NOUVEAU GOUVERNEMENT:Recyclage, éteignoir et statu quo

Faire du neuf avec du vieux, cela s’appelle sous tous les cieux du recyclage. Et c’est ce à quoi s’est évertué le Président Macky Sall, au sortir de la formation de ce nouveau gouvernement. Et doublement. D’abord, le chef de l’Etat a remis en selle d’anciens membres du gouvernement sénégalais, ayant travaillé avec lui sous le magistère Wade, et qui s’étaient opposés à lui un temps, mais il a surtout reconduit le gros de son ancienne troupe. Pour dire que ce qui est remarquable, ce sont des entrées fracassantes, mais aussi des sorties attendues comme inattendues. Et la leçon globale à tirer de ce remue-ménage, c’est un élargissement politique de la majorité et une clarification nette au sein de l’opposition.
 
 
 
L’attente a été longue et au bout, le Président Macky Sall nous a sorti un gouvernement aussi pléthorique que le précédent, dans lequel il a réglé des comptes avec certains partisans supposés lorgner son fauteuil et coopté des opposants repentis. Au final, l’équipe sortante a été reconduite, édulcorée par de nouvelles têtes, les unes politiquement marquées, les autres supposées neutres.
 
 
 
Idy, la rançon du silence
 
 
En limogeant Mme Aminata Touré de la tête du Cese en même temps que le gouvernement, d’aucuns avaient pensé que le chef de l’Etat comptait lui confier des responsabilités dans la prochaine équipe. Même si ce présupposé tient toujours, le fauteuil de président du Cese a été légué à Idrissa Seck. Surprise du chef, dirait-on, mais retenons que c’est certainement la rançon du silence. Un silence du chef «soi-disant» de l’opposition aussi assourdissant que le pays bruit de multiples problèmes. La justification a posteriori servie par le leader du parti Rewmi a des relents d’aveu de culpabilité, d’autant que l’intéressé, dans une autre vie, soutenait orbi et urbi qu’il n’occuperait plus une fonction issue d’un décret. Mieux, il avait fait la promesse de campagne de supprimer cette institution qu’il dirige désormais. Mais c’est dans la pratique quotidienne de ce nouveau deal entre Macky Sall et Idrissa Seck que l’on saura réellement la direction du vent.
 
Les têtes émergents de l’Apr coupées
 
En plus de Aminata Touré, Amadou Ba, Mouhamadou Makhtar Cissé, Aly Ngouille Ndiaye ou Oumar Youm sortent du pré-carré et confortent cet affaiblissement continu du parti présidentiel au sein de la majorité. Il est certes reproché à ces caciques une posture de dauphinat qui n’agrée pas le Président Sall et le fait de les libérer de leurs obligations gouvernementales est peut-être une façon voulue de leur mettre le pied à l’étrier de la prochaine compétition pour la succession. Qui sait. Quoi qu’il en soit, ces messieurs-dames vont devoir se frayer leur propre chemin ou rentrer dans leur coquille pour une hibernation au long cours. Paradoxalement, des têtes qui devaient tomber sont restées sur les épaules de leurs propriétaires. A l’instar du garde des Sceaux, qui a entretenu, dans la justice et son instrument la magistrature, une controverse qui a bien desservi l’institution, sans compter le long bras de fer avec les travailleurs de la justice. Ou le ministre de l’Environnement, sous le tollé du transfert des oryx. Par contre, on ne comprend pas encore le pourquoi du limogeage du dynamique ministre de l’Urbanisme, dont l’efficacité a été saluée par nombre de citoyens. Le mettre au suivi du Pse, c’est le sortir de la lumière et briser un élan qui avait des prétentions à Dakar.
 
 
De nouveaux alliés aux bases solides
 
Dans l’élargissement de sa majorité, le président Sall n’a pas adoubé qu’Idrissa Seck et le Rewmi, il a aussi fait de la place à son vieil ami Oumar Sarr tout en promouvant son envoyé spécial Aïssata Tall Sall. Ces deux personnalités ont une particularité commune, celle d’avoir toutes les deux une base solide, de laquelle le pouvoir en place a tout fait pour les déboulonner. De guerre lasse, la majorité a fini par les attirer sous les ors et les lambris. D’autant que le transfuge du Pds, Oumar Sarr, avait osé s’opposer au pape du Sopi pour aller au Dialogue national, avant de drainer une importante frange de la Nomenklatura du parti libéral vers la scission et la création d’un nouveau parti.
C’est donc désormais évident que l’opposition a perdu des membres, mais cela a l’avantage de clarifier les choses. Le débat récurrent du chef de l’opposition entretenu pour créer un piédestal à Idrissa Seck, alors potentiel allié, prend ainsi fin. D’autant que sur le terrain, Ousmane Sonko occupait bien l’espace et que maintenant, une reconfiguration se fera forcément autour de lui.
En définitive, les cartes sont redistribuées et les prochains mois seront donc très importants, dans les actes qui seront posés relativement au processus électoral, à la posture de tous ces caciques écartés par le Président Sall, à la tenue de la greffe opérée avec l’entrée de Rewmi, du Pld et de Osez l’avenir, mais surtout aux nouvelles orientations et ententes qui se dessineront dans l’opposition.
 
 
Mansour KANE