Alors que son absence des lieux après le massacre de Boffa a fait couler beaucoup d’encre, le chef de l’Etat Macky Sall, depuis Addis-Abeba, est revenu sur cet incident tragique. Et c’est pour encore condamner cet acte. «Les événements de Boffa ont été douloureux, inacceptables et on n’acceptera pas. (…). Comme à Dakar ou à Pikine, s'il y a une tuerie, on va traquer les assassins, quels qu'ils soient», a martelé hier le chef de l’Etat. Avant de poursuivre, intransigeant : «tant que je serai président de la République, force restera à la loi sur l'ensemble du territoire national». Il ajoute qu’il reste tout de même «ouvert au dialogue» avec les acteurs de la crise en Casamance, notamment le mouvement rebelle. «J'ai tendu ma main à nos frères du Mfdc (lors de son message du nouvel an)», rappelle-t-il. Le Président Sall n’a pas non plus manqué d’avertir les trafiquants de bois. «J'ai interdit toute exportation de bois sur le territoire. C'est-à-dire que quelqu'un qui tente de transporter du bois hors du Sénégal vers un autre pays encourt une peine définie par le code forestier dans le code pénal», dit-il.
«Si le système électoral n’était pas transparent…, vous croyez que moi, je n'aurais eu que 25% au référendum à Touba ?»
Macky Sall en a marre des récriminations de l’opposition sur le système électoral qu’elle juge non transparente. Une position qu’il bat en brèche en se référant aux résultats des élections, où il a perdu dans des localités très importantes. «Le système électoral sénégalais est un système transparent. Ça ne date pas d'aujourd'hui. S'il ne l'était pas, moi, je n'allais pas perdre quelques localités essentielles. Si on avait les moyens, vous croyez que je n'aurais eu que 25% au référendum à Touba ? Il faut que les gens arrêtent», a asséné le patron de l’Apr et de Bby. Mieux, il pilonne Wade et Cie et les accuse de mauvais perdants. «Quand ils perdent, c'est le système qui n'est pas transparent. Mais quand ils gagnent quelque part, ils disent qu'ils ont laminé le pouvoir. Il faut être cohérent», note-t-il. Quant à l’exigence d’une personnalité neutre pour gérer les élections, comme ce fut le cas en 2000 avec le général Cissé, l’opposition peut déchanter. «Je ne prendrai pas un militaire pour en faire un ministre de l'Intérieur. Si c'est cela leur attente, c'est peine perdue», clame Macky Sall. Pour lui, la classe politique a mieux à faire, en travaillant à «moderniser notre démocratie», que de perdre du temps dans des débats du genre.
«Il faut qu'on arrête l'amalgame et la confusion entretenues pour jeter le discrédit sur les institutions de la République»
Les critiques contre la gouvernance et surtout à l’endroit de certaines institutions ne sont pas non plus du goût du chef de l’Etat. Pour lui, on doit respect et considération aux corps de contrôle, qu’il a trouvés sur place et qu’il laissera en place en quittant le pouvoir. «La Cour des comptes, l'Inspection générale d'Etat (Ige) sont des corps impersonnels. Ceux qui sont là, y étaient avant mon arrivée à la tête du pays et je les laisserai là, s'ils ne sont pas à la retraite. Ils servent l'Etat. Il faut qu'on arrête l'amalgame et la confusion entretenues pour jeter le discrédit sur les institutions de la République», souligne-t-il. Poursuivant, il explique : «La démocratie du Sénégal ne date pas d'aujourd'hui. Ce n'est pas mon mérite, c'est un long processus historique. Mais on fait comme si nous étions les gladiateurs modernes et que c'est nous qui l'avons fait. Nous n'avons rien fait. Nous ne sommes que les héritiers de cette longue tradition que nous allons garder et léguer aux générations futures».
Ebullition du front syndical : Macky Sall jette en pâture ses prédécesseurs et tend la main aux syndicalistes
Alors que le régime est cerné de tous les côtés par les revendications syndicales, des grèves et des menaces de grèves, Macky Sall se la joue pacifique. D’abord, il jette en pâture ses prédécesseurs, avant de tendre la main aux syndicalistes. «Nous avons hérité d'une situation difficile où il y a eu des discriminations dans le système de rémunération», explique-t-il d’emblée. Et de poursuivre sur la difficulté que pose ce système de rémunération qui grève le budget national. «Si vous voyez la masse salariale aujourd'hui, toutes catégories confondues, c'est quasiment la moitié des ressources», fait-il remarquer. Néanmoins, il est ouvert aux syndicats pour trouver ensemble des solutions. «Je vais recevoir prochainement les centrales syndicales. Ce n'est pas un sujet tabou et ensemble, nous trouverons des solutions, parce que nous sommes tous des Sénégalais. L'Etat, c'est nous ! Ce n'est pas que le président de la République, c'est aussi les fonctionnaires. Nous devons être responsables dans la manière de redistribuer les ressources qui sont à notre disposition», souligne le chef de l’Etat.
Mbaye THIANDOUM