Malgré les appels au consensus lancés par le président Bassirou Diomaye Faye, notamment durant le Dialogue national et même le jour de la Tabaski, les actes du régime Pastef semblent trahir cet engagement. L’arrestation de Moustapha Diakhaté pour de simples opinions exprimées marque un tournant inquiétant, une dérive qui alerte sur la fragilité de nos acquis démocratiques. Les forces politiques de l’opposition ayant pris part au Dialogue national montent au créneau pour manifester leur colère et leur déception de cette arrestation.
Le 4 juin dernier, alors que l’espoir d’un apaisement national renaissait à la faveur du Dialogue national, les forces de l’opposition signataires appelaient le président Diomaye Faye à poser les actes forts de décrispation attendus par les Sénégalais. Ces attentes étaient claires : tourner la page des années d’instabilité, restaurer la confiance, respecter les droits fondamentaux.
Le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, n’a cessé depuis de réaffirmer son attachement au consensus, à la sérénité dans l’espace public et à la consolidation démocratique. Il l’a réitéré dans ses allocutions, y compris le jour de la Tabaski, symbole de pardon et de réconciliation.
Mais à peine l’encre des discours séchée, les faits contredisent les promesses. La dernière illustration de ce grand écart entre les paroles et les actes est l’emprisonnement choquant de Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (Bby 2012-2017), pour avoir critiqué avec des mots « les dérives protocolaires et communicationnelles de certaines institutions ». Son seul « tort » ? Avoir usé de sa liberté d'expression, disent ces opposants dans un communiqué largement partagé.
Il ne s’agit pas d’un cas isolé, car c’est la deuxième fois que Diakhaté est privé de liberté pour un simple mot. Ce « harcèlement judiciaire frôle le ridicule si l’on oubliait un instant la gravité de la situation ». Cette répétition traduit « une instrumentalisation inquiétante » de la justice. Elle rappelle de sombres périodes que les Sénégalais, fatigués par trois années de tensions (2021–2024), espéraient révolues.
Ce retour de la censure musclée, habillée en légalité, dénote une intolérance au débat, à la critique, à la diversité des voix. Et pourtant, rappelle le communiqué, « ceux qui gouvernent aujourd’hui ont, dans un passé récent, profité et usé eux-mêmes de cette liberté pour dénoncer les dérives de l’ancien régime. Que reste-t-il donc de leurs promesses de rupture et de renouveau ? »
Il est impératif de rappeler que la liberté d'expression n’est pas un privilège accordé selon l’humeur des gouvernants, mais un droit fondamental protégé par la Constitution. Que les opinions dérangent, choquent ou provoquent, elles doivent pouvoir s’exprimer. Faute de quoi, c’est le fondement même de notre démocratie qui vacille.
Le cas Diakhaté est un signal fort, et dangereux. Il montre qu’aucun opposant n’est à l’abri, que la parole peut redevenir un délit, et que la peur peut à nouveau museler les esprits. C’est ce que nous refusons, fermement, résolument. « Les partis et mouvements politiques signataires du Dialogue national exigent donc, avec force et détermination, la libération immédiate et sans condition de Moustapha Diakhaté, ainsi que celle de tous les détenus politiques encore incarcérés ».
Le Sénégal ne peut plus se permettre de «replonger dans le cycle infernal des arrestations arbitraires, des procès politiques, des violences d’État. Il est temps que les autorités actuelles traduisent leurs engagements en actes, qu’elles privilégient l’écoute à la répression, le débat à la rétorsion, la démocratie réelle aux apparences trompeuses», lancent les opposants dialogueurs.
En définitive, le texte souligne que «l’histoire jugera. Mais pour l’heure, la société civile, les démocrates, les citoyens engagés ont une responsabilité : celle de ne pas se taire. Car une liberté qu’on laisse piétiner sans réagir est une liberté qu’on perd pour longtemps».
Baye Modou Sarr