5 ans de réclusion criminelle, c'est ce que risque la domestique Fatou Ndiaye qui a comparu hier, mardi, devant la Chambre criminelle de Dakar pour infanticide. Cette accusée, par peur d'être bannie par les siens restés au village, avait, dans la nuit du 12 au 13 novembre 2017, étranglé son bébé avant de l’enfermer dans une valise.
Fatou Ndiaye, âgée de 19 ans à l'époque, a vu son rêve se briser malgré son jeune âge. Cette dernière, lorsqu'elle quittait le Ndiambour pour rallier Dakar, n’avait qu’une obsession : trouver un travail de domestique afin de venir en aide à sa famille restée au village. Mais, le destin en a décidé autrement, car elle a entre-temps contracté une grossesse. L'auteur de la grossesse est son copain Babacar Seck, qui a non seulement refusé la paternité, mais pire encore, il l'a menacée de mort lorsqu'elle lui a annoncé la nouvelle. Laissée à elle-même, Fatou Ndiaye, qui ne savait plus à quel saint se vouer, a fini par recourir à la solution extrême. Ainsi, pour ne pas être bannie par les siens restés au village, elle a, au bout de 9 mois de grossesse, tué son nouveau-né après son accouchement. En effet, dans la nuit du 12 au 13 novembre 2017, Fatou Ndiaye était prise de contractions de 21h jusqu'à 23h. Ayant remarqué qu'elle se tordait de douleur, ses voisines lui ont demandé ce qui n'allait pas. Mais, curieusement, elle leur a confié qu'elle avait un mal de dent. Et quand ces dernières sont retournées se coucher, Fatou Ndiaye est montée à leur insu sur la terrasse où elle a accouché. Chose faite, elle a étranglé son nouveau-né qu'elle a enveloppé d’un tissu avant de mettre le cadavre dans une valise qu'elle a pris le soin de fermer.
Mais, comme elle était affaiblie par cette délivrance, elle a chuté violemment dans les toilettes. En plus de cela, elle avait un écoulement vaginal. Sommairement interrogée par ses voisines, Fatou Ndiaye qui se trouvait dans l'incapacité de leur montrer le fœtus a allégué une fausse couche. Mais, aux questions des policiers, elle répondit avoir jeté le bébé dans la fosse septique alors que les investigations ont montré que celle-ci était étroite. Les agents enquêteurs l'ayant poussée jusqu'à ses derniers retranchements, ont fini par lui tirer les vers du nez. Après être passée à table, elle leur a indiqué l'endroit où elle avait caché le nourrisson.
Fatou Ndiaye : «Je ne l’ai pas étranglé. Je l’ai juste mis dans la valise pendant des heures»
Toujours dans ses déclarations, Fatou Ndiaye a déclaré avoir accouché d’un mort-né. Ce que les enquêteurs n'ont pas cru. Inculpée pour infanticide, elle a fait face hier au juge de la Chambre criminelle de Dakar où elle a persisté à nier. «J'ai certes caché ma grossesse et mis le nouveau-né dans une valise. Mais, je ne l'ai pas tué puisque je n’en suis pas capable. Je ne l’ai pas étranglé. Je l’ai juste mis dans la valise pendant des heures», a raconté cette accusée qui a déjà fait 4 ans de détention préventive.
Le certificat de genre de mort a conclu à la mort du bébé par strangulation
Hélas, elle n'a pas pu convaincre le parquet qui a requis 5 ans de réclusion criminelle contre elle. La thèse de l'infanticide que soutient le parquetier a été confortée par le certificat de genre de mort qui a conclu à une mort du bébé par strangulation. «Le déshonneur a poussé l’accusée à étrangler son enfant avec sa main ou son pagne», a fait observer le ministère public.
Me Dialy Kane : «Tant que les hommes ne seront pas inquiétés, les femmes continueront à souffrir»
Avocat de l’accusée, Me Tandian a confié à la Chambre que rien dans le dossier ne permet d’affirmer de manière formelle qu’elle a tué l’enfant. «En l’absence d’une preuve formelle, x», tonne la robe noire. À sa suite, son confrère Me Dialy Kane a pointé du doigt la responsabilité des hommes dans les affaires d'infanticide. «Il y a une culpabilité certaine et je sollicite la compréhension et la clémence des juges. L'infanticide, c’est l’infraction des femmes pauvres qui n’ont pas les moyens d’interrompre leur grossesse. Il s’y ajoute que c’est toujours les hommes qui sont derrière en refusant d’endosser leur responsabilité. Tant que les hommes ne seront pas inquiétés, les femmes continueront à souffrir». Elle sera édifiée sur son sort le 2 mars prochain.
Fatou D. DIONE