Le président de la République va devoir faire face à un front et pas n'importe lequel. En effet, les rappeurs de tout bord accompagnés de la société civile ont tenu une conférence de presse pour demander la libération le plus rapidement possible de Nit Doff, arrêté à la suite d'un live très critique contre le gouvernement. Fou Malade, Ndongo D, Simon ont tous dénoncé l'acharnement dont ils sont victimes. Les rappeurs se radicalisent et comptent faire face.
Mor Talla Guèye a de quoi être fier. Le rappeur connu sous l’appellation de Nit Doff, qui séjourne depuis le 18 janvier dernier à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss, a reçu un soutien de taille de la part de ses amis et frères. «L'appartenance politique de Nit Doff est mise de côté, car c'est notre ami artiste. Nous sommes des militants de la liberté d'expression artistique d'abord, parce que l'art par essence, c'est la liberté. Tout artiste qui ne fonde pas sa création sur la liberté, cela corrompt sa création. Donc Nit Doff est d'abord un artiste et Il se réclame artiste et à travers son art, il prend des positions courageuses comme le font d'autres rappeurs», a d’emblée, dit Malal Talla alias Fou Malade, très en verve lors de la conférence de presse regroupant l'ensemble des rappeurs du mouvement hip-hop sénégalais accompagné de la société civile.
Fou Malade : «l'insulte est permise dans le hip-hop»
En effet, hier, au siège du Frapp, des activistes politiques et acteurs de la culture urbaine sont venus témoigner de leur soutien au rappeur. «Le Président Macky Sall et la justice sénégalaise sont en train de commettre une forfaiture qui risque de nous mener dans une situation irrécupérable. Il faut savoir qu'un historien ne va jamais insulter dans un live, mais l'insulte est permise dans le rap. Je suis de ceux qui défendent l'insolence, l'indécence et la violence verbale du rap. Un rappeur insulte», conclut Malal Talla.
Guy Marius Sagna : «l'Etat veut asphyxier financièrement Nit Doff»
Présent à la rencontre, le député Guy Marius Sagnaa été égal à lui-même. «Dans ce live où l'on dit qu'il a insulté, alors que personne ne peut dire à qui sont adressées ces insultes, Nit Doff n'a rien fait. Il y a un acharnement sur le rappeur Nit Doff. Tous les rappeurs sont victimes d'acharnement», dit-il. Pour lui, l'Etat cherche à asphyxier financièrement Nit Doff en annulant ses activités. «Que l'État sache qu'il peut arrêter Nit Doff, mais le maintenir en prison ne sera pas facile. Que les rappeurs sortent les compilations, nous allons faire des manifestations. Nous sommes tous victimes d'acharnement. On n'a pas arrêté Nit Doff pour menaces de mort, c'est faux ; chaque jour, nous faisons l'objet de menaces de mort à l'Assemblée nationale et la justice ne réagit pas», fait savoir le député.
Ndongo D : «nous sommes tous en sursis. Arrêter Nit Doff, c'est arrêter des milliers et des milliers de Nit Doff»
La présence la plus inattendue est celle de Ndongo D du groupe Daara Dji Family. D'habitude très discret, le rappeur a fait savoir que les rappeurs sont en sursis. "La lecture que je peux faire sur l'arrestation de Nit Doff, c'est que nos autorités prennent très au sérieux ce que nous faisons, parce que notre musique a participé à l'éveil des consciences. Je ne sais pas le contenu du dossier judiciaire, mais avec du recul, j'ai vu qu'il a été victime d'annulation de concerts et d'évènements. Nous aussi, en 2021, avons reçu des annulations de deux concerts. Après on a su que l'Etat cible certains artistes. Notre groupe a sorti un album en 2021 avec le titre ‘’Yamatele’’ qui montre notre point de vue sur ce qui se passe en Afrique et au Sénégal. Les gens oublient que la musique hip-hop permet que les jeunes expriment leurs frustrationsà travers la musique. Si les autorités veulent bâillonner cela, pour moi c'est une grave erreur. Alors je demande aux autorités de revenir à la raison et qu'elles sachent qu'arrêter Nit Doff, c'est arrêter des milliers et des milliers de Nit Doff. Je lance un appel à notre président de la République à revoir la situation de Nit Doff car sa place n'est pas en prison, mais dans les studios».
Simon : « sous peu il y aura une demande de liberté provisoir»
Pour sa part, Simon a souligné la responsabilité de l'Etat sur ce que l'arrestation de Nit Doff pourrait engendrer. «Ce qui se passe peut créer des manifestations, des marches, des rencontres... Ce qui pourrait aboutir sur des pertes de vies. Donc les responsables, c'est ceux qui ont gonflé les chefs d'accusations», dit-il. «Nit Doff est un élément clé du mouvement hip-hop et l'Etat doit le libérer. Sous peu de temps, il y aura une demande de liberté provisoire et nous demandons à l'État de revenir à la raison».
Kilifeu : «il faut arrêter de dilapider les deniers publics si vous voulez que l'on ne parle plus»
Pour Kilifeu, Nit Doff est victime de son engagement politique. «Nit Doff est une personne qui ne supporte pas l'injustice et tout le monde sait que ceux qui sont de Pastef sont persécutés par l'Etat. Nous interpellons directement le président de la République. Il est temps d'arrêter ce jeu d'enfant. Il faut arrêter de dilapider les deniers publics de ce pays si vous voulez que l'on ne parle plus. Vous ne pouvez pas faire ce que vous voulez dans ce pays et que personne ne le dénonce», dit-il. Pour dédouaner Nit Doff, Kilifeu rappelle que Penda Ba a fait pire que Nit Doff, de même que Suzanne Camara.
D'autres rappeurs comme Ngaaka Blindé, Rex T ou encore l'animateur Pape Sidy Fall ont tous dénoncé l'arrestation de Nit Doff.
Samba THIAM
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