Ceux qui doutaient encore de son franc-parler peuvent désormais se rendre à l’évidence. Me Alioune Badara Cissé ne mâche pas ses mots quand s’agit de donner son avis à propos des affaires de la Cité. Ancien compagnon du chef de l'Etat, comme il l’indique, le médiateur de la République, qui était l’invité de «Quartier Général» ce vendredi, n'a pas mis de gants pour donner son avis sur la gestion du Président Macky Sall.
Etant l'un des compagnons des premières heures du Président Macky Sall, Me Alioune Badara Cissé a mis fin à ses activités politiques auprès de ce dernier depuis belle lurette. Même s’il continue de se réclamer «ami et frère» du Président Sall, Me Cissé ne s’est jamais gêné de donner un avis bien défavorable sur sa gestion. Sur le plateau de «Quartier Général» ce vendredi, il n’est pas allé par quatre chemins pour fustiger la façon de faire du président de la République.
Selon le médiateur et la République, un pays ne se gère pas n’importe comment. Un dirigeant doit avoir foi en lui et en ses capacités, croire au potentiel de son pays et les exploiter au mieux dans l’intérêt de sa population. Poursuivant, Me Cissé déclare qu'un président doit être conscient de l’héritage reçu pour pouvoir le valoriser à son tour.
Par rapport au chômage endémique que vivent les jeunes, l’ancien ministre des Affaires étrangères de faire constater que le Sénégal a des jeunes forts et ambitieux, mais qui n’arrivent pas à trouver quelque chose à faire. D’après ce dernier, contrairement à ce que l’on pense, l’émigration vers la France et l’Espagne n’est pas la plus importante forme. «Il y a une véritable ruée de nos jeunes vers les pays africains. Nos jeunes sont fatigués de subir les coups de la vie, impuissants dans leur propre pays. Il préfèrent alors s’en aller vers des destinations inconnues avec beaucoup de risques pour tenter d’avoir un avenir meilleur», soutient-il.
«Il ne faut pas imiter la France…»
Pour Alioune Badara Cissé, il ne faut pas imiter la France. «13 ans d’études primaires et secondaires pour les reverser ensuite dans les universités pour 4 ou 6 ans supplémentaires, pour n’en ressortir qu’avec des théories, c’est du pur gâchis et une réelle perte de temps pour les jeunes», fait savoir Me Cissé, qui donne l’exemple de l’Angleterre où il était enseignant : «le secondaire ne dépasse pas les 4 ans et avant même d’y arriver, l’enfant sait quel genre d’études il va suivre. Il ne subit donc aucune perte de temps, contrairement au Sénégal où l’on bourre le crâne de nos élèves pendant de longues années avec à la clé des dépenses faramineuses au compte des parents avec leurs maigres moyens». Le médiateur de la République croit qu’il nous faut un homme de valeur pour mener les réformes dont nous avons besoin pour ce cycle. «C’est une question de réforme mais malheureusement le Sénégal est en manque de volonté politique», martèle-t-il. Poursuivant, l’ancien ministre de Macky lâche : «quand on est élu président et que l’on pense que c’est un poste éternel, on impose ses idées en usant de la force. On finit par s’entourer de larbins qui passent leur temps à vous jeter des fleurs, alors on finit forcément par oublier ses anciens compagnons qui vous ont porté à ce poste», fulmine Me Cissé.
«J’ai l’impression qu’il a oublié ceux qui l’ont aidé à accéder à la présidence»
Étant un ancien compagnon du président de la République, ABC ne comprend pas comment Macky Sall a pu en arriver là, lui qui avait fini de faire de cette phrase «ku fatté lila fal, folleeku yomb la» (celui qui oublie ce qui l’a porté au pouvoir sera surpris pas sa propre chute), une litanie permanente. «J’ai l’impression qu’il a oublié ceux qui l’ont aidé à accéder à la présidence. Je ne parle pas des personnes individuellement pris, cela n’a pas d’importance, mais plutôt de cette vague de jeunes qui a remplacé un énorme monument de la politique sénégalaise et l’a installé», dit-il.
Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, Macky Sall avait toute la légitimité pour mettre un pied dans la fourmilière, faire bouger les choses et n’en rendre compte à personne à part sa conscience, parce qu’il avait un cahier de charges en arrivant. «Il semble l’avoir compris maintenant, mais est-ce que ce n’est pas trop tard ? Je ne sais pas, mais il ne faut pas que ça soit de la politique, il faut vraiment que cela change. Nous avons les meilleurs agents au monde, qui nous ont fourni beaucoup d’études, mais le problème c’est qu’on ne met absolument rien en œuvre. On dirait que ces études ont été faites pour les pays voisins», tonne-t-il
Ndèye Khady DIOUF