Dans le cadre feutré de la résidence de l’une de ses diplomates, la discrète diaspora japonaise de Dakar n’a pas boudé son plaisir ce dimanche 24 juin lors de la rencontre Japon-Sénégal.
Alors qu’elle distribue les goodies aux couleurs du Japon et du Sénégal à tous ses convives, Keiko Egusa, conseillère à l’ambassade du Japon au Sénégal, tempère d’entrée : « Le Japon n’est pas une nation de football, elle ne l’est que depuis peu. Chez nous, le baseball a beaucoup plus de poids ». Mais l’arrivée en avril d’Akira Nishino à la tête des Samouraïs Bleus, à la place du Bosnien Vahid Halilhodzic, semble avoir reboosté les troupes, et les supporters japonais avec elles. Pour supporter sa sélection nationale, qui joue son sixième Mondial, la diplomate a ouvert les portes de son domicile. Une petite trentaine des 230 ressortissants japonais vivant au Sénégal ont répondu présent. Une poignée de Sénégalais aussi, des employés de l’ambassade ou de Madame Egusa, sont venus en famille.
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Amadou est le chauffeur privé de Keiko Egusa. Assis sur le canapé en feutre beige clair, il a honoré l’invitation pour être au milieu des supporters japonais « quand les Lions gagneront ». « On parle beaucoup de football au travail, comme tous les supporters, on se chambre, c’était l’occasion de vérifier ensemble qui du Sénégal ou du Japon a la meilleure équipe », justifie-t-il, railleur, en agitant son maillot vert jaune rouge.
Pronostics : deux sélections, deux approches
Côté sénégalais, Issa, Amadou et Rose n’ont aucun doute : les Lions, plus puissants physiquement que les Japonais, vont gagner. Du côté de la délégation nippone, on se montre moins enthousiaste. Il y a ceux qui verraient bien un nul pour mettre tout le monde d’accord et ceux, plus prudents, qui ne voient pas comment le Japon surclasserait un Sénégal boosté par sa victoire contre la Pologne. C’est le cas d’Iwaï, chargé de la section culturelle de l’ambassade. Il craint la force offensive sénégalaise et son endurance.Le Japon n’est pas suffisamment offensif, il nous manque l’équivalent d’un Sadio Mané« Il sera difficile de gagner des points aujourd’hui », anticipe-t-il, après l’ouverture du score de Sadio Mané à la 11e minute sur un cafouillage du gardien japonais. « Le Japon n’est pas suffisamment offensif, il nous manque l’équivalent d’un Sadio Mané », renchérit-il. Il ne suffira que d’une vingtaine de minutes pour que le pied droit de Takashi Inui ne le contredise.
Le Sénégal est l’équipe la plus forte de cette poule », lance KaiÀ la mi-temps, ce 1-1 semble satisfaire les supporters japonais, qui s’en contenteraient bien « face à l’équipe la plus forte de cette poule », lance Kai, employé à la Coopération japonaise. Pas de quoi bousculer les certitudes d’Amadou : « Le score pour l’instant ne change rien, on gagnera 3-1 quand même ». Au cours d’une seconde mi-temps plus dynamique, cela semble bien parti quand, à la 71e minute, la frappe du très jeune Moussa Wagué vient se loger sous la transversale du gardien japonais. Amadou exulte et soulève heureux sa petite fille de neuf mois, entièrement vêtue de vert. Rose, qui fait des allers-retours à la cuisine derrière les immenses baies vitrées qui ceignent la salle accélère : elle ne veut pas en rater une miette. Les supporters japonais, drapeaux, chapeaux et maillots sénégalais déployés, saluent le but, bons joueurs. La prophétie d’Amadou sera toutefois contrariée par Keisuke Honda, qui, profitant de lourdes erreurs défensives sénégalaises permettra aux Samouraïs Bleus de revenir au score à la 78e minute. Pour la seconde fois de la rencontre, le Japon accroche le Sénégal, parti légèrement favori.
J’espérais vivement un nul, c’est trop difficile de choisir », avoue un étudiant de mère japonaise et de père sénégalais
Faire durer le suspens
Au milieu des sourires et des mines détendues par ce nul, Leyti, 19 ans, vient de vivre 94 minutes d’inquiétude. Haut-de-forme aux couleurs du Sénégal vissé sur la tête, drapeau japonais dans la main droite, assiette de gyoza et de sushis dans l’autre, l’étudiant en médecine à l’Université de Dakar est tiraillé. De mère japonaise et de père sénégalais, il refuse avant la dernière seconde de parier sur un vainqueur : « Même si une victoire était synonyme de qualification pour l’une de mes deux équipes, j’espérais vivement un nul, c’est trop difficile de choisir. Et puis ça fait durer le suspens. » Il faudra attendre le 28 juin pour que Sénégal-Colombie et Japon-Pologne croisent le fer pour connaître les qualifiés de ce groupe H.Inquiétante, la défense sénégalaise aura peu pressé l’avant-garde nippone et laissé beaucoup d’ouvertures. Mais les Japonais ont manqué de réussite, à l’image de l’énorme raté d’Osako à la 60e minute, qui, bien servi devant le but manquera totalement le ballon. Les Samouraïs Bleus n’auront donc pas eu totalement raison d’un Khadim Ndiaye maladroit dans ses cages.
Ni du moral des Sénégalais, qui étaient encore nombreux après le match sur la place de l’Obélisque, dans le quartier de Colobane à Dakar. Cette même place qui était en liesse mardi suite à la victoire du Sénégal face à la Pologne. Des centaines de supporters indéboulonnables levaient encore la voix et les mains pour le debrief : défense fragile, manque d’expérience, portier irrégulier, Japon plus fort techniquement… Qu’importe ! Selon Moussa, un supporter des Lions, vissé devant l’écran géant pas de doute : « Le Sénégal est une jeune équipe et Aliou Cissé un bon tacticien, nous irons en 8e de finale. On n’a pas attendu seize ans que le Sénégal rejoue un Mondial pour sortir maintenant ! »