Fraichement portée à la tête du Réseau des jeunes élus d’Afrique de l’Ouest, une instance de GGLU Afrique, Thérèse Faye Diouf s’est confiée à «Les Échos». Dans cette interview, la toute nouvelle Présidente du Réseau des jeunes élus d’Afrique de l’Ouest, qui a quitté la tête de la Cojer au profit de la structure des femmes de l’APR, jette également un coup d’œil sur cette structure qu’elle connaît mieux que quiconque, prodiguant des conseils à son successeur, Moussa Sow. Maire de Diarrère, elle a fait l’état des réalisations dans sa commune. Thérèse Faye Diouf parle aussi de sa touche personnelle depuis sa nomination à la tête de l’Agence.
Les Echos : Vous avez été portée à la tête des jeunes élus d’Afrique de l’Ouest à Durban à l’occasion du Sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux (CGLU), qui s’est tenu à Durban, en Afrique du Sud, du 11 au 15 novembre 2019. En quoi consiste cette organisation ainsi que votre rôle de présidente pour sa section Afrique de l’Ouest ?
Thérèse Faye Diouf : Le Réseau des jeunes élus d’Afrique de l’Ouest est une instance de Cglu Afrique qui regroupe toutes les collectivités territoriales en Afrique. Nous avons été portée à la tête de cette structure pour l’Afrique de l’Ouest composée de 16 États. En tant que présidente de cette institution, nous avons comme mission d’installer le Réseau dans tous les pays de l’Afrique l’Ouest. S’il en est ainsi, c’est parce que le Comité exécutif de Cglu a senti la nécessité d’impliquer le maximum de jeunes dans l’exécutif local. Cela s’explique par le fait que, partout où vous allez dans les communes à travers le Sénégal, voire en Afrique, la population jeune est très importante. Au Sénégal, la population est majoritairement composée de jeunes. Cependant, il est très rare de voir de jeunes maires. Il est même très rare de voir des jeunes qui s’intéressent à la gestion au niveau local. Beaucoup de jeunes s’activent, mais la plupart ne le font que dans les partis politiques.
Au Sénégal, nous avons une trentaine de jeunes maires. Ce qui est honorable parce que dans la sous-région, il est très rare de voir de jeunes maires. Souvent aussi, certains pensent qu’ils font partie de la jeunesse alors qu’ils ont dépassé la quarantaine. C’est pour toutes ces raisons que le comité exécutif de Cglu a décidé de mettre en place ce Réseau.
L’autre mission qui nous est assignée, au sein du Réseau, c’est de mettre sur la table certaines questions liées à la jeunesse et à son épanouissement. Il s’agit de problématiques liées à l’éducation, la migration, le climat, mais également d’autres questions qui sont des piliers de développement de l’Afrique. C’est d’ailleurs ce qui explique que l’organisation ait mis en place des pôles régionaux.
Comment avez-vous été choisie ?
Lors de l’élection, tous les pays d’Afrique de l’Ouest étaient présents et, après le vote, les représentants ont unanimement porté leur choix sur ma personne pour un mandat de 2 ans. Je voudrais en profiter pour encourager la gent féminine ; qu’elle sache que le leadership ne se décrète pas, cela se construit petit à petit et c’est au bout des efforts fournis qu’on y arrive.
Comment le Sénégal peut-il profiter de votre élection à la tête de cette organisation ?
Le Sénégal peut profiter de cette organisation sur beaucoup d’aspects. Mais c’est surtout au niveau de sa jeunesse. Aujourd’hui, il y a beaucoup d’enjeux mondiaux, avec de nouvelles orientations dont les jeunes ne sont pas assez conscients. Quand on parle de jeunesse politique, il faut une jeunesse bien formée, donc la question de la formation sera également au centre de notre mission. J’ajouterai aussi la question du partenariat, car il est important de promouvoir le partenariat sud-sud.
Vous êtes maire de Diarrère. Comment se porte la commune ? Quelle appréciation faites-vous de votre bilan depuis votre arrivée à la tête de la mairie ?
La commune de Diarrère se porte très bien. Elle fait partie des rares communes qui ont un niveau de réalisation très élevé par rapport aux orientations du Plan Sénégal émergent mis en place par le Président Macky Sall. Je peux vous assurer que tous les secteurs ont été pris en compte. Sans être exhaustive, je peux citer l’éducation avec quatre lycées, la santé avec des réalisations considérables ont été faites. En matière d’électrification, on a fait un bond considérable, puisque quand je suis arrivée à la tête de la commune de Diarrère en 2014, nous n’avions que trois villages électrifiés. Aujourd’hui, nous en sommes à douze villages électrifiés.
Vous avez occupé la tête de la Cojer pendant pendant 5 ans et demi. Vous avez été remplacée par votre camarade Moussa Sow. Comment appréciez-vous sa gestion depuis son arrivée à la tête de l’instance ?
Moussa Sow est un jeune frère que j’ai accueillie à l’Université dans le Mouvement des élèves et étudiants républicains (Meer). A l’époque, il était le responsable du Meer de Linguère. C’est quelqu’un qui est très politique et qui a la volonté d’aller de l’avant pour redynamiser la Cojer. Mais une structure de jeunesse n’est jamais facile. Cela s’explique par le fait que l’unanimité ne peut pas exister en politique. Si j’ai un conseil à lui donner, c’est de tout faire pour comprendre et mettre en œuvre la volonté du président de la République. Parce que pour toute initiative qu’il prendra, il y aura toujours des voix qui seront contre. J’ai vécu l’expérience quand j’étais à la tête de la Cojer. Lorsque tu mènes des activités, il y a toujours des gens pour te mettre des bâtons dans les roues afin que tu échoues. C’est pourquoi, si tu te mets dans une logique de règlement de comptes avec ceux qui sont contre tes initiatives, tu n’avanceras pas. Pour ma part, à un moment donné, j’ai dû fermer les yeux, j’élaborais mes plans d’actions et j’allais à la rencontre des jeunes pour discuter avec eux de ce que le président de la République est en train de faire. Je discutais également de ce que doit être le rôle d’un jeune de l’Alliance pour la République. Cela demande de l’audace et du courage, il faut être endurant pour affronter les critiques, surtout les mots déplacés et les commentaires désobligeants sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que dans tous les partis politiques le combat entre jeunes est orchestré par les adultes. Ce sont les adultes qui mènent des règlements de comptes à travers la structure des jeunes. C’est pourquoi, c’est très difficile. Pour réussir, il faut avoir la cartographie du parti au plan national. Le parti n’est pas structuré mais il a des leaders partout et ils ont chacun leurs responsables des jeunes. Donc, il faut tenir compte des différentes sensibilités qui existent dans chaque département, et essayer de fédérer tout le monde autour de la Cojer. J’ajouterai qu’il faut réunir la structure tous les mois pour donner sa position sur certaines questions. Cependant, il est important que la structure soit accompagnée par le Président mais aussi par l’ensemble des responsables du parti. Je ne suis plus à la tête de la Cojer, mais j’ai toujours des amis dans les départements, qui ont beaucoup fait pour le parti et qui, aujourd’hui, sont gagnés par un sentiment de découragement ou de déception. Je voudrais leur dire que ce n’est pas le moment, ils doivent continuer à travailler et à être solidaires. Si je le dis, c’est parce que je suis toujours en contact avec des jeunes qui s’interrogent. Et je sais qu’on peut mieux faire pour la jeunesse du parti. C’est l’appel que je lance au Président, aux responsables mais également à Moussa Sow qui est aujourd’hui le responsable de la jeunesse du parti. Il est vrai que nous sommes dans une coalition avec tout ce que cela implique, mais ceci ne doit pas constituer un obstacle pour prêter davantage attention à ces jeunes qui ont tout donné au parti.
Des jeunes du parti ont fait des sorties dans la presse pour dire que les choses ne marchent plus depuis votre départ de la Cojer. Thérèse Faye serait-elle indispensable à la Cojer ?
D’abord, nul n’est indispensable dans ce bas monde. Ensuite, c’était une mission qui m’a été confiée, je l’ai accomplie. Maintenant, je suis partie et la Cojer n’est plus une perceptive pour moi, j’en ai d’autres et vous me verrez dans cela d’ici quelque temps. De toutes façons, ce n’est pas le lieu de se décourager, de se perdre dans les schémas politiques. S’il y a des choses à revoir ou à refaire, qu’ils discutent entre eux. Il y a beaucoup de jeunes dans la Cojer qui ont de l’expérience et qui peuvent apporter des solutions, et ce sera comme si Thérèse est toujours là ou même faire plus sans Thérèse. Mais Moussa a besoin du soutien de tous pour mener à bien sa mission et réussir.
Vous êtes la Directrice de l’Agence nationale de la petite enfance et de la case des tout-petits depuis 2012, quelle a été votre touche personnelle dans ce projet ?
Nous venons récemment du Sommet mondial sur l’éducation et l’innovation tenu au Qatar. Nous en avons tiré beaucoup d’orientations pour nos perspectives. Et à propos de perspectives, nous avons l’ambition de dépasser, d’ici 2022, la moyenne africaine en terme de taux brut de préscolarisation qui est de 20%. Pour ce faire, nous avons beaucoup de projets dont celui de la Banque mondiale, à savoir le Projet Investir dans les premières années pour le développement humain au Sénégal (PIPADHS) qui est multi-acteurs/multi-secteurs, et que nous partageons avec d’autres directions. Ce projet vise toutes les questions liées à la petite enfance au Sénégal, notamment la nutrition, l’éducation, la santé, la protection, l’approche communautaire, l’accompagnement des collectivités territoriales et des acteurs communautaires à la base.
Par ailleurs, nous allons continuer la construction des cases des tout-petits et renforcer leur accompagnement. Je peux également citer un projet important avec la Koica, à savoir le Programme de développement intégré de la petite enfance au Sénégal 2019-2023, pour un montant de 2 milliards 800 millions, qui va impacter positivement la prise en charge de la petite enfance dans les régions de Louga et de Saint-Louis. Dans ces régions, nous comptons construire 8 cases des tout-petits et équiper toutes les cases des tout-petits, les écoles maternelles et les garderies qui sont dans les deux régions. En outre, ce projet va renforcer les capacités des éducateurs, des acteurs communautaires, etc.
Présentement, nous préparons la Semaine nationale de la petite enfance et de la case des tout-petits qui aura lieu du 9 au 15 décembre 2019. La cérémonie de lancement aura lieu à Kaolack et l’innovation majeure de l’édition de cette année est l’organisation du Forum sur la digitalisation des jeux et jouets traditionnels, à Dakar, au Musée des civilisations. Cette activité sera axée sur la digitalisation, la manufacture, la numérisation de nos cahiers d’activités… les jeux et jouets traditionnels proposés sont modélisés manuellement et digitalement ; des applications informatiques sur le paquet de service de la petite enfance sont disponibles en version démonstration avec le Hackathon qui a été lancé à cet effet. Nous aurons également, durant le forum, un panel avec des experts nationaux et internationaux, une exposition et un dîner de gala va clôturer le forum.
En somme, nous avons beaucoup de chantiers, mais retenez que notre ambition aujourd’hui, au niveau de l’Agence, est de nous référer à la directive présidentielle qui est la généralisation de la prise en charge de la petite enfance. Certes, l’État y a un rôle important, cependant nous invitions le secteur privé et les entreprises, à travers la Responsabilité sociétale d’entreprise (Rse), à apporter leur contribution. Il faut que les projets développés dans le cadre de leur Rse soient davantage mis au profit de certains secteurs clés comme la petite enfance qui comporte des couches vulnérables partout à travers le Sénégal.
Propos recueillis par Sidy Djimby NDAO