Human Rights Watch s’est prononcé ce mardi sur le projet de loi d’amnistie. Et pour l’organisation internationale, elle ouvre la porte à l’impunité pour des crimes graves.
Pour Human Rights Watch, le vote du projet de loi conduirait à de graves risques. Pour Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur le Sahel à Human Rights Watch, le projet de loi, s'il est adopté, pourrait effectivement accorder l'impunité aux responsables de graves violations des droits humains. «Toute amnistie qui renforce l'impunité en exonérant les responsables du gouvernement et des forces de sécurité dans de graves violations des droits humains est incompatible avec les obligations nationales et internationales du Sénégal», déclare--t-elle
Human Rights Watch s’est également penché sur le recours ‘’excessif’’ à la force par les forces de sécurité sénégalaises, notamment à balles réelles et à l'usage inapproprié de gaz lacrymogènes, pour disperser les manifestants en mars 2021, juin 2023 et février 2024. «Au moins 40 personnes ont été tuées lors d’affrontements violents depuis mars 2021, sans que personne n’ait à rendre de comptes. Selon l'opposition et la société civile, jusqu'à 1000 membres de l'opposition, dont des chefs de parti et des candidats à la présidentielle, des journalistes et des militants, ont été arrêtés dans tout le pays entre mars 2021 et janvier 2023. Depuis l'annonce du report des élections, au moins 344 d'entre eux ont été libérés, selon Aïssata Tall Sall, ministre de la Justice du Sénégal».
Human Rights Watch s’est également penché sur ce qu’il considère comme manque de respect du droit à une procédure régulière des personnes arrêtées dans le cadre de manifestations dirigées par l'opposition depuis 2021, notamment des accusations fabriquées de toutes pièces, le manque de preuves pour étayer les accusations, la détention provisoire prolongée et les mauvais traitements et la torture dans les prisons de détention ou lors de son arrestation. «Il existe des preuves solides indiquant que l'écrasante majorité des personnes arrêtées dans le cadre de manifestations menées par l'opposition l'ont été de manière arbitraire et que les accusations portées contre elles étaient politiquement motivées. Mettre fin aux poursuites judiciaires contre ces personnes est donc une étape positive», a déclaré un défenseur des droits humains sénégalais, avocat spécialisé dans les droits de l'homme. Qui ajoute : «toutefois, accorder une amnistie générale, y compris à certains membres des forces de défense et de sécurité qui ont été accusés de manière crédible de violences meurtrières lors des manifestations, constitue une trahison envers les victimes et compromet leur accès à la justice».
Le projet de loi d'amnistie a été critiqué à la fois par l'opposition et par des groupes de la société civile. Plusieurs victimes des violences depuis 2021 ont également exprimé de sérieuses inquiétudes à Human Rights Watch quant au fait que la loi pourrait entraver leurs chances d'établir la responsabilité des violences qu'elles ont subies. «Je suis profondément déçu par ce projet de loi. Il s’agit d’une tentative de blanchir les crimes commis par les forces de sécurité, notamment la torture, dont j’ai malheureusement été victime», a déclaré un opposant de 28 ans arrêté le 1er juin 2023 à Mbour.
Khadidjatou D. GAYE












