Victime d’une campagne de dénigrement sans commune mesure depuis qu’il a entrepris, avec la majorité du personnel de la Cbao, de revendiquer leurs droits, Papa Doudou Tounkara reste inébranlable. Dans cet entretien, au détour d’une journée syndicale très chargée, le patron du collège des délégués de la Cbao ne s’émeut pas de la campagne de diabolisation dont il fait l’objet et reste focus sur l’objectif. Pape Doudou Tounkara est catégorique : ils ne vont pas laisser la Direction générale de la Cbao faire ce qu’elle veut…
Les Echos : La Cbao est sous le feu des projecteurs depuis quelques semaines. Que revendiquez-vous ?
Papa Doudou Tounkara : Depuis le mois de décembre, le collège des délégués du personnel a décidé de durcir le ton, parce que tout simplement nous avons eu à déposer une plateforme revendicative depuis janvier 2020 et, un an après, nous n’avons reçu aucun retour de la part de la Direction générale. Et même avant cela, il y a un protocole que nous avions signé en 2019 et sur ce protocole, il y avait des points que la Direction générale tardait à réaliser. Il y a également des points de réclamations. Ce sont des acquis, des avantages qu’on avait et que la Direction générale est en train de nous retirer un à un.C’est pour cela que, quand on a adressé des courriers à la Direction générale, nous avons décidé de durcir le ton en envoyant une lettre de notification à la Direction générale,à l’Inspection générale du Travail et à la Sécurité sociale.
Comment a réagi la Direction générale ?
C’est vrai que des propositions nous ont été faites, mais quels genres de propositions ? Par rapport à l’ouverture du capital, la Direction générale a catégoriquement refusé. Elle a d’abord dit que ce n’était pas dans ses prérogatives. Nous leur avons alors demander d’attendre la tenue de l’assemblée générale des actionnaires pour voir ce qu’ils vont décider.Par rapport au taux de prime d’intéressement de 5 à 8%, la Direction générale a aussi refusé. Après, ils ont dit qu’ils vont trouver les voies et moyens pour gonfler un peu l’enveloppe mais leur première réponse était négative. On ne peut pas être la première banque au Sénégal, la seule banque au Sénégal qui arrive à faire des résultats de 20, 25 à 30 milliards (cette année, nous avons fait plus de 29 milliards, presque 30) et en termes de taux d’intéressement, nous sommes les derniers. La plupart des banques aujourd’hui sont à 10%, certaines à 8%, mais laCbao reste à 5%. C’est inadmissible. Il faut qu’ils acceptent de voir la réalité en face.
Depuis quelque temps, des gens personnalisent le débat et vous accusent de vous agiter à cause de la faiblesse de votre note pour être servi. Qu’en est-il ?
A la Cbao, chaque fin d’année, on évalue les gens par rapport à leur poste, par rapport aux objectifs qui leur ont été fixés, moi, j’ai vu que dans quelques journaux, on a parlé de mon évaluation. C’est dans les médias que j’ai appris mon évaluation. Je vous assure. Nous sommes au mois de mars et je vous assure que je n’ai jamais été évalué.
Ah oui ?
Je n’ai jamais été évalué. Personne ne m’a évalué. Ce sont les responsables qui doivent évaluer leurs agents et je vous dis que personne ne m’a parlé d’évaluation. C’est dans la presse que j’ai vu qu’on m’a évalué et qu’une note m’a été donnée. Et puis, il faut faire très attention par rapport aux évaluations. Je donne mon exemple sans entrer dans les détails. C’est par rapport à mon profil. Quand, par exemple, vous amenez un mécanicien dans un atelier de menuiserie ou de plomberie, vous ne pouvez pas attendre grand-chose de lui. La question que je me pose d’ailleurs, c’est pourquoi tous ceux qui ont écrit sur moi, qui ont essayé de me dénigrer, qui ont essayé de dire ces mauvaises choses sur moi,ne m’ont pas appelé pour avoir ma version. Bon…
Dans votre bras de fer avec la Direction générale, le nom de Diagna Ndiaye revient souvent en coulisses. C’est quoi justement vos rapports, pour ne pas dire son degré d’implication dans le dossier ?
M. Diagna Ndiaye est un administrateur à Cbao. Sur notre demande, il nous a reçus à deux reprises. C’est quelqu’un que nous apprécions. Nous discutons avec lui.
Et c’est quoi sa position dans vos points de revendications en qu’administrateur ?
Il demande de lui laisser du temps pour qu’il puisse régler cela. Il se trouve aussi que notre souci, ce ne sont pas seulement ces points de revendications. Il y a aussi des points de droit. On ne peut pas être au Sénégal et dire que l’on ne va pas respecter les règles de droit. On ne va pas respecter des choses qui ont été précisées dans le code du travail, dans la convention collective nationale, dans la convention collective des banques ou dans la convention collective nationale interprofessionnelle. Parfois même, ce sont des décrets présidentiels. On ne peut pas laisser la Direction générale de Cbao faire ce qu’elle veut. C’est cela le souci que nous avons. En dehors de ces deux points de revendications, tous les autres points que nous avons posés sur la table sont des points de réclamations.
Vos 14 points de revendications…
Non. Ce sont eux qui ont parlé de 14 points. Quand on a démarré les négociations avec la Direction générale, il était question de discuter des points en suspens de l’ancien protocole, de discuter des deux points du protocole revendicatif, mais aussi de discuter également des points de réclamations. Ces points de droit, aujourd’hui, sont au nombre de trente (30). Il y a 30 points de réclamations. Pour nous, il était question de déposer une première liste de réclamations. Cela sous-entend qu’il y a une seconde partie. Donc dès que nous avons bouclé cette première partie, nous nous attendions à être convoqués pour démarrer les négociations pour la deuxième partie, mais il se trouve qu’au niveau de cette liste de réclamations pour la deuxième partie, il y a des points chauds. Des points très sensibles.
Lesquels par exemple ?
Comme par exemple, ce point qui parle des conflits d’intérêts. Au niveau de la réglementation bancaire, il est interdit qu’un responsable, le Directeur en charge des crédits et risques octroie du crédit à des membres de sa famille. C’est ce qu’on appelle des parties liées. C’est interdit. Il y a aussi ce point qui concerne les expatriés. On nous taxe de xénophobes, mais ce n’est pas le cas. Le Sénégal est un pays de droit et de lois. Et dans un pays de droit, il faut que l’on respecte les règles de droit. Dans notre réglementation, le contrat a duré indéterminée est exclu pour les expatriés. Ils ne doivent pas bénéficier de CDI. Ils doivent avoir juste des CDD. Et il n’y a pas un type de contrat CDD qui dure dix ans, ce n’est pas possible. Donc ceux qui ont fait plus de dix ans ici, doivent quitter. C’est normal que nous, en tant que représentants du personnel, nous demandions ce qu’il en est de ces contrats de ces expatriés. Je vous assure que ce sont des gens qui coûtent cher à la banque. Ils plombent la Cbao. Et quand on parle d’eux, ils nous taxent de Xénophobes. Il y a également la contribution forfaitaire à la charge de l’employeur. Comme son nom l’indique, le montant doit être à la charge de l’employeur. L’employeur ne doit pas défalquer ce montant là de l’enveloppe qui appartient au personnel….
Concrètement, quelle est la situation avec la Direction générale, ça semble très tendu…
Des responsables de la banque ont fait le tour du réseau pour harceler, menacer, intimider, demander aux travailleurs qui suivent le mot le mouvement, qui portaient des brassards rouges, de ne plus suivre le mot d’ordre du collège des délégués. Certains, on les harcelait pour qu’ils enlèvent les brassards rouges. Ils ont aussi essayé de salir le collège des délégués à travers cette campagne de diabolisation, de dénigrement, mais ils ont échoué. Les derniers mots d’ordre prouvent que le personnel est soudé derrière nous et nous sommes décidés à nous battre pour obtenir ce qui nous revient de droit.
Propos recueillis par Madou MBODJ