Venu présider le Forum Invest in Sénégal, le président de la République est d’avis que le premier investissement, c’est d’abord la paix, la sécurité, la stabilité et l’Etat de droit, sans lesquels il ne peut y avoir d’investissement durable. Contre ceux qui décrivent le Sénégal comme un «pays dangereux», il jure qu’il n’y a aucun danger au Sénégal. S’agissant de l’environnement des affaires, Macky Sall estime qu’il n’y a plus de «terre conquise», mais une compétition acharnée.
Le président de la République a présidé la cérémonie d’ouverture du Forum Invest in Sénégal au Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad) en présence du vice-président de la Côte d’Ivoire Thiémoko Koné, de John Humphrey, Commissaire du roi Charles III pour le commerce avec l’Afrique; mais aussi, en présence des représentants de 73 pays à travers le monde. Un forum qui, à en croire le Président Sall, se tient dans un contexte encore marqué par les effets sévères du Covid-19 et des conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur les économies « structurellement faibles » des pays africains. Pour autant, il révèle que l’Afrique a été résiliente, sinon elle aurait disparu, dit-il, depuis longtemps. C’est le cas du Sénégal dont les performances économiques ont été freinées par la survenue brutale de la pandémie du Covid-19. Cependant, avec nos perspectives d’exploitation des ressources gazières et pétrolières, indique le chef de l’Etat, nos projections de croissance se situent au-delà de 8%.
Le pétrole et le gaz ne doivent pas servir d’économie de rente
Néanmoins, le président de la République est persuadé que le pétrole et le gaz ne doivent pas servir d’économie de rente qui inhibe les autres secteurs, mais plutôt de levier qui les soutient et les tire vers le haut, dans une économie diversifiée et performante. «En effet, quelle que soit l’importance des revenus qu’ils génèrent, le gaz et le pétrole sont des ressources non renouvelables. Cela veut dire que nous devons non seulement en faire une gestion prudente et transparente pour les générations actuelles et futures, mais également nous préparer à l’ère post pétrole et gaz. Voilà pourquoi nous devons continuer à investir dans d’autres secteurs clés comme l’énergie renouvelable, renforcer l’agriculture, la pêche, l’élevage, l’artisanat, les mines, le bâtiment y compris l’industrie pharmaceutique, et les Tic, etc.
Notre premier investissement, c’est d’abord la paix …
Toutefois, le chef de l’Etat est d’avis que rien ne peut se faire sans un climat social apaisé. «Notre premier investissement, celui qui doit attirer et faire prospérer tous les autres, c’est d’abord la paix, la sécurité, la stabilité et l’Etat de droit. Ce sont les préalables sans lesquels il ne peut y avoir ni commerce, ni investissement durables. ‘’Ce sont les clefs qui ouvrent la porte au commerce et à l’investissement. C’est ce que tout investisseur avisé cherche à évaluer avant de miser sur un pays. Il est donc de la responsabilité primordiale des pouvoirs publics, avant toute chose, de veiller au maintien de ces fondamentaux. C’est ce que nous continuerons de faire au Sénégal», précise Macky Sall.
«Il n’y a plus de monopole absolu. Les terres conquises, c’est fini maintenant»
En outre, face à la concurrence, le chef de l’Etat appelle à créer et à maintenir un standing national qui tend vers les standards internationaux pour stimuler l’investissement. « L’environnement des affaires n’est pas une donnée statique. A l’échelle régionale, continentale et internationale, nous évoluons dans un environnement de libre échange et de compétition acharnée, nos partenaires doivent se mettre à l’idée que c’est la compétition en Afrique, qu’ils doivent aller dans un terrain de chasse où il y a d’autres chasseurs. Il n’y a plus de monopole absolu. Nous devons faire l’effort d’être attractif, que ceux qui viennent aussi comprennent que les terres conquises c’est fini maintenant. On va à la compétition et cela exige que nous interrogions sans cesse nos méthodes et nos procédures, afin qu’elles ne soient pas des freins au commerce et à l’investissement. Le Sénégal fait des efforts, mais il reste beaucoup à faire pour lever toutes les contraintes», explique le Président qui précise que l’investisseur n’a pas de temps à perdre dans la bureaucratie, les procédures et les formalités.
Réformer l’environnement des affaires
Dans le cadre de ces réformes, le chef de l’Etat a décliné un programme de réformes de l’environnement des affaires et de la compétitivité qui vise, dit-il, à faciliter les procédures administratives, protéger davantage les droits des investisseurs et offrir des incitations fiscales et douanières attractives. A cet effet, il prend le contrepied des partenaires au développement notamment le Fmi, qui militent pour la suppression des exonérations. Quand c’est l’Etat qui travaille pour lui-même, il peut se passer de la fiscalité. Poursuivant, il annonce que le programme de réformes sera articulé autour de la digitalisation des procédures administratives liées à l’investissement privé et au commerce ; à l’harmonisation et l’assainissement de l’environnement juridique et fiscal : code des douanes, code des impôts, code de procédure civile - non sans faire remarquer que la fiscalité est très complexe et doit être simplifiée ; mais aussi l’amélioration de la compétitivité des facteurs de production ; et la promotion de l’investissement à fort impact dans les pôles de développement.
Mettre à disposition le foncier à ceux qui veulent entreprendre
A ces réformes s’ajoutent, dit-il, le nouveau cadre juridique sur les partenariats public-privé, la loi sur le contenu local pour soutenir le secteur privé national et d’autres réformes portant sur les Zones économiques spéciales (Zes). A cet effet, il préconise la facilitation de l’accès au foncier, mais pas pour ceux qui vous amènent des projets PowerPoint pour avoir le foncier et en faire de l’argent. «Il ne faut pas favoriser ces genres d'opérations. Même pour les 100 mille logements, si dans quatre ans rien n’est fait, on reprend le foncier. Il faut mettre le foncier à la disposition de ceux qui veulent entreprendre et investir», précise le président Sall.
Revenant sur le contenu local, le chef de l’Etat lâche : «Il faut que les nationaux soient aidés, c’est pourquoi je prône le développement de la co-contractance et non seulement de la sous-traitance. J’ai aussi appelé le secteur privé national à se mettre en consortium», plaide Macky Sall. Dans le cadre de la modernisation de l’administration et de la législation du travail, il est d’avis qu’on ne peut avoir de vieux textes qui datent de l’indépendance et vouloir aller vers des émergences. «C’est utopique», fulmine le chef de l’Etat. «Un emploi garanti, qu’on travaille ou pas, on ne peut pas être licencié, c’est contre le progrès. Je suis pour la protection des travailleurs mais il faut que les gens travaillent ou cèdent la place. Nous sommes dans un monde de compétition féroce et c’est l’Etat qui doit commencer par changer ses propres règles en matière de code du travail au sein de la fonction publique», préconise Macky Sall. « Ce qui doit être fait aujourd’hui ne peut être reporté à demain. C’est pourquoi nous devons bannir de nos administrations les comportements laxistes qui entravent la bonne marche des affaires», renchérit le président de la République.
Il n’y a aucun danger ici, je vous assure
A l’endroit des partenaires étrangers, il milite pour des rapports de partenariat plus qualitatifs et plus équitables, pour une croissance et une prospérité partagées. «Je lance un appel aux pays développés pour qu’ils accompagnent leurs entreprises, qu’elles viennent en Afrique avec des facilités de financement afin que les Etats puissent prendre plus de volume de dette. Une dette maîtrisée, qui n’est pas imbue simplement parce que renchérie par des considérations tout à fait subjectives comme les notations qui sont faites sur les pays. Si un pneu est brûlé ici, on dégrade le Sénégal, or dans les pays du Nord, on brûle 100 pneus et il n’y a rien. Nous allons payer l’impertinence de certains citoyens. Pour certains citoyens, c’est normal. Mais, il faut savoir qu’on va le payer cher», explique le chef de l’Etat.
A l’endroit de ceux qui disent que le Sénégal est maintenant dangereux, il porte la réplique : «il n’y a aucun danger ici, je vous assure. Le combat, c’est changer la perception sur le risque en Afrique. Si on le fait, c’est gagnant pour les partenaires et pour l’Afrique», tranche le président Sall.
Moussa CISS
MACKY SALL APRES LE POUVOIR
«Je resterai au Sénégal et en Afrique, c’est certain»
Au terme de la cérémonie d’ouverture, le Président Macky Sall a assisté au panel présidentiel durant lequel il a été interpellé sur son avenir, étant donné qu’il a renoncé à une troisième candidature, mais aussi sur sa collaboration avec son successeur. A cette interpellation, Macky Sall déclare : «ce que je ferai, je ne sais pas. L’avenir nous le dira. Mais, ce n’est pas un problème pour moi puisque j’ai choisi de ne pas concourir à nouveau. Mais ce qui est sûr, c’est que je serai à la disposition de celui ou celle qui sera élu s’il a besoin de mes conseils, sinon je vais me reposer et faire autre chose après la présidence de la République», assure le Président Sall, avant d’ajouter : «j’ai gardé tout ce qui est positif que mon prédécesseur avait fait comme le projet de la case des tout-petits, que j’ai renforcé, le plan sésame. Il avait commencé l’Aibd à 30% que j’ai terminé. J’ai donné le nom du stade du Sénégal à Me Abdoulaye Wade, le Centre international de conférence à Abdou Diouf. Je pense que la suite devrait être de la même temporalité : reconnaitre ce qui est positif. Mais chacun qui vient à sa marque, il pourra toujours apporter sa contribution.» A la question de savoir s’il va rester au Sénégal après le pouvoir, la réponse du chef de l’Etat est sans équivoque. «Parfois les chefs d’Etat quittent le continent, moi je ne quitterai pas le continent, je resterai au Sénégal et en Afrique, c’est certain», déclare le Président Sall.
M. CISS













