La conviction du maire de Dakar n’a pas bougé d’un iota sur la nature des fonds qui sont mis à sa disposition tous les mois. Khalifa Sall persiste et signe : «il s’agit de fonds politiques et non de caisse d’avance». C’est ce qu’il a réitéré, hier, à la barre. Mardi dernier, l’édile de la capitale sénégalaise a invoqué le Président Makcky Sall qui, selon lui, a sollicité ce fonds. Hier, le maire de Dakar a appelé dans la cause le Président Macky Sall, sur ces mêmes propos, pour confirmer l’existence de la caisse d’avance et la nature des fonds mis à sa disposition. Mais, en plus du président de la République actuel, le maire de Dakar installe également dans l’affaire l’ex-Président Abdoulaye Wade.
Wade lui avait donné des assurances
En effet, répondant à une question de l’ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Yérim Thiam, qui lui demandait pourquoi il n’a pas régularisé, comme il avait trouvé quelques anomalies notées depuis 1996 sur la caisse d’avance, il a déclaré : «j’ai eu le même problème. Nos collectivités locales ne sont pas vraiment émancipées politiquement. Lorsque j’ai été élu maire, en 2009, je m’en suis ouvert au président de la République de l’époque (Ndlr : Me Abdoulaye Wade). Il m’a donné les assurances quant à l’existence de ces fonds». Khalifa Sall de poursuivre : «le Président éprouve toujours le besoin d’avoir le maire avec lui (Me Thiam le coupe pour lui demander la date de cette discussion). C’était vers 2010. Je rappelle que mes 18 premiers mois ont été éprouvants. On a même failli me mettre en prison. Alors, lorsque je l’ai sollicité, parce que les maires étaient un peu fragilisés, le président de la République m’a dit : ‘’il n’y a aucun problème. Vous ne pouvez pas changer les choses’’. Je lui ai dit que vous exposez les maires à un problème probable et il m’a dit qu’aucun Président n’ira jusqu’à cet excès-là. Et en 2012, le président de la République (Ndlr : Macky Sall) m’en a parlé». Le maire de Dakar de répéter encore que le mécanisme qui aboutit à la mise à la disposition du maire des fonds est accepté par tous. «C’est un dispositif d’Etat, mis en place par l’Etat, avec la participation de tous les responsables de l’Etat», réitère-t-il.
Pour mieux convaincre le juge, le maire de Dakar a aussi invoqué l’affaire Idrissa Seck. L’ancien Premier ministre sous Wade avait, dans ses démêlés avec la justice, bénéficié d’un non-lieu de la part de la Haute Cour de justice. KhalIfa Sall a ainsi produit l’arrêt de cette juridiction. Dans cet arrêt, la Commission d’instruction écrit qu’Idrissa Seck a géré les fonds avec l’assentiment du président de la République et que ces fonds politiques existent et que la gestion de ces fonds relève de la discrétion du Président lui-même.
Le budget 2018 de la mairie arrêté provisoirement à 58 milliards de francs
Durant les débats de fond, le bras de fer entre l’Etat du Sénégal et le Conseil municipal de Dakar, qu’on pensait provisoirement enterré avec les exceptions de recevabilité de la partie civile jointes au fond, a refait surface. Me Ousseynou Gaye, avocat de la ville de Dakar, est monté au créneau pour crier sur tous les toits qu’il se dispute avec l’Etat du Sénégal cette place de partie civile, mais que l’Etat n’a aucun droit dans ce procès. Au juge Malick Lamotte, qui voulait le recadrer sur certaines questions qui seraient pour la défense, et à l’attention des avocats de l’Etat, la robe noire s’est expliquée avec fermeté : «J’ai un adversaire ici et je ne le mettrai jamais à l’aise. Ils veulent (les avocats de l’Etat) prendre ma place alors qu’ils n’ont rien à faire dans ce procès», vocifère Me Gaye.
Khalifa Sall : «sur les 58 milliards du budget de la ville de Dakar, l’Etat ne participe qu’à hauteur de 160 à 170 millions de francs»
Avant de se retourner vers le maire de Dakar pour l’interroger par rapport au budget de la mairie. Khalifa Sall a répondu que le budget vient d’être voté et est arrêté à environ 58 milliards de francs «susceptibles de bouger», selon lui. Le maire de préciser qu’il y a des dépenses engagées et non mandatées, ce qui explique les 58 milliards. Khalifa Sall a également ajouté que sur les 58 milliards de francs, l’Etat ne participe qu’à hauteur de 160 à 170 millions de francs, qui constituent des dépenses dédiées et qui sont affectées pour la grande partie à la santé. Le maire n’y touche pas, puisque l’argent va dans des domaines transférés.
Alassane DRAME