
C’est désormais officiel : le Sénégal est devenu le 56e pays signataire des Accords Artémis, un cadre de coopération spatiale mené par les États-Unis. La signature, actée ce 22 juillet 2025 à Washington, place le pays dans le cercle des nations engagées pour une exploration pacifique et durable de l’espace. Une avancée scientifique majeure… sur fond de tensions diplomatiques, alors que le Premier ministre Ousmane Sonko revenait d’une visite stratégique en Chine, farouche opposante aux Accords.
Le Sénégal entre officiellement dans l’histoire de la conquête spatiale. Lundi 22 juillet dernier, une délégation sénégalaise conduite par Maram Kaïré, Directeur général de l’Agence sénégalaise d’études spatiales (Ases), et l’ambassadeur Abdoul Wahab Haidara, a signé les Accords Artémis au siège de la NASA à Washington. La cérémonie s’est tenue en présence de Brian Hughes, chef de cabinet de l’agence spatiale américaine, et de hauts responsables du Département d’État américain.
Le Sénégal devient ainsi le 56e pays à adhérer à ces accords, rejoignant une coalition pilotée par les États-Unis pour encadrer la coopération internationale dans l’espace, notamment autour du programme lunaire Artémis. «Le Sénégal affirme aujourd’hui sa volonté de faire partie des nations qui comptent dans l’ère spatiale. C’est un engagement pour la paix, la science et l’avenir», a déclaré Maram Kaïré à l’issue de la signature.
Pourquoi le Sénégal signe ?
Cette adhésion intervient dans un contexte d’accélération des ambitions spatiales sénégalaises : mise en orbite du premier nanosatellite, projets de téléobservation pour l’agriculture et la sécurité, formation d’ingénieurs locaux… Le pays veut se positionner comme un hub africain de la recherche et des technologies spatiales.
Les Accords Artémis offrent notamment l’accès à la coopération scientifique avec la NASA et ses partenaires; la participation à des missions spatiales futures; le renforcement des capacités techniques nationales.
Une signature sous tension diplomatique
Mais si la signature marque une avancée technologique, elle n’est pas neutre sur le plan diplomatique. Les Accords Artémis, bien que non contraignants, sont perçus par plusieurs puissances comme une initiative unilatérale américaine, qui contourne le cadre multilatéral de l’Onu sur le droit spatial.
La Chine et la Russie, non signataires, ont dénoncé une tentative de monopole sur l’espace et ses ressources, notamment lunaires.
Le timing ne manque pas d’interpeller : cette signature sénégalaise intervient quelques jours seulement après la visite du Premier ministre Ousmane Sonko à Pékin, où il a rencontré les dirigeants chinois pour renforcer la coopération stratégique bilatérale. «Le Sénégal risque de se retrouver tiraillé entre deux puissances spatiales concurrentes, au moment où il cherche encore à construire sa neutralité diplomatique», explique un chercheur en relations internationales basé à Genève.
Quelle position pour l’Afrique ?
Le Sénégal devient l’un des rares pays africains à signer les Accords Artémis, aux côtés du Nigeria, du Rwanda et de l’Angola. Ce geste renforce la présence africaine dans les discussions globales sur l’avenir spatial, mais pourrait aussi créer des lignes de fracture dans la diplomatie continentale, entre pays pro-occidentaux et pays non-alignés.
Le défi de l’équilibre stratégique
Dans un contexte de compétition spatiale croissante, Dakar devra faire preuve d’agilité. S’il veut tirer profit des opportunités offertes par les États-Unis via les Accords Artémis, le Sénégal ne pourra ignorer les ambitions de la Chine, qui a elle aussi lancé un programme lunaire et propose une alternative multipolaire à la gouvernance spatiale. «Le Sénégal joue gros : l’avenir de son programme spatial, mais aussi sa position d’arbitre diplomatique dans un monde de plus en plus polarisé», commente un diplomate sénégalais en poste à New York.
Le Sénégal entre dans une nouvelle ère. Avec la signature des Accords Artémis, il prend pied dans l’espace… mais aussi dans une zone d’influence mouvante, où science, géopolitique et souveraineté se disputent les trajectoires.
Samba THIAM