foundiougne. Ça a participé à tuer la pêche et mettre le tourisme à genoux. Le service de pêche nous dit : «si on les prend, ils font intervenir leur famille et les politiques et la deuxième fois, c’est nous qui allons être menacés d’être mutés sur un ruisseau à Kédougou où on ne verra jamais un poisson. C’est pour cela qu’on est obligé de fermer les yeux sur ces pratiques», nous a-t-il confié devant sa maison qui fait face à la plage.
«Jalousie» entre hôteliers et expats investisseurs
Sur les accusations des hôteliers reprochant aux expatriés qui ont transformé leurs résidences en campements, accueillant d’autres touristes, Yannick Bourreau rejette tout en bloc. Il assure que l’effet créé par ce phénomène est tout le contraire de ce que disent les hôteliers. «Quand ces expatriés achètent des maisons, c’est qu’ils participent d’abord à l’économie locale. Mais également quand ils reçoivent des visiteurs, ces derniers participent à leur tour à l’économie locale. Maintenant, par exemple, il n’est pas question que ma fille vienne me rendre visite depuis la France et que je la loge à l’hôtel alors que des chambres sont disponibles dans ma maison. Je dois avouer que parfois,il y a des gardiens qui louent des maisons quand les propriétaires ne sont pas là. La vérité, c’est que pour attirer les touristes, il faut qu’il y ait une prestation de service. Il y a des campements qui paraissent jolis, mais il n’y a rien dans l’assiette. Et dans ces conditions, même si vous venez une année, l’année d’après, vous allez voir ailleurs. Quand il y a eu le pont, on pensait qu’il va amener plus de touristes. Mais la vérité est que ça n’amène rien du tout. Les gens traversent le pont et vont à Karang, à Toubacouta», dit-il.
Diagnostic sans complaisance de ce qui plombe le tourisme
Pour lui, le coût du voyage pour venir au Sénégal est également un autre goulot d'étranglement. Il s’agit du billet d’avion qui coûte très cher ainsi les taxes d’aéroport qui sont parmi les plus chères d’Afrique. « Il faut revoir ces prix. Quand ça ne coûte pas plus cher d’aller aux États-Unis alors que les États-Unis c’est nettement mieux, c’est qu’on amoindrit ses chances de recevoir des touristes», ajoute-t-il, rappelant qu’«on est pas en Égypte où il y a des pyramides à visiter. Il n’y a pas de musée à visiter…». Et d’ajouter : «maintenant, si à chaque fois que les touristes sortent de leur hôtel ou campement, ils doivent tomber sur des eaux usées ou des ordures qui ne sont jamais ramassées, ça n’encourage pas».
L’autre facteur qui a précipité le déclin touristique à Foundiougne, c’est la concurrence déloyale. À ce propos, Famara Diamé dira qu’une concurrence, tant qu’elle est saine, c’est-à-dire «un hôtel qui concurrence un autre hôtel», c’est acceptable. «Mais désormais, à côté de nos réceptifs, il y a des résidences qu’on appelle des maisons meublées qui se sont installées. Au départ, c’était des expatriés mais les Sénégalais ont fini par copier l’exemple et font pareil ou pire», a-t-il déclaré.
Le danger avec cette pratique, c’est que non seulement ces gens violent la réglementation, mais aussi ils n’ont aucun intérêt pour l’Etat, parce qu’ils ne payent ni impôt ni taxe. Le pire, c’est que c’est dans ces résidences qui sont fermées et souvent très isolées que se développent des maux comme la débauche, la prostitution, le proxénétisme… «Dans un hôtel, il y a une personne et c’est ouvert à tout le monde. Une dame ou une jeune fille de Foundiougne se sentirait mal à l’aise d’entrer ici pour voir un homme, parce qu’il y a du monde et quelqu’un du personnel pourrait la connaître. Ce qui n’est pas le cas dans les ‘’maisons closes’’», illustre encore Famara.
En définitive, si le tourisme peine si fort à retrouver son lustre d’antan, c’est que les principaux leviers sur lesquels il s’appuyait ne sont plus là. La raréfaction des poissons alors que la pêche était l’une des branches sur lesquelles reposait le tourisme à Foundiougne et la multiplication des résidences privées ont eu des conséquences désastreuses. Mais le plus grave, c’est sans doute la mort de l’hôtel Foundiougne.
L’hôtel Foundiougne, de camp de base des Girondins de Bordeaux à ruche d’abeilles
Autrefois, un must de l’hôtellerie dans le Sine-Saloum, l’hôtel Foundiougne est mort de sa belle mort. Cet hôtel quatre étoiles, qui comptait une cinquantaine de cases et qui pouvait accueillir jusqu’à 200 touristes, a connu de glorieuses années durant la décennie passée. Il appartenait à l’ancien président des Girondins de Bordeaux, Claude Baez, qui a pu en faire la publicité en France via des tours operators et ainsi apporté un flux important de touristes dans la ville. D’ailleurs, on raconte qu’il y a eu des années où les Girondins de Bordeaux ont passé leur présaison à Foundiougne avec comme camp de base l’hôtel Foundiougne. L’hôtel possède deux piscines ainsi qu’un accès à la plage, des espaces de jeux ou de travail, de grandes cases…
Un tour dans ce grand hôtel qui, jusqu’au début des années 2000 était la référence touristique dans le Sine-Saloum, passage obligé des célébrités et hautes personnalités qui foulaient le sol de Foundiougne, permet de constater la profondeur des dégâts dans ce lieu autrefois si bien entretenu. Des cases décoiffées et délabrées, des allées impraticables où encore ses piscines transformées en dépotoir d’ordures…, il ne reste presque plus rien de l’hôtel Foundiougne. Dans ses chambres sans toits, aux murs écorchés par la force des vents qui viennent de la mer qui leur fait face, se développe une activité si particulière. En effet, des habitants de la ville, sans doute las de regarder ce grand espace abandonné à lui-même, ont tout simplement décidé d’y ériger des ruches d’abeilles. L’activité étant développée de manière clandestine, les personnes trouvaient devant ou à côté des ruches ont refusé de nous parler.
Famara Diamé, hôtelier, gérant du campement «Baobab sur terre», qui se trouve à quelques mètres de l’hôtel Foundiougne, est admirateur nostalgique des belles années du plus grand réceptif hôtelier de Foundiougne. Aujourd’hui, celui qui a grandi dans ce campement qu’il a hérité de son père et qu’il gère désormais, est le président du syndicat du cadre d’initiative et de promotion touristique de Foundiougne. Il assure que la mort de l’hôtel Foundiougne, qui était le seul réceptif capable d’accueillir 150 ou 200 touristes, est une des causes principales causes du déclin touristique dans sa ville. Il explique. «Quand vous prenez un tour operator, pour qu’il puisse travailler avec un hôtel ou une agence de voyage au niveau local, il vient voir. Il amène un cahier de charges. Parce que l’agence de voyage ou le tour operator gagne sur des commissions. Du coup, pour qu’ils gagnent vraiment, il leur faut affréter un avion avec 300 passagers à bord. Et il leur faut également avoir au minimum un hôtel 3 étoiles. A Foundiougne, le top c’était l’hôtel Foundiougne qui pouvait accueillir jusqu’à 200 touristes, où il y avait l’eau chaude et l’eau froide, la climatisation, deux piscines. L’hôtel Foundiougne fut d’ailleurs un must dans les années 80. Quand on venait au Sénégal, particulièrement dans le Sine-Saloum et qu’on ne faisait pas l’hôtel Foundiougne, c’est qu’on n’avait pas fait un hôtel. Ça c’est une notation qui a été donnée par tous les tours operators et les agences de voyages», a expliqué Famara Diamé trouvé en pleine activité à travers les allées fleuries de son campement, le «Baobab sur terre».
«Baobab sur terre», une oasis dans le désert touristique de Foundiougne
Au moment où le tourisme agonise à Foundiougne et risque de vraiment mourir si rien n’est fait, un réceptif tente de tenir le flambeau. Le «Baobab sur terre» est un campement à la belle histoire. Selon son fondateur, le campement a vu le jour quand des touristes qui n’avaient pas pu trouver une chambre à l’hôtel Foundiougne y ont passé une nuit, moyennant la somme de 1000 FCfa. C’était au début des année 70.
A l’époque, l’hôtel Foundiougne faisait le plein presque chaque jour. Le vieux Diamé a vite saisi l’occasion, en ajoutant quelques cases dans ce terrain qu’il avait acquis, quelques années auparavant. Puis quelques autres jusqu’à ce que le terrain soit presque entièrement occupé et le campement fait. Aujourd’hui, le campement compte une vingtaine de chambres et continue d’accueillir des touristes venus de partout à travers le monde.
Aussi, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il offre également une vue imprenable sur le bras de mer. C’est le premier campement construit à Foundiougne. Très spacieux et fleuri, c’est également le point de rencontre de tous les Foundiougnois. Ce qui a fini de créer un tourisme local qui, en l’absence des expatriés, fait vivre le réceptif. «Il est très agréable de s’installer sur la terrasse pour y siroter un thé sénégalais et refaire le monde pendant des heures avec les locaux», a témoigné un habitué des lieux.
Il faut dire que «Baobab sur terre» n’est pas le seul réceptif qui résiste devant la difficile relance de l’activité touristique à Foundiougne. Les campement «Baobab sur mer» ou encore «l’Indiana club» se battent pour émerger. Et comme un symbole de la relance du tourisme à Foundiougne : Josseline et Michel, trouvés juste à côté du campement «Baobab sur mer». Ce couple français qui a quitté son pays en camping-car tenait à passer par Foundiougne dans le cadre d’un long périple depuis sa Bretagne, qui l’a conduit au Maroc, en Mauritanie, au Sénégal et qui doit le conduire en Guinée puis en Côte d’Ivoire. Quand nous les avons rencontrés, le couple venait d’arriver à Foundiougne depuis deux jours et compte bien profiter de l’hospitalité de la ville. «Les gens sont charmants et sympas et le coin est si magnifique. On a pu trouver des endroits où on peut stationner notre camping-car. Vraiment on n’a aucun problème, on est très bien, les Sénégalais sont gentils et très accueillants», se félicite le couple breton.
Une ‘’oasis’’ d’espoir pour cette belle zone.
Sidy Djimby NDAO