Pour la sociologue Selly Ba, l’égalité en droit entre homme femme doit également se traduire dans l’accès des femmes aux terres. A l'en croire, au Sénégal, la main d’œuvre agricole est constituée à 70% de femmes, alors que 13 à 16% parmi elles sont propriétaires. Ce qui lui fait dire qu’on ne peut régler la question de la sécurité alimentaire en faisant fi de cette discrimination. A l’en croire, l’égalité est liée au développement.
Un débat public sur le thème « Fractal des lignes du genre dans nos sociétés modernes » a été organisé hier à la Faculté des lettres de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avec, entre autres intervenants, l’islamologue Abdou Aziz Kébé, la sociologue Selly Ba et l’historien Abderrahmane Ngaidé. De l’avis du professeur Kébé, les sociétés, de façon globale, sont fondées autour de l’homme. Autrefois, dans certaines sociétés, dit-il, la femme était parfois considérée comme un instrument de l’homme et ce n’est pas juste, car cela entrave l’égalité devant la dignité humaine. « L’homme et la femme naissent égaux, même s’ils sont différents. La différence ne signifie pas l’inégalité », fait remarquer l’islamologue. En effet, Abdou Aziz Kébé appréhende le patriarcat sous l’angle de l’égalité, du droit de l’égalité des chances et du droit de la préservation de la dignité humaine. « Cette dignité humaine ne connaît pas de sexe, ne connaît pas de genre, elle est consubstantielle à l’être humain. Et cette dignité n’est pas sécable », indique M. Kébé qui assume sa posture de religieux féministe. A l'en croire, tout ce qui peut flétrir cette dignité humaine, tout ce qui peut apporter une injustice par rapport à cette égalité devant la dignité humaine, devant le droit d’être, d’être ce que l’on est et ce que l’on désire être pour la société en termes d’apport adossé à la connaissance et à la compétence, ce n’est pas juste. Une posture de l’islamologue confortée par la sociologue Selly Ba qui rappelle que les êtres humains sont égaux. Et, au Sénégal, ajoute-t-elle, c’est la Constitution de 2001 qui consacre l’égalité des hommes et des femmes. A en croire la sociologue, cette égalité en droit n’a pas été importée de l’Occident. Elle existait dans nos sociétés matrilinéaires traditionnelles où la filiation relevait de la lignée de la mère. Elle en veut pour preuve le nom de Lat Dior Ngoné Latyr pour rappeler le rôle de la femme dans les sociétés traditionnelles qui étaient en avance sur ces sociétés dites occidentalisées. Malheureusement, la sociologue se désole du changement de paradigme par rapport au rôle de la femme dans nos sociétés. « La femme n’hérite plus la terre », s’indigne Mme Ba qui précise que ces disparités entre homme et femme font perdre à l’Afrique subsaharienne plus de 2500 millions de dollars, selon une étude de la Banque mondiale. « Au Sénégal, la main d’œuvre agricole tourne autour de 70% de femmes or seules 13% à 16% de femmes profitent ou sont propriétaires de terres. On ne peut pas régler la question de la sécurité alimentaire en faisant fi à cette discrimination. Tant que cette discrimination n’est pas levée, on ne peut pas régler la question de la sécurité alimentaire », révèle la sociologue au regret de constater sur le terrain que les femmes perdent beaucoup de temps dans des terres d’autrui. En effet, elle est persuadée que la question de l’égalité est liée au développement.
M. CISS