Boubacar Camara a été critique et très amer sur les pratiques du régime du Président Macky Sall. Le président du mouvement Jëngu ngir jarign Sénégal et candidat à la coalition Fippu, recalé à la présidentielle du 24 février 2019, a dénoncé la cascade d’arrestations «arbitraires» et «préventives» des jeunes de l’opposition, notamment des Khalifistes et des Karimistes et affirme craindre le pire pour le pays. L’ancien Directeur général de la Douane a décrié l’absence de transparence dans ledit régime et le non-respect de la parole donnée par le chef de l’Etat. Il s’est attaqué aussi aux 7 sages du Conseil constitutionnel et a invité le peuple à aller dénicher 7 sages au Sénégal.
Les Echos : Votre commentaire sur la série d’arrestations des jeunes de l’opposition, notamment des Khalifistes et des Karimistes ?
Boubacar Camara : Des arrestations arbitraires parce qu’il s’agit souvent d’arrestations préventives. Des évènements sont prévus, comme l’inauguration d’une mosquée, craignant des troubles, ils sont allés voir les gens en dehors des heures légales pour les arrêter. C’est une offensive qui est faite avec des milices pour un peu freiner l’ardeur de ces jeunes, qui n’ont fait que protester contre la forfaiture organisée par le régime, et qui a été révélée par les résultats des parrainages.
Votre commentaire en tant qu’ancien Directeur général de la Douane sénégalaise sur la volonté de l’Etat de promouvoir la transparence dans l’utilisation des fonds budgétaires.
Sept ans après l’arrivée au pouvoir de Macky Sall, qui avait dit qu’il allait faire une gouvernance sobre et vertueuse. Depuis 7 ans, on n’a eu que des scandales qui n’ont jamais été élucidés. Le gouvernement de Macky Sall ne doit même plus utiliser le mot transparence. C’est des phrases. Vous avez vu le nombre de dossiers qui ne sont pas élucidés ? Vous avez vu comment la propre famille du président de la République a été impliquée dans des scandales, qui ne sont pas élucidés ? En 2019, on nous parle de transparence. Mais de qui se moque-t-on ? Vous avez vu tous ces dirigeants qui sont épinglés par des rapports et qui sont protégés ? Vous avez vu tous ces gens, qui ont été épinglés et qui ont transhumé et rejoint le régime de Macky Sall ? On parle encore de transparence au Sénégal. Soyons sérieux. Il y a deux mots que le régime de Macky Sall doit arrêter d’utiliser, c’est la transparence et le respect de la parole donnée. Wax waxeet ! Le mandat, on va faire un mandat de 5 ans, vous avez vu ce qui s’est passé ? On ne met pas la famille dans la gestion du pouvoir, vous avez vu ce qui s’est passé ? Je ne vais jamais nommer mon frère, vous avez vu ce qui s’est passé ? Ils sont disqualifiés pour parler de transparence.
Qui sont ces membres de la famille du président de la République impliqués dans ces scandales non élucidés ?
Vous pouvez comprendre, qu’un bloc pétrolier soit attribué à quelqu’un qui est associé au frère du Président, qui le reconnait et après qui dit qu’il est sorti du dossier pour aller travailler en Afrique, quand il y a eu la clameur publique ? Ce seul dossier suffit largement.
Parlons maintenant de la tension politique qui prévaut, peut-on craindre le pire ?
Le Sénégal ne mérite pas ce qui est en train de se passer. On a eu deux alternances sans anicroches, sans contestations. On pouvait imaginer que le Sénégal a dépassé l’ère des contestations électorales. Mais, c’est après le référendum, que le Président Macky Sall a commencé à remettre en cause ce dispositif. En prenant quatre mesures : la fusion des cartes, un fichier manipulé, un ministre de l’Intérieur partisans et l’instauration du parrainage de façon unilatérale, sans consensus. Voilà les quatre mesures qui ont été prises, qui ont remis en cause le dispositif électoral. On est revenu à la case départ. C'est-à-dire au moment des grandes contestations électorales. Donc on craint le pire. Aucun démocrate n’acceptera que tout le travail qui a été mené soit changé par un seul homme, qui pense que le pouvoir lui appartient. Tant qu’il n’y a pas un combat, le Président Macky Sall ne reculera pas. Et il va s’imposer parce qu’il tient à avoir son deuxième mandat.
L’Etat campe sur sa position, ne recule pas, l’opposition pousse…On va inévitablement vers…
(Il coupe). Ce n’est pas l’Etat (il se répète). C’est une personne.
Mais est-ce que les populations ne vont pas se dire finalement que ces politiciens nous prennent en otage ?
Parlons des populations. On leur a promis tellement de choses. Elles deviennent plus pauvres. Chaque jour, elles ont des problèmes pour la santé, l’éducation, la protection sécuritaire, la nourriture, le travail, les dépenses quotidiennes…Les populations en ont marre. Nous tous ici, nous avons tous les problèmes du monde, parce qu’on a vu comment les richesses de ce pays-là ont été prises en charge, comment les préoccupations des populations ont été foulées au sol dans l’agriculture, dans l’élevage, dans la pêche, dans l’artisanat, dans la culture, dans la presse. Ces populations sont dos au mur. Il faut arrêter la spirale et le seul qui peut le faire, c’est le président de la République. Sinon, des personnes sages. On peut trouver quand même au Sénégal 7 sages, qui peuvent se parler et parler à tout le monde, mettre tout le monde autour d’une table.
Vous parlez de 7 sages, alors que nous en avons déjà au Conseil constitutionnel.
Je parle de 7 sages. Il nous faut qu’on déniche 7 sages au Sénégal. Qui ont fait leurs preuves. Qui ont un parcours d’honnêteté, un parcours d’intégrité.
Vous remettez en cause l’intégrité de 7 sages du Conseil constitutionnel ?
(Il coupe et se répète). Je dis : nous avons besoin de 7 sages pour apaiser la situation. Cherchons 7 sages au Sénégal. Il y en a quand même.
Vieux Père NDIAYE