Si la loi sur la parité était respectée, le poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale doit être occupé par une femme et celui de 8ème vice-président par un homme. C’est la précision de Doudou Wade, qui explique comment est formé le bureau et comment sont répartis les postes de vice-présidents. Sur la vie interne de l’Assemblée, il souligne le fait que des députés ne savent même pas à combien s’élève le budget de l’institution et combien reçoit Niasse en fonds politiques, qui atteindraient les 80 millions par mois cette année. Accusant l’Assemblée nationale d’avoir démissionné de ses rôles de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques, l’ancien patron du groupe parlementaire de la majorité du temps de Wade affirme que son président, Moustapha Niasse «dort et bouffe des fonds politiques».
L’Assemblée nationale a formé hier son bureau, avec beaucoup de bruit quant au respect de la loi sur la parité. Une exigence des femmes parlementaires qui a fait perdre à Pape Diop son poste de 8ème vice-président, désormais occupé par une femme. Mais, en procédant ainsi, l’Assemblée nationale a violé la loi. En effet, le bureau de l’Assemblée nationale, comprenant aussi le président de l’institution, la parité doit s’appliquer dès le poste de premier vice-président qui doit revenir à une femme. Ce qui n’est pas le cas, pour des raisons politiques internes au parti au pouvoir. Cette application ciblée de la parité, qui laisse à Cissé Lô son poste de 1er vice-président et éjecte Pape Diop de celui de 8ème vice-président, est décriée par Doudou Wade.
«Si le président élu (pour 5 ans) est un homme, obligatoirement, le premier vice-président de l’Assemblée nationale doit être une femme…et le 8ème un homme»
«La loi dispose que le bureau de l’Assemblée nationale doit être paritaire ; les bureaux des commissions doivent être également paritaires. Cela veut dire qu’il faut faire en sorte, que les 17 membres du bureau de l’Assemblée nationale, du président au 2ème questeur, soient établis de telle sorte que nous ayons alternativement un homme-une femme», explique l’ancien patron du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle au temps du régime Wade. Poursuivant, il souligne : «le règlement intérieur dispose, en son article 13, que le bureau de l’Assemblée nationale comprend, outre le président, le 1er vice-président, le 2ème, jusqu’au 8ème, les deux secrétaires élus et les questeurs. Par conséquent, le bureau de l’Assemblée nationale a été listé du président au 2ème questeur, aligné dans un ordre». Partant de là, Doudou Wade fait savoir comment la parité doit s’appliquer et quels postes reviennent aux femmes et aux hommes, selon la loi. «Si le président élu pour 5 ans est un homme, obligatoirement, le premier vice-président de l’Assemblée nationale doit être une femme. Le 2ème vice-président sera un homme, le 3ème une femme, ainsi de suite… Cela veut dire que le 1er vice-président, le 3ème, le 5ème et le 7ème seront des femmes. Le 2ème vice-président, le 4ème, le 6ème et le 8ème seront des hommes».
«Le président de l’Assemblée nationale est habitué à cela, il viole toujours la loi»
Aussi, ajoute-t-il qu’ayant fait en sorte que Pape Diop soit le 8ème vice-président, et vu le fait que le président de l’Assemblée est un homme…, cela veut dire que le 1er et le dernier seront des hommes. «C’est une logique mathématique, arithmétique… Et c’est ce que dit la loi. Maintenant, est-ce qu’ils sont capables d’appliquer la loi ? Il est possible d’appliquer la loi. Il est possible aussi de ne pas vouloir appliquer la loi. Il est possible de s’obstiner à violer la loi. Et le président de l’Assemblée nationale est habitué à cela, il viole toujours la loi», cogne Doudou Wade.
«Le poste de vice-président nous revient de droit, c’est une répartition mathématique. Ce n’est ni offert, ni une aumône»
Interpellé sur la manière dont les postes de vice-présidents, sont distribués aux groupes, l’ancien parlementaire donne la formule. «C’est facile…Ces postes, conformément à la loi, sont faits avec la répartition de la plus forte moyenne. Nous avons aujourd’hui 165 députés à l’Assemblée nationale pour 8 postes de vice-présidents. Cela veut dire que si vous prenez les 165 que vous divisez par 8. Cela donne 20,5. Donc, nous allons dire que chaque poste de vice-président vaut 20,5 députés. Si on multiplie 20,5 par 6, on a 123,15 députés. Cela veut dire que le groupe de la majorité peut avoir 6 fois un vice-président. Et le reste, zéro vice président», explique-t-il. Mais, il faut répartir les deux qui restent. «Ces deux là sont répartis par la plus forte moyenne. La plus forte moyenne, c’est le 6 de la majorité. On va ajouter un 1 au 6…Ensuite on prend les zéro du groupe de l’opposition plus 1. Et zéro plus 1 égale 1», soutient-il. Et de marteler : «Le poste de vice-président nous revient de droit, c’est une répartition mathématique ; ce n’est ni offert ni une aumône». Toutefois, Doudou Wade fait remarquer que, si, par exemple, les députés du camp Liberté et Démocratie faisaient 17 personnes, ils pouvaient ne pas avoir de groupe parlementaire». De même, «si les non-inscrits avaient rejoint le groupe de l’opposition, peut-être il y aurait 2 vices présidents».
«pour les fonds politiques du président de l’Assemblée nationale, certains parlent de 40 millions, d’autres de 50 millions. Et on parle de 80 millions cette année»
Parlant du budget de l’Assemblée nationale, Doudou Wade dénonce l’absence de transparence qui fait que beaucoup de députés ne connaissent même pas à combien il s’élève et quel montant est alloué à son président en fonds politiques. «Sur le budget de l’Assemblée nationale, nous attendions des ruptures depuis 5 ans, mais, jusqu’à présent, il y a des députés qui ne savent pas comment est réparti le budget de l’Assemble nationale. Il y a des députés qui ne savent pas quel est le montant alloué au président de l’Assemblée nationale comme fonds politiques. Certains parlent de 40 millions, d’autres de 50 millions. Et on parle de 80 millions cette année. Je ne sais pas», s’indigne Doudou Wade. Qui interpelle les parlementaires. «Il leur appartient de s’inquiéter de cette situation et de poser la question au questeur. Quel est le montant exact du budget de fonctionnement, du budget des salaires, du budget des transferts, du budget alloué au président de l’Assemblée ? Est-il admis aujourd’hui, que le président dispose, à peu près, de 80 millions de francs par mois, pour son budget politique ?», se demande l’ancien député libéral.
«Le président de l’Assemblée nationale dort et bouffe des fonds politiques»
Doudou Wade reproche aussi à l’équipe de Moustapha Niasse de manquer à ses missions. «L’Assemblée a des missions nouvelles depuis 2016 et elle ne s’est pas occupée de cela. C’est le contrôle de l’action gouvernementale. Aussi, le Premier ministre devrait se présenter au moins une fois par mois, mais malheureusement, il se présente une fois tous les 8 mois. Il doit y avoir deux séances de questions d’actualité par mois, une par 15 jours, et des questions orales une fois par semaine. Les rendez-vous du gouvernement et de l’Assemblée, en dehors du vote de la loi, c’est 7 rendez-vous par mois. Mais, actuellement, c’est zéro par mois. Donc l’Assemblée nationale a démissionné de son rôle de contrôle du gouvernement», assène Doudou Wade. Non sans souligner aussi la mission d’évaluation des politiques publiques, dont, note-il, les députés n’ont daigné une seule fois essayer de «prendre le contour». Dès lors, sa sentence tombe sur Niasse. «Le président de l’Assemblée nationale dort et bouffe des fonds politiques», affirme-t-il avec force.
Mbaye THIANDOUM