Au terme des revues du Fmi au Sénégal, le représentant-résident du Fmi au Sénégal a fait face à la presse pour s’expliquer sur la réduction des subventions à l’énergie. Sur les prévisions de croissance en 2023, il révèle que les prévisions sont soumises à des risques baissiers importants. Il est également revenu sur le rapport de la Cour des comptes et confirme qu’il y a des irrégularités sérieuses.
L’approbation de la sixième et dernière revue du programme au titre de l’Instrument de coordination de la politique économique (Icpe), des troisièmes et dernières revues de l’accord au titre de la facilité de crédit de confirmation (Fcs) et de l’accord de confirmation (Ac) du Fonds monétaire international (Fmi) au Sénégal a permis à notre pays de bénéficier de 133 milliards représentant la dernière tranche du prêt concessionnel de 400 milliards octroyé par le Fmi. Le représentant-résident du Fmi au Sénégal, Mesmin Koulet-Vickot a fait face à la presse hier pour revenir sur les grandes lignes de ces différentes revues. Interpellé sur la réduction des subventions de l’énergie dont le Fmi a été à l’origine, Koulet-Vickot lâche : «La réduction des subventions de l’énergie à travers des hausses ciblées des tarifs de l’électricité et des prix de certains produits pétroliers se justifie par le fait que le statu quo était devenu insoutenable pour les finances publiques. Par exemple, les chiffres révèlent que les subventions à l’énergie en 2022 ont coûté 750 milliards à l’Etat ; contrairement à 2021 où les subventions à l’énergie étaient de 150 milliards», explique-t-il, précisant dans la foulée que ces subventions à l’énergie ont absorbé 23% des recettes fiscales et non fiscales de l’Etat.
Les projections des subventions étaient de 800 milliards
A l’en croire, si le gouvernement n’avait pas pris ces mesures, les projections révèlent que ces subventions à l’énergie allaient atteindre 800 milliards en 2023, soit 22% des recettes de l’Etat ; soit plus que ce que le Sénégal va engranger en termes de recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures en une année. «Quand la représentation nationale a voté un budget qui prévoit une enveloppe de 450 milliards pour les subventions, alors que les projections étaient à 800 milliards, implicitement, elle reconnaissait qu’il fallait que des mesures soient prises pour que les subventions ne dépassent pas l’enveloppe budgétaire. Poursuivant, il ajoute que l’Etat, pour supporter ces subventions, a dû reprendre 150 milliards destinés aux dépenses d’investissement. Pire, il révèle que ces subventions ont constitué le principal moteur du niveau élevé de déficit budgétaire en 2022 qui est de l’ordre de 6,2%. Ce qui lui fait dire que tous ceux qui sont préoccupés par la question de l’endettement du pays devraient applaudir ces mesures pour éviter son creusement. De même que ceux qui sont soucieux que le Sénégal garde sa signature sur les marchés financiers. Tous ceux qui sont épris d’équité sociale ou de justice sociale, relève-t-il, doivent applaudir cette mesure parce qu’on fait des économies pour investir dans des dépenses sociales. En outre, le représentant-résident du Fmi est d’avis que ces subventions à l’énergie profitaient plus aux couches les plus aisées qu’aux plus démunies.
Les prévisions de 2023 sont soumises à des risques baissiers importants
Interpellé sur les risques de baisse du taux de croissance en 2023, Mesmin Koulet-Vickot rappelle que le taux de croissance 2022 a connu une baisse pour s’établir à 4,7%. «Le gouvernement table sur un taux de croissance à deux chiffres 10,1%. Le Fmi est autour de 8,3%. S’agissant de la croissance hors hydrocarbure, on a le même taux de croissance. C’est plutôt autour de la croissance hydrocarbure que nous avons des différences de projection et c’est lié au timing du premier baril. Nous allons encore réexaminer cette différence lors de nos prochaines missions pour nous accorder sur le timing exact de l’exploitation des hydrocarbures qui peut commencer au troisième, quatrième trimestre ou l’année prochaine. Personne ne peut être sûr à 100% que ça va être le 15 novembre 2023. Évidemment les prévisions de 2023 sont soumises à des risques baissiers importants ; des risques baissiers sont liés à la conjoncture internationale», explique-t-il.
Le rapport de la Cour des comptes révèle des irrégularités sérieuses
Le rapport de la Cour des comptes s’est également invité aux débats et pour le patron du Fmi au Sénégal, c’est un bel exercice de transparence et de redevabilité. «Néanmoins, des recommandations ont été formulées et le Gouvernement s’est engagé à lui donner suite. Le Fmi, qui a contribué de l’ordre de 40% des fonds Force Covid-19, va être attentif et engagé pour accompagner le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations de ce rapport», annonce le représentant-résident du Fmi qui est revenu sur les mesures prises par le gouvernement pour éviter la réitération de telles irrégularités.
Des comptes à gauche et à droite ont aussi favorisé ces irrégularités
«Il s’agit du nouveau code des marchés publics qui vient d’être adopté. Ce code encadre mieux les procédures dérogatoires des passations de marchés. Nous avons compris, lors de nos échanges avec le gouvernement, que la situation d’urgence ne justifiait pas de mettre de côté le code des marchés et que ça pouvait être traité dans le cadre du code passé ou actuel et n’avait pas besoin de prendre un décret spécial. Le gouvernement a aussi compris que l’une des causes de ces irrégularités est relative aux transferts budgétaires vers les entités de l’administration centrale ou les services non personnalisés de l’Etat qui ont des comptes dans des banques commerciales, les ministères techniques, etc. Depuis deux ans, le gouvernement a entrepris de fermer tous les comptes des services non personnalisés de l’Etat (des entités de l’administration centrale) dans les banques commerciales et de ramener toute l’exécution du budget dans un processus du compte unique du Trésor. C’est une avancée majeure car ces comptes à gauche et à droite ont favorisé ces irrégularités. L’autre mesure, c’est le renforcement du dispositif des transferts monétaires. A l’époque, les partenaires techniques et financiers du sénégalais s’étaient réservés dans le principe de distribution des vivres. Logistiquement, c’est très compliqué et qu’il fallait plutôt des transferts monétaires, donner l’argent et charge à eux de satisfaire à leurs besoins alimentaires», explique le représentant-résident du Fmi.
M. CISS