
Dans une interview accordée au journal espagnol El Pais, l'écrivain et penseur sénégalais Boubacar Boris Diop a exprimé son point de vue sur l'arrivée des militaires au pouvoir dans certains pays africains. Alors que les coups d'État se multiplient au Sahel, le penseur adopte une perspective nuancée, mettant en avant la vertu et l'engagement envers l'indépendance nationale plutôt que de condamner catégoriquement l'intervention militaire.
D’après l’auteur, la situation politique en Afrique peut être complexe, avec une classe politique civile motivée par des intérêts personnels. Il affirme : "Si vous avez une classe politique, civile, totalement corrompue et, devant eux, des personnes vertueuses (qu'il s'agisse d'entrepreneurs, de militaires ou de gendarmes) qui aiment leur pays et sont engagées dans leur indépendance, il faut les soutenir." Ainsi, il suggère que l'habit militaire ne doit pas être perçu comme une malédiction ou une bénédiction, mais plutôt évalué en fonction de l'intention et de l'intégrité des individus qui le portent.
L'écrivain sénégalais fait référence à des exemples historiques pour étayer son point de vue. Il mentionne Jerry Rawlings, qui a pris le pouvoir par un coup d'État au Ghana avant de normaliser le pays, et Thomas Sankara, un militaire emblématique qui a engagé des réformes radicales au Burkina Faso avant d'être assassiné. M. Diop réfute l'idée simpliste selon laquelle tous les militaires qui prennent le pouvoir sont les mêmes, soulignant qu'il est essentiel de comprendre l'histoire et la complexité des situations politiques spécifiques.
Cependant, lorsqu'il est confronté aux questions relatives aux violations des droits de l'homme et à la liberté de la presse dans les régimes militaires, Boubacar Boris Diop adopte une position controversée. Il rejette le rapport des Nations Unies sur les massacres de civils à Moura, le qualifiant d' « infamie » et de « machination ». Il remet également en question l'importance de la liberté de la presse en Afrique, citant l'exemple de la Radio des Mille Collines au Rwanda, qui a incité au génocide en 1994. Il affirme : "Toute cette histoire de la liberté d'expression ne m'impressionne pas du tout." Selon lui, seuls quelques privilégiés peuvent s'exprimer librement, tandis que la majorité de la population lutte pour sa survie et sa dignité.
Il mentionne le cas du Rwanda dirigé par Paul Kagame, où la liberté d'expression est restreinte. Le Sénégalais reconnaît que le Rwanda n'est pas une démocratie, mais il loue "les progrès réalisés dans le pays en termes de stabilité et de développement". Il souligne l'absence de corruption et l'engagement de Paul Kagame pour l'unité.