Dans son bulletin d'information mensuel de mai 2025, l’armée dit avoir mené une vaste opération pour démanteler 43 sites d’orpaillage clandestin dans l’Est du pays. Cette intervention survient dans un contexte de montée en puissance du secteur extractif, mais aussi d’inquiétude croissante face aux pertes fiscales et aux flux illicites générés par l’exploitation artisanale illégale.
C’est dans les localités de Bougouda, Bantanko, Fagoudou, Moussala, Moura et Saraya, toutes situées dans le corridor minier stratégique de la Falémé, à la frontière malienne, que les forces armées sénégalaises ont intensifié la lutte contre l’orpaillage clandestin. Menée dans le cadre de l’Opération orientale 1 par la Zone militaire n°4, l’intervention a abouti à l’interpellation de 47 individus et à la saisie de 77 motopompes, des motos, groupes électrogènes et autres équipements utilisés dans l’extraction illégale. Le matériel est désormais entre les mains de la Gendarmerie nationale pour des suites judiciaires. «Cette action s’inscrit dans une stratégie globale de sécurisation des zones frontalières et de lutte contre l’exploitation illicite des ressources minières», souligne le Bulletin d’information mensuel des armées (n°07, mai 2025).
Un secteur extractif en pleine expansion
Ces opérations interviennent alors que le secteur extractif a généré 236,59 milliards F Cfa de revenus au premier semestre 2024, selon le rapport de conciliation publié le 6 mai dernier par le Comité national Itie du Sénégal. L’or y tient une place prépondérante, avec une production de 106.579 onces troy, valorisée à 154,46 milliards F Cfa, et des exportations atteignant 137,22 milliards F Cfa, soit près de 30% des exportations du secteur extractif.
Pourtant, cette performance économique masque un autre visage du secteur : celui de l’orpaillage clandestin, particulièrement concentré dans la région de Kédougou, où les circuits officiels sont largement contournés.
Des pertes massives pour l’État
Une étude publiée en octobre 2024 par l’Ong Swissaid a révélé qu’entre 2013 et 2022, 36 à 41 tonnes d’or, représentant une valeur estimée entre 2,38 et 2,71 milliards USD, auraient quitté le Sénégal de manière illégale, principalement via le Mali en direction des Émirats arabes unis.
L’exploitation minière artisanale à petite échelle (Emape), bien qu’importante pour les communautés locales, constitue une faille persistante dans la gouvernance du secteur minier. D’après des sources citées par l’ISS et le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds), seulement 10 % de l’or artisanal transiterait par les comptoirs agréés. L’instauration, en 2018, d’une taxe de 4% sur les exportations d’or artisanal aurait, paradoxalement, encouragé davantage de contrebande.
Une réponse sécuritaire à un défi économique
Les démantèlements menés en mai 2025 s’inscrivent dans une volonté affirmée de restaurer l’autorité de l’État, de réduire les pertes fiscales, et de stabiliser une région sensible, où les enjeux économiques croisent les risques sécuritaires liés à l’économie informelle, à la criminalité transfrontalière et aux tensions sociales autour des ressources.
En s’attaquant à l’orpaillage illégal, le Sénégal entend renforcer la transparence et la traçabilité dans son secteur extractif, tout en consolidant les bases d’une croissance minière plus équitable et durable.
Samba THIAM