Hier lundi 20 juillet 2020 marquait une date importante pour le Syndicat unique des travailleurs de l’électricité (Sutelec). En effet, cette date commémore l’arrestation de l’ancien secrétaire général du Sutelec Mademba Sock et 26 de ses camarades, le 20 juillet 1998, suite aux coupures intempestives de l’électricité. Pour rappel, Mademba Sock et ses camarades s’opposaientà la privatisation de la Senelec. Ce qui fait dire à l’actuel patron du Sutelec que cette crise est la plus honteuse machination politique dans l’histoire syndicale du Sénégal.
Lundi 20 juillet 1998 - Lundi 20 juillet 2020 ! 22 ans jour pour jour que Mademba Sock, secrétaire général du Sutelec et 26 de ses camarades ont été arrêtés et envoyés en prison, suite à la grève dudit syndicat dans un contexte de coupures intempestives d’électricité. Ainsi, pour commémorer cette journée, le Sutelec a sorti un mémorandum dénommé «La plus honteuse machination politique» pour rendre hommage à ces figures historiques, ces valeureux camarades de la lutte syndicale dans le secteur de l’électricité. «L’objectif visé est, d’une part, de rendre immortels ces valeureux combattants de la lutte pour la justice sociale et la défense de la souveraineté nationale et, d’autre part, proposer ces modèles à la nouvelle génération de travailleurs que le matelas de confort sur lequel ils sont assis a été l’œuvre d’une génération d’hommes et de femmes exceptionnels qui ont fait preuve d’un don de soi qui mérite notre gratitude et notre profond respect», précise d’emblée le secrétariat exécutif du Sutelec qui rappelle, dans la foulée, que c’est sur la base «d’accusations fallacieuses orchestrées par un régime socialiste sous le magistère du Président Abdou Diouf, impuissant face aux injonctions des bailleurs de fonds» que leurs camarades ont été arrêtés.
Au début, la clandestinité
Pour comprendre l’action syndicale du Sutelec, il faut remonter à sa création, où un groupe de travailleurs avait décidé de mettre sur pied une organisation syndicale dont le principe est l’autonomie syndicale. Il s’en est suivi une longue période d’intimidation et de menaces qui ont poussé certains d’entre eux à entrer dans la clandestinité. «Ce fut une période difficile», indique l’actuel patron du Sutelec, où ses anciens camarades, dit-il, ont subi des injustices dans le cadre du déroulement de leur carrière avec des affectations arbitraires sur simple ordre de mission. Ainsi, à partir de 1979, des réunions secrètes seront tenues afin de jeter les bases d’un syndicat autonome. Le Sutelec fut porté sur les fonts baptismaux le 9 aout 1981 avec à sa tête feu Omar Ba qui fut le premier secrétaire général.
Le Sutelec s’opposait à la privatisation de la Senelec
Revenant sur la crise de 1998, le Sutelec rappelle qu’elle est intervenue dans un contexte marqué par les plans de réajustement structurel dictés par les bailleurs de fonds. Elle intervient quatre ans après la dévaluation du franc Cfa en 1994. Et, parmi les réformes du secteur de l’énergie en général et du sous-secteur de l’électricité, la privatisation de la Senelec était la condition imposée aux pouvoirs publiques par la Banque mondiale et le Fmi ainsi que tous les partenaires au développement. Face à cette situation, l’ancien secrétaire général du Sutelec Mademba Sock s’était opposé à la privatisation. C’est ainsi qu’une grève de zèle a été déclenchée dans le cadre d’un plan d’actions. «L’Etat a démissionné de tout pour satisfaire la Banque mondiale qui oscille, change d’attitude et fait du Pachanga. (…). Si on la privatise, cela gênerait plus les populations que les travailleurs ; ces derniers, au nombre de 2.300, représentent une part ‘’epsilon’’ par rapport aux 230.000 abonnés. Par exemple il y’a entre 13.000 et 16.000 villages dans lesquels une électrification se ferait à perte. Seule la puissance publique peut prendre en charge de tels investissements. Ce n’est pas un privé qui va le faire», avait soutenu Mademba Sock le 18 juillet 1998, deux jours avant son arrestation.
Quatre chefs d’accusations
Déjà, à la veille de la déclaration de Mademba Sock, des arrestations étaient planifiées (durant la période du 17 au 20 juillet 1998). Et ceux qui étaient arrêtés sont ceux identifiés comme étant les principaux dirigeants de la grève de 1992 à l’exception de quelques-uns qui ont continué le combat dans la clandestinité. Il s’agit entre autres de Mademba Sock, Samba Mayoro Dièye, Denis Honoré Minkette, Ibrahima Mbaye, Abdoulaye Diagne, Assane Ndiaye, Cheikh Mbaye, El Hadji Seck, Issa Ndiaye, Chérif Sidy Hadre Sané, Abdou Latif Diaw, Auguste Diop, Moctar Cissé, Joseph Sarr, Alioune Thioune, Amadou Ndiaye, Aboubacrine Sadikh Ndaw, Aliou Ba, Saliou Sarr, Mamadou Diémé dont certains ont quitté ce bas monde.
Ce groupe de 27 travailleurs ont été inculpés pour les délits de dégradation volontaire d’installations électriques d’utilité publique, de violence et voies de fait, d’atteinte au libre exercice de travail et d’actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique et complicité. Outre ces accusations, l’Etat, regrette Habib Aïdara, avait cherché d’autres causes sur des pertes en vies humaines durant les coupures de courant pour faire passer les camarades aux assises. Pire, au cours du procès, le camarade Mamadou Doucouré, informe le Sutelec, a perdu connaissance et il s’en est suivi une paralysie dont il ne se relèvera jamais.
En dépit de l’arrestation des leaders, la riposte a été déployée par les hommes de l’ombre
Habib Aïdara de rappeler que si MadembaSock et ses camarades ont été envoyés en prison, c’est parce que le gouvernement d’alors, par la voix du Directeur général de Senelec,AbdourahmaneNdir, avait porté plainte contre le Sutelec. L’ancien ministre de l’Energie et non moins frère du président Abdou Diouf, Maguette Diouf, était également cité parmi les acteurs de ce feuilleton judiciaire. En dépit des accusations portées contre les syndicalistes, Mademba Sock avait botté en touche. A l’en croire, le Sutelec n’a jamais donné l’ordre de couper le courant. Au contraire, avait-il indiqué, les membres de son organisation ont travaillé et ont même contribué à faire revenir l’électricité dans des villes de l’intérieur du pays. En tout cas, l’arrestation des syndicalistes n’avait pas empêché le Sutelec de fonctionner. En effet, le plan de travail déployé par les hommes de l’ombre dans la discrétion a permis d’organiser la riposte en faisant preuve de solidarité à l’égard des familles des camarades emprisonnés et/ou licenciés.
La victoire de la vérité sur le mensonge
Pour le secrétariat exécutif du Sutelec, cette crise de 1998 a démontré la victoire de la vérité sur le mensonge d’Etat. «Elle a aussi mis en relief le sens du sacrifice des camarades qui n’ont jamais faibli devant les obstacles mais surtout dans la dignité. Le Sutelec a réussi à faire face alors que ce n’était pas évident dans la mesure où les forces étaient disproportionnelles. Mais rien ne pouvait résister à ces hommes de principe, ces héros dont l’espèce se fait rare de nos jours», rappelle M. Aïdara ; persuadé que la menace est plus que jamais présente après deux décennies, notamment avec les réformes en perspective dans le secteur de l’Energie et particulièrement dans le sous-secteur de l’électricité. C’est pourquoi, dit-il, il faut d’ores et déjà explorer les voies d’une unification du mouvement syndical en interne ou travailler pour la consolidation et le renforcement de la Csts en faisant fi des intérêts et des ambitions personnelles.
Moussa CISS
Lundi 20 juillet 1998 - Lundi 20 juillet 2020 ! 22 ans jour pour jour que Mademba Sock, secrétaire général du Sutelec et 26 de ses camarades ont été arrêtés et envoyés en prison, suite à la grève dudit syndicat dans un contexte de coupures intempestives d’électricité. Ainsi, pour commémorer cette journée, le Sutelec a sorti un mémorandum dénommé «La plus honteuse machination politique» pour rendre hommage à ces figures historiques, ces valeureux camarades de la lutte syndicale dans le secteur de l’électricité. «L’objectif visé est, d’une part, de rendre immortels ces valeureux combattants de la lutte pour la justice sociale et la défense de la souveraineté nationale et, d’autre part, proposer ces modèles à la nouvelle génération de travailleurs que le matelas de confort sur lequel ils sont assis a été l’œuvre d’une génération d’hommes et de femmes exceptionnels qui ont fait preuve d’un don de soi qui mérite notre gratitude et notre profond respect», précise d’emblée le secrétariat exécutif du Sutelec qui rappelle, dans la foulée, que c’est sur la base «d’accusations fallacieuses orchestrées par un régime socialiste sous le magistère du Président Abdou Diouf, impuissant face aux injonctions des bailleurs de fonds» que leurs camarades ont été arrêtés.
Au début, la clandestinité
Pour comprendre l’action syndicale du Sutelec, il faut remonter à sa création, où un groupe de travailleurs avait décidé de mettre sur pied une organisation syndicale dont le principe est l’autonomie syndicale. Il s’en est suivi une longue période d’intimidation et de menaces qui ont poussé certains d’entre eux à entrer dans la clandestinité. «Ce fut une période difficile», indique l’actuel patron du Sutelec, où ses anciens camarades, dit-il, ont subi des injustices dans le cadre du déroulement de leur carrière avec des affectations arbitraires sur simple ordre de mission. Ainsi, à partir de 1979, des réunions secrètes seront tenues afin de jeter les bases d’un syndicat autonome. Le Sutelec fut porté sur les fonts baptismaux le 9 aout 1981 avec à sa tête feu Omar Ba qui fut le premier secrétaire général.
Le Sutelec s’opposait à la privatisation de la Senelec
Revenant sur la crise de 1998, le Sutelec rappelle qu’elle est intervenue dans un contexte marqué par les plans de réajustement structurel dictés par les bailleurs de fonds. Elle intervient quatre ans après la dévaluation du franc Cfa en 1994. Et, parmi les réformes du secteur de l’énergie en général et du sous-secteur de l’électricité, la privatisation de la Senelec était la condition imposée aux pouvoirs publiques par la Banque mondiale et le Fmi ainsi que tous les partenaires au développement. Face à cette situation, l’ancien secrétaire général du Sutelec Mademba Sock s’était opposé à la privatisation. C’est ainsi qu’une grève de zèle a été déclenchée dans le cadre d’un plan d’actions. «L’Etat a démissionné de tout pour satisfaire la Banque mondiale qui oscille, change d’attitude et fait du Pachanga. (…). Si on la privatise, cela gênerait plus les populations que les travailleurs ; ces derniers, au nombre de 2.300, représentent une part ‘’epsilon’’ par rapport aux 230.000 abonnés. Par exemple il y’a entre 13.000 et 16.000 villages dans lesquels une électrification se ferait à perte. Seule la puissance publique peut prendre en charge de tels investissements. Ce n’est pas un privé qui va le faire», avait soutenu Mademba Sock le 18 juillet 1998, deux jours avant son arrestation.
Quatre chefs d’accusations
Déjà, à la veille de la déclaration de Mademba Sock, des arrestations étaient planifiées (durant la période du 17 au 20 juillet 1998). Et ceux qui étaient arrêtés sont ceux identifiés comme étant les principaux dirigeants de la grève de 1992 à l’exception de quelques-uns qui ont continué le combat dans la clandestinité. Il s’agit entre autres de Mademba Sock, Samba Mayoro Dièye, Denis Honoré Minkette, Ibrahima Mbaye, Abdoulaye Diagne, Assane Ndiaye, Cheikh Mbaye, El Hadji Seck, Issa Ndiaye, Chérif Sidy Hadre Sané, Abdou Latif Diaw, Auguste Diop, Moctar Cissé, Joseph Sarr, Alioune Thioune, Amadou Ndiaye, Aboubacrine Sadikh Ndaw, Aliou Ba, Saliou Sarr, Mamadou Diémé dont certains ont quitté ce bas monde.
Ce groupe de 27 travailleurs ont été inculpés pour les délits de dégradation volontaire d’installations électriques d’utilité publique, de violence et voies de fait, d’atteinte au libre exercice de travail et d’actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique et complicité. Outre ces accusations, l’Etat, regrette Habib Aïdara, avait cherché d’autres causes sur des pertes en vies humaines durant les coupures de courant pour faire passer les camarades aux assises. Pire, au cours du procès, le camarade Mamadou Doucouré, informe le Sutelec, a perdu connaissance et il s’en est suivi une paralysie dont il ne se relèvera jamais.
En dépit de l’arrestation des leaders, la riposte a été déployée par les hommes de l’ombre
Habib Aïdara de rappeler que si MadembaSock et ses camarades ont été envoyés en prison, c’est parce que le gouvernement d’alors, par la voix du Directeur général de Senelec,AbdourahmaneNdir, avait porté plainte contre le Sutelec. L’ancien ministre de l’Energie et non moins frère du président Abdou Diouf, Maguette Diouf, était également cité parmi les acteurs de ce feuilleton judiciaire. En dépit des accusations portées contre les syndicalistes, Mademba Sock avait botté en touche. A l’en croire, le Sutelec n’a jamais donné l’ordre de couper le courant. Au contraire, avait-il indiqué, les membres de son organisation ont travaillé et ont même contribué à faire revenir l’électricité dans des villes de l’intérieur du pays. En tout cas, l’arrestation des syndicalistes n’avait pas empêché le Sutelec de fonctionner. En effet, le plan de travail déployé par les hommes de l’ombre dans la discrétion a permis d’organiser la riposte en faisant preuve de solidarité à l’égard des familles des camarades emprisonnés et/ou licenciés.
La victoire de la vérité sur le mensonge
Pour le secrétariat exécutif du Sutelec, cette crise de 1998 a démontré la victoire de la vérité sur le mensonge d’Etat. «Elle a aussi mis en relief le sens du sacrifice des camarades qui n’ont jamais faibli devant les obstacles mais surtout dans la dignité. Le Sutelec a réussi à faire face alors que ce n’était pas évident dans la mesure où les forces étaient disproportionnelles. Mais rien ne pouvait résister à ces hommes de principe, ces héros dont l’espèce se fait rare de nos jours», rappelle M. Aïdara ; persuadé que la menace est plus que jamais présente après deux décennies, notamment avec les réformes en perspective dans le secteur de l’Energie et particulièrement dans le sous-secteur de l’électricité. C’est pourquoi, dit-il, il faut d’ores et déjà explorer les voies d’une unification du mouvement syndical en interne ou travailler pour la consolidation et le renforcement de la Csts en faisant fi des intérêts et des ambitions personnelles.
Moussa CISS