A moins de faire un rabat d’arrêt, c’en est quasiment terminé pour Karim Wade, quant à ses chances de se présenter à l’élection présidentielle de 2019. La Cour suprême, qui a statué sur son recours par rapport à l’ordonnance d’incompétence du juge d’instance, a rejoint le juge, en estimant qu’il avait raison. La haute juridiction a ainsi rejeté la requête du candidat des libéraux. Pourtant, le Procureur général, Ousmane Diagne, s’était porté en faux, estimant que la Cour suprême se doit de se pencher sur le fond. Il considère dangereux de conférer la qualité de magistrat à un représentant diplomatique, comme l’a estimé le juge d’instance.
Les libéraux peuvent désormais se chercher un autre candidat à présenter à l’élection présidentielle de 2019. Car, s’ils comptent uniquement sur Karim Wade, la Cour suprême a presque annihilé les chances de ce dernier à faire partie des candidats au fauteuil présidentiel. En effet, hier, la Chambre administrative de la haute juridiction, qui a statué sur le recours de l’ancien ministre des Infrastructures, l’a tout bonnement rejeté. Le président Abdoulaye Ndiaye et ses 5 conseillers ont confirmé ainsi le juge du Tribunal d’instance, qui s’était déclaré incompétent. Pour motiver son rejet, la Chambre administrative explique que Karim Wade, qui réside à Doha, devait saisir le représentant diplomatique au Koweït pour faire son recours et non la juridiction de Dakar. C’est le même argument qui a été servi par le juge du tribunal d’instance pour rejeter le recours du fils d’Abdoulaye Wade par rapport à l’annulation de son inscription par la Direction générale des Elections.
En fait, le juge s’était déclaré incompétent, car il estime que Karim Wade, qui réside au Qatar, devait saisir le représentant diplomatique du Sénégal au Koweït pour son recours et non le tribunal d’instance de Dakar. Installé dans la cause par les avocats de Karim Wade, Tanor Thiendella Fall, Directeur général des Elections, avait assisté à l’audience en compagnie du chargé de communication. Selon ce dernier, c’est le décret 2018-476 du 20 février 2018 portant révision du code électoral qui dit que «la personne peut saisir le tribunal d’instance ou s’il réside à l’étranger, le chef de représentation diplomatique ou consulaire». Et c’est ce qu’ils ont appliqué pour rejeter le recours de Karim Wade. Car, pour la Dge, le «ou» n’est pas un choix, mais une obligation à ce citoyen.
Ousmane Diagne en phase avec Karim Wade
Pourtant, dans ses écritures comme dans son réquisitoire oral, hier, l’Avocat général, représentant le ministère public, a pris le contrepied de la présidente du Tribunal d’instance de Dakar qui a décliné. Selon Ousmane Diagne, l’ancien procureur de la République, la loi dit clairement que la personne peut s’inscrire à son lieu de naissance, à son lieu de résidence ou au lieu de résidence de son ascendant au premier degré. «On ne peut pas lui denier ce droit-là», a pesté Ousmane Diagne. Selon lui, on peut aussi s’en référer à l’article L 38 du Code électoral. Ousmane Diagne d’ajouter : «vous avez le pouvoir de prendre une décision de fond», s’adressant ainsi à la Cour. En d’autres termes, la Chambre administrative n’a pas besoin de renvoyer le dossier devant une autre juridiction, mais elle peut trancher l’affaire dans le fond. «Il est dangereux de conférer la qualité de magistrat à un représentant administratif. Ce pouvoir de décision appartient à une juridiction ; surtout pour une affaire si importante», justifie-t-il sa position avant de demander à la Cour de casser l’ordonnance du juge du Tribunal d’instance.
Me Madické Niang : «l’ambassadeur est un fonctionnaire qui exécute des instructions»
Ousmane Diagne rejoint ainsi les avocats de Karim Wade, qui avaient argué que le représentant diplomatique n’est pas une juridiction. «L’ambassadeur est un fonctionnaire qui exécute des instructions de son ministre ; certains sans état d’âme, d’autres avec beaucoup de regret», avait souligné Me Madické Niang. «J’interpelle vos consciences qui devront vous permettre de dire le droit. Ce pays a besoin de justice pour sa stabilité», avait auparavant soutenu l’avocat. Les avocats de Karim Wade avaient, en fait, développé 7 moyens de défense qui tournaient essentiellement sur le domicile de Karim Wade. Pour eux, le fils d’Abdoulaye Wade habite bien au Point E et c’est ce qui justifie qu’il fait son recours devant le juge d’instance de Dakar. Seulement, tous leurs moyens de défense ont été rejetés.
«Tous les 7 moyens rejetés»
Concernant la requête de Yaya Niang, la Cour n’a pas donné raison au chef diplomatique du Koweït, qui avait estimé que le recours est arrivé hors délai. Selon la Chambre administrative, le délai est de 15 jours et le recours est bel et bien dans les délais. Cependant, la requête a été rejetée au motif que Yaya Niang n’est pas inscrit sur la même liste de Karim Wade au Qatar, mais plutôt à Matam. Le rabat d’arrêt reste la seule alternative au Sénégal pour Karim Wade.
Alassane DRAME