Maître du jeu, le Président Macky Sall observe attentivement les lignes de fracture qui traversent certaines formations politiques du landernau. Même s’il n’y est pas totalement étranger, le chef de l’Etat tirera profit de toute difficulté que vivront ces partis, présents dans le paysage politique depuis très longtemps. Le Parti socialiste, la Ligue démocratique, le Parti de l’indépendance et du travail et même le Parti démocratique sénégalais ne sont à l’abri d’effritements profitables à l’Alliance pour la République.
Tout remous dans les formations politiques, que celles-ci soient membres de l’opposition ou appartiennent à la mouvance présidentielle, bénéficie finalement au chef de l’Etat et à son parti, l’Alliance pour la République. Même si, apparemment, lui ne joue aucun rôle dans ce qui arrive à ces dites formations politiques. Le dernier cas en date, c’est la démission de Thierno Bocoum, ci-devant chargé de la communication du parti Rewmi, qui a décidé de se frayer sa propre voie. Aussitôt cette démission annoncée, d’aucuns se sont précipités pour y voir une volonté inavouée de Thierno Bocoum de rejoindre les prairies marron-beige, alors que l’intéressé a lui-même donné ses raisons, une convenance personnelle, et explicité ses options futures qui sont pour tout dire bien éloignées d’une recherche de prébendes auprès du Président Macky Sall.Avant Thierno Bocoum, il est vrai, des responsables du parti dirigé par l’ancien Premier ministre Idrissa Seck ont transhumé vers le parti présidentiel et comme l’ancien député n’a pas été investi sur les listes des dernières législatives, au profit apparemment de Déthié Fall, une rancœur est vite indexée pour justifier cette démission inattendue. Quoi qu’il en soit, le mal est déjà fait et comme le dit l’adage, tout ce qui affaiblit mon adversaire me renforce. Et c’est ce que doit penser le Président Macky Sall qui, certainement, ne cracherait pas sur la possibilité de débaucher un élément du calibre de Thierno Bocoum. Ce dernier devrait donc s’attendre à ces rumeurs et autres instigations tendant à le jeter dans les bras du chef de l’Etat et de son camp. En tout cas, Yankhoba Diattara, un autre responsable du parti Rewmi à Thiès, s’engage à faire revenir Thierno dans le giron d’Idrissa Seck. Ce qui semble être une autre paire de manche.
Si l’autre adage dit «Que Dieu me garde de mes amis, je me charge de mes ennemis », le Président Sall, lui, doit bien se dire : «que la justice me garde de mes ennemis, je me charge de mes amis». En effet, le constat est que ceux qui pouvaient réellement le gêner dans sa volonté d’avoir deux mandats ont eu maille à partir avec la justice. Principalement, il s’agit de Karim Meïssa Wade, traduit devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite, condamné, avant d’être gracié et exilé au Qatar. Depuis lors, le retour du fils du Président Wade a été toujours annoncé comme proche mais a toujours été remis. Le second, c’est le maire de Dakar Khalifa Sall, dissident du Parti socialiste, envoyé en prison pour détournement de deniers publics et qui échappera difficilement à un procès et une condamnation, ce qui l’empêchera certainement de mettre des bâtons dans les roues du Président Sall en route pour 2019.
Quant à ses amis, même s’il n’a pas l’air d’y toucher ou d’être à l’origine de leurs déboires, le chef de l’Etat profite bien des difficultés des partis alliés membre de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar. A ce propos, le vieux Parti socialiste n’a pas résisté au compagnonnage et les fissures et autres craquelures qui n’ont cessé de le traverser ont fini par en faire tomber des pans entiers. Déjà, autour de Khalifa Sall, des responsables socialistes de Dakar se sont démarqués des orientations impulsées par le secrétaire général Tanor Dieng, qui bénéficie avec son clan des prébendes distillées par le maître du jeu. Le bras de fer entre factions au sein du Ps ne peut qu’affaiblir un peu plus ce parti de masse et conséquemment profiter au Président Macky Sall. Surtout que, plus le Ps s’affaiblit, moins ce dernier se sentira redevable de ses responsables au sein de la mouvance présidentielle. Et la tendance ne faiblit pas, puisque ces derniers jours plusieurs sections Ps de Vélingara ont largué les amarres de ce parti et leur destination ne fait l’ombre d’un doute, ils rejoindront les prairies marron-beige. Dans la même lancée et peut-être à des degrés moindres, deux autres alliés de la gauche, la Ligue démocratique et le Parti de l’indépendance et du travail, sont également dans la tourmente, subissant le syndrome du compagnonnage et du partage des responsabilités. Et c’est à la Ld que le schisme s’est fait le plus marquant, puisque le secrétaire général a fini par jeter l’éponge, devant la volonté de certains «prébendiers» de continuer à se laisser remorquer par l’Alliance pour la République. Et finalement, les membres de ce parti se sont révoltés pour créer une Ld-Debout, après que le Président Sall a fait fi des propositions de noms à mettre dans le nouveau gouvernement pour choisir la personne qui lui est fidèle. Du côté du Pit, ça râle également pour ces mêmes problèmes de désignation de représentant au gouvernement. Ce qui crée indubitablement un malaise dans ces formations de gauche, autrefois connues pour leur rigueur et leur abnégation.
En tout cas, le brouhaha qui s’élève du parti présidentiel, pour demander de se débarrasser des parasites qui ne font que profiter de positions de rente, afin de préparer demain une opposition au Président Sall, même s’il ne reçoit pas oreille attentive de ce dernier, du moins pour le moment, entretient bien la suspicion au sein d’une majorité qui pourrait bien subir de notables modifications avant la présidentielle de 2019.
Mansour Kane