Il ne faut pas compter avec les avocats des députés de l’opposition pour avaliser la décision du Conseil constitutionnel qui a brandi son incompétence à connaître de leur requête. Dans un communiqué, Mes Ibrahima Diaw et Mouhamadou Moustapha Dieng, qui prennent acte, mais n’adhèrent pas à la décision de la haute juridiction, entendent poursuivre le combat à l’international, avec la saisine de la Cedeao, de l’Union Africaine et des Nations-Unies.
Les avocats de l’opposition «accusent réception» de la décision du Conseil constitutionnel qui s’est déclaré «incompétent» pour statuer sur la requête des députés de l’opposition visant l’annulation de la loi n°12/2018 pour non-conformité à la Constitution, mais ne la partagent pas. «Nous en prenons acte conformément à notre serment et aux règles de notre Ordre. Cependant, les moyens invoqués à l’appui d’une telle décision n’emportent pas notre adhésion au regard du Droit positif», ont-ils martelé. Et Mes Ibrahima Diaw et Mouhamadou Moustapha Dieng ne comptent pas s’en arrêter là. A défaut d’avoir gain de cause au niveau national, ils vont internationaliser le combat judiciaire pour faire annuler la loi sur le parrainage. «Nous entendons à présent user de toutes les voies de droit appropriées pour voir annuler la loi votée le 19 avril 2018, même si elle est promulguée par Monsieur le Président de la République. La bataille judiciaire visant à rétablir la légalité républicaine sera engagée sans délai devant les instances de la Cedeao, de l’Union Africaine ainsi que des Nations Unies», révèlent-ils.
Pour eux, la saisine de ses organismes internationaux est d’autant plus importante et intéressante qu’aux termes de l’article 79 de la Constitution, «les traités régulièrement ratifiés et approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des Lois sous réserve de réciprocité».
Les violations commises sur la Constitution, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale et les méfaits commis avec le vote de la loi sur le parrainage
Rappelant les termes de la saisine du Conseil constitutionnel, les avocats soulignent, à propos du point relatif à «la violation de la Constitution», que «certaines dispositions détachables de la loi votée le 19 avril 2018 portent incontestablement atteinte à la Constitution». Pour eux, la loi foule aux pieds des principes fondamentaux proclamés par le peuple à travers sa Constitution que sont, entre autres, «le respect du droit fondamental des partis politiques à l’expression du suffrage ; le respect du secret du vote ; le respect du principe d’égalité des citoyens devant la loi ; et la volonté du Sénégal d’être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre la majorité qui gouverne et une opposition démocratique…».
En outre, les robes noires notent que «le Président étant élu au suffrage universel, toute question intéressant les modalités de son élection doit être adoptée sur la base d’un référendum Constitutionnel, le peuple souverain ayant seul compétence pour changer les règles du jeu». Mais hélas, le chef de l’Etat a fait fi de tout cela, faisant voter par l’Assemblée nationale la loi N°12/2018 «qui modifie totalement les modalités d’élection du premier Magistrat de notre pays», en ce sens qu’elle fait du parrainage «une condition de validité de toute candidature émanant tant des partis politiques légalement constitués que de personnalités indépendantes». Et le parrainage est d’autant plus dangereux, pour eux, que le secret du vote va être violé, les forces de défense et de sécurité verront leur position politique connue d’avance ; alors qu’elle n’y a pas intérêt, la plus grande partie de la population sénégalaise qui est analphabète sera écartée du processus de parrainage ; l’article 4 de la Constitution, posant le principe du droit fondamental pour les partis politiques de concourir à l’expression du suffrage, sera mis à mal et la procédure de révision de la Constitution pourtant verrouillée par la réforme constitutionnelle de 2016 en son article 103 sera bafouée.
Sur le second point de la saisine, relatif à la violation de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemble nationale, Mes Diaw et Dieng expliquent : «Lors du vote de la loi n°12/2018 du 19 avril 2018, le règlement intérieur de l’Assemblée nationale a été gravement violé par les députés de la majorité». Et ils pointent du doigt «l’adoption par la majorité d’une résolution présentée par l’honorable député Moustapha Cissé Lô tendant à un vote sans débat (…) et l’amendement déposé par le président du groupe parlementaire de la majorité Aymérou Gningue qui fut adopté sans qu’il y ait réouverture des débats». Ce qui, pour les avocats, est une violation des articles 79, 80 et 81 du règlement intérieur de l’institution parlementaire.
Synthèse Mbaye THIANDOUM