Un gré à gré de près de 700 millions ! Voilà le marché par entente directe que vient de bénir l’autorité de régulation des marchés publics. En effet, l’Ageroute a reçu la bénédiction de l’Armp pour un nouveau contrat de prestation par entente directe, relatif à l’entretien courant et la viabilité-sécurité du tronçon d’autoroute Aibd-Sindia avec Eiffage Sénégal. Ce, en mettant de côté l’article 76 du Code des marchés publics.
Si les marchés de gré à gré empruntent l’autoroute à péage, il sera difficile de les rattraper ! Et pourtant, c’est ce qui vient de se passer avec l’Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute), qui a sollicité l’autorisation de conclure un nouveau contrat de prestation, par entente directe, relatif à l’entretien courant et la viabilité-sécurité du tronçon d’autoroute Aibd-Sindia. En effet, Ageroute avait saisi la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) afin d'obtenir l'autorisation de passer un contrat de prestation de service, par entente directe, avec Eiffage Sénégal. L'objet du contrat était d'assurer l'entretien courant et la viabilité-sécurité du tronçon d'autoroute Aibd-Sindia mise en service le 26 octobre 2016, suite à une décision de l'Etat du Sénégal. En réponse, la Direction centrale des marchés publics (Dcmp), par lettre du 11 janvier 2017, avait autorisé la conclusion du contrat pour une période de 11 mois avec le prestataire identifié pour un montant de 708.000.000 F Cfa Ttc. Ledit contrat a été souscrit en février 2017, approuvé et notifié en mars 2017, suivi d'un avenant autorisé par la Dcmp pour une période de trois mois avec comme date d'expiration le 20 mai 2018.
Deux semaines avant l'expiration de l'avenant, Ageroute a, par lettre du 7 mai 2018, sollicité de la Dcmp l'autorisation de conclure un nouveau marché par entente directe sur le même objet et avec le titulaire. Refus net et catégorique de la Dcmp. Motif : les conditions limitativement énumérées à l'article 76 du Code des marchés publics ne sont pas remplies. Décidée à aller jusqu’au bout, Ageroute a, par correspondance du 29 mai 2018, saisi le Crd pour demander l'autorisation de conclure ledit marché par entente directe, pour la période allant de juin 2018 à mai 2019, dans les mêmes conditions financières que le précédent expiré (59.000.000 F Cfa Ttc par mois).
Ageroute argue l’absence de schéma institutionnel et la non-finalisation du cahier de charges
Pour justifier ce gré à gré, Ageroute retrace le contexte dans lequel s'est décidée l'ouverture du tronçon Aibd-Sindia. Elle rappelle que le contrat T 0346/16 relatif aux études et aux travaux de construction de l'autoroute à péage Aibd-Mbour-Thiès a été approuvé le 10 mars 2016. L'ordre de service de démarrage a été notifié le 13 juin 2016 pour une durée globale de 54 mois à partir du 20 juin 2016. Elle informe que la fin du délai contractuel est prévue le 19 mars 2021. L'Autorité contractante signale par ailleurs que les dispositions du contrat ne prévoyaient pas une réception partielle et, par conséquent, une ouverture de certaines sections de l'autoroute.
C’est au cours du mois d'octobre 2016 que l'Etat du Sénégal a décidé de mettre en service une partie du tronçon, notamment Aibd-Sindia qui est une section de la branche Aibd-Mbour. Ce, pour assurer une gestion cohérente avec le tronçon d'Autoroute Dakar-Diamniadio-Aibd sous concession avec Senac afin d'assurer un niveau de service adéquat aux usagers en termes de viabilité, sécurité et confort. Cette décision, selon toujours Ageroute, permettait aussi d'éviter à l'Etat du Sénégal de supporter des pertes de recettes consécutives au retard dans la mise en service commerciale du nouvel aéroport international Blaise Diagne. Elle précise que, saisie de la question, la Dcmp avait autorisé la conclusion du marché par entente directe, puis d'un avenant de trois mois. Elle informe, cependant, que malgré la mise à profit de cette période de 14 mois, la procédure de sélection du ou des prestataires devant assurer l'entretien des autoroutes n'a pas encore été finalisée, du fait du temps d'attente pour la réception des orientations préalables, notamment le schéma institutionnel retenu par les autorités étatiques pour la gestion des autoroutes Aibd-Mbour, Aibd-Thiès et Thiès-Touba. Elle informe cependant que le schéma institutionnel retenu par l'Etat du Sénégal est en cours de finalisation, de même que le cahier des charges devant permettre la sélection des opérateurs.
C'est pourquoi, en attendant l'aboutissement de la procédure de sélection des prestataires chargés de l'entretien des infrastructures et pour assurer la continuité du service public dans les conditions de sécurité adéquates, elle sollicite du Crd l'autorisation de conclure un nouveau contrat par entente directe avec Eiffage Services Sénégal, et ce, dans les mêmes conditions financières que le contrat autorisé par la Dcmp en 2017.
L’Armp «piétine» l’article 76 du Code des marchés publics et bénit le marché de gré à gré
En examinant le recours de l’Ageroute, l’Armp dit une chose et fait le contraire. Selon l’Armp en effet, au regard des faits exposés, aucune des conditions limitativement énumérées par l'article 76 du Code des marchés publics ne peut être invoquée pour justifier le recours à l'entente directe.
Mais, sous prétexte que le maintien de la mise en circulation du tronçon Aibd-Sindia ouvert depuis le 26 octobre 2016 sans opérateur ne permet pas d'assurer la pérennité de l'infrastructure, ainsi que la sécurité des usagers et des riverains, eu égard aux risques d'accidents et de dégradation de l'ouvrage, l’Armp a autorisé la conclusion du contrat par entente directe avec la société Eiffage Services Sénégal, pour une durée de 12 mois, dans les mêmes conditions que le contrat initial.
Samba THIAM