La Mission d’observation électorale de l’Union européenne s’est prononcée, hier, sur la tenue du scrutin du 24 février. Dans ses observations, la cheffe de la mission, Elena Valenciano, a indiqué que le scrutin du dimanche était calme, transparent et caractérisé par une forte mobilisation des électeurs. Toutefois, elle a noté des manquements dont la distribution des cartes d’électeurs qui, selon elle, n’a pas réuni toutes les conditions de transparence et de traçabilité. Aussi, la Mission indique que le camp présidentiel a été favorisé par la Rts1 et la 2Stv dans la couverture de la campagne électorale, au détriment des autres candidats etc.
La Mission d’observation électorale de l’Union européenne a rendu ses conclusions suite au scrutin du dimanche 24 février 2019. Face à la presse hier, la Cheffe de ladite mission, députée au Parlement européen, Elena Valenciano, a tout d’abord souligné que c’est la deuxième mission d’observation au Sénégal, après celle de 2012. Déployée depuis le 15 janvier, avec 28 observateurs à longue durée et 56 observateurs à courte durée, la Mission a finalement mobilisé le jour du scrutin 126 observateurs sur le terrain, plus une délégation de 5 observateurs du Parlement européen conduit par Stéfan Gehrold. La cheffe de la mission a vivement félicité le peuple sénégalais qui, dit-elle, a fait preuve de maturité qui a permis le déroulement d’une journée électorale exemplaire. Insistant sur le fait que le processus électoral n’est pas achevé et qu’il reste des étapes essentielles à accomplir, notamment l’annonce des résultats et le traitement du contentieux éventuel, Elena Valenciano précise que plus tard, la Mission publiera un rapport final complet du processus et des recommandations pour des élections futures.
Sur les observations, la mission a indiqué que le scrutin du dimanche était calme, transparent et a été caractérisé par une forte mobilisation des électeurs. Mais elle a rappelé que l’élection s’est déroulée dans un climat marqué depuis plusieurs années par un manque de confiance et un blocage du dialogue entre l’opposition et la majorité. «Le vote a été évalué positivement par les observateurs. Les procédures ont généralement été respectées dans les bureaux de vote observés, à l’exception de la vérification de présence d’encre indélébile, qui n’était pas systématique. Les observateurs ont également rencontré des cas isolés d’électeurs détenant leur carte qui n’ont pu voter parce qu’ils ne trouvaient pas leurs noms sur les listes d’émargement», dit-elle. Avant d’enchainer sur le dépouillement. «Dans l’ensemble, les procédures de dépouillement ont été conduites de manière transparente et ordonnée. La centralisation des résultats a été évaluée positivement dans la quasi-totalité des Commissions de recensement des votes observées. Les candidats y étaient généralement représentés et les procédures appliquées de façon transparente et consensuelle», assure Elena Valenciano.
A l’issue du scrutin, des déclarations contradictoires concernant les résultats et l’hypothèse d’un second tour, de nature à générer des tensions, des deux candidats, Idrissa Seck et Ousmane Sonko, puis du Premier ministre, au soir de l’élection la mission, a fait savoir la mission, qui relève que les travaux des commissions en charge d’établir les résultats sont encore en cours. Toutefois, la mission d’observation a révélé que cette élection est inédite à plus d’un titre. Parce qu’elle s’est déroulée en l’absence de candidats représentant formellement les deux partis ayant historiquement structuré la vie politique sénégalaise : le Pds et le Ps. Poursuivant dans les observations, Elena Valenciano a rappelé : «l’organisation matérielle du scrutin s’est faite dans le respect des règles et délais prescrits par la loi. Cependant, le ministre de l’Intérieur a été mis en cause, suite à sa déclaration en février 2018 en faveur de la réélection du président sortant dès le premier tour. Cantonnée dans un rôle de supervision, la Commission électorale nationale autonome a des pouvoirs et capacités d’initiative limités», souligne-t-elle.
La distribution des cartes n’a pas réuni toutes les conditions de transparence et de traçabilité
Nonobstant cela, la mission a déclaré que la distribution des cartes d’électeurs a encore suscité des préoccupations, dans le contexte des préparatifs de l’élection. Et que certaines mesures prises pour accélérer la distribution ont affecté la traçabilité des opérations, et les moyens pour orienter les électeurs à la recherche de leurs cartes n’étaient toujours pas suffisants. La Mission de déplorer que la distribution des cartes n’ait pas réuni toutes les conditions de transparence et de traçabilité.
La machine de campagne de Macky Sall et l’importance de ses moyens
Sur la tournure de la campagne électorale, la Mission a constaté que les activités menées par les différents candidats n’ont pas été de même intensité. «La campagne du président de Bby s’est distinguée des autres candidats par l’envergure de sa machine de campagne et par l’importance de ses moyens. Dans l’ensemble, la campagne a été assez paisible, à l’exception de quelques incidents dont une confrontation le 11 février dans la région de Tambacounda entre militants de Pur et de la coalition Bby qui a fait deux victimes», a-t-elle fait savoir.
Couverture de la campagne : la Tfm, la 2sTv et la Rts épinglées
Mais, elle a déploré l’attitude des médias qui n’ont pas su couvrir équitablement les candidats, parce que, selon elle, le camp de la mouvance présidentielle a été privilégié. «Les médias sénégalais ont rempli leur mission d’informer les électeurs en couvrant largement la campagne électorale. Les médias audiovisuels publics ont offert un espace égal aux candidats dans le Journal de la campagne, mais ont couvert davantage le gouvernement dans ses autres programmes. Ceux du secteur privé, à de notables exceptions près, ont offert une couverture équitable dans les émissions d’information. Cependant, dans le reste de leurs émissions politiques, ils ont accordé plus de temps d’antenne à la coalition Bby, suivie par la coalition Idy 2019. Cependant, les chaines de télévision Tfm et la 2Stv ont couvert davantage la coalition Bby, au détriment des autres candidats en lice. Le soir des élections, la Rts1 a diffusé en direct le discours du Premier ministre et directeur de campagne de la coalition Bby, et pas la conférence de presse organisée par Idrissa Seck et Ousmane Sonko», dénonce-t-elle.
Interprétation très restrictive par le Cnra des textes de lois pour l’interdiction des débats entre candidats
Sur le respect de l’interdiction des publicités, elle clarifie : «de nombreux médias privés n’ont pas respecté l’interdiction de toute publicité politique. Le Cnra a privilégié le dialogue avec les médias auteurs des violations, sans prendre aucune sanction formelle. Néanmoins, il a fait preuve d’une interprétation très restrictive des textes de lois pour l’interdiction des débats entre candidats», explique le rapport.
Fatou D. DIONE