
Vendredi dernier, la société Sapec a été expulsée de ses occupants suite à une décision de justice ; entraînant de graves conséquences. En effet, en ordonnant l’expulsion de la société, sur requête d’une partie des héritiers de Adèle Hussein, le juge a provoqué le désarroi de dizaines de travailleurs qui vont être jetés dehors, sans droits. Du moins, c’est le risque. Car, cette société de peinture, qui a existé depuis les indépendances et qui a pignon sur rue, est en train de péricliter. Elle croule sous le poids des créances et du fait également d’une succession douloureuse. Du coup, elle peine à supporter ses charges. L’Etat est appelé à préserver les intérêts des travailleurs sénégalais mais si possible sauver l’entreprise.
La société Sapec qui a eu pignon sur rue depuis des dizaines d’années, la seule qui a occupé, au Sénégal, le secteur de la peinture avec Seigneurie, vit des moments sombres depuis le décès de Adèle Hussein qui l’a fait prospérer. Et comme si cela ne suffisait pas, la société a été expulsée de ses occupants vendredi dernier, au grand dam des travailleurs. C’est, en fait sur décision de justice que l’entreprise a été expulsée. Seulement, cette décision a provoqué un grand désastre. En effet, des dizaines de pères de familles sont jetés à la rue, avec des chances infimes pour ne pas dire inexistantes de percevoir leurs droits que leur doit l’entreprise. Les employés jetés dehors, les machines ne sont pas cependant enlevées. Selon Mme Bouchra Bouleich, ce n’est pas la société Sapec qui a été expulsée, mais plutôt les employés, «car ce ne sont pas les employés qui doivent des arriérées de salaires à la société Lustrecias qui abrite la Sapec et qui est aussi un patrimoine du défunt Adel Hussein». Cette société, rappelons-le, n’est pas liquidée, car la succession n’est pas encore définitivement réglée.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’Adèle Hussein avait séparé le terrain de la société, même si la société est sur le terrain. Après sa mort, en 2015, l’entreprise a commencé à péricliter du fait de certaines créances, mais surtout une succession douloureuse qui n’est toujours pas définitivement réglée. Un aspect dont le juge n’a sûrement pas tenu compte. Car, aussi bien la société que le site appartiennent au défunt Adèle Hussein. Loin de nous l’idée de critiquer une décision de justice, mais le juge a ainsi libéré, pour ainsi dire, une partie des biens du défunt aux requérants, oubliant la société. Or, des dizaines de pères de familles portaient encore leurs maigres espoirs sur cette entreprise. L’exécution de la décision de justice a fini par les anéantir. C’est l’épouse du défunt Adèle, Mme Adèle Hussein, qui se démenait comme un beau diable pour assurer leurs salaires et autres charges. A cause de la dure succession qui traine depuis 14 ans, les employés n’ont plus de salaires décents, certains sont décédés laissant leurs familles sans ressources ; aujourd’hui, ces familles sont soutenues du mieux qu’elle peut par la dame Bouchra. La partie poursuivante va-t-elle penser à régler les droits des travailleurs ?
L’Etat appelé à la rescousse
«Cette affaire doit être réglée et il faut tout d’abord rassembler les héritiers et les employés. Nous sollicitons le Président de la République et le Ministre du Travail pour intervenir sur cette situation explosive en cette veille de la Tabaski ; et prendre en considération que cette affaire a duré 14 ans, sans que la succession ne soit réglée. Il faut sursoir à cette expulsion immédiate pour calmer les esprits», soutient Mme Bouchra Bouleich. De même, le ministre Abass Fall devrait jeter un œil sur cette situation, ne serait-ce que pour chercher à préserver les droits de ces travailleurs et peut-être même sauver l’entreprise qui essaie, tant bien que mal, d’assurer ses responsabilités devant le fisc etc. Secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la mécanique, la métallurgie et émaillerie et gérant également les contentieux au niveau de la Cnts, Moussa Sow se désole de la situation et fait appel à l’Etat. «Cette entreprise fonctionne à 10% de ses capacités. On doit l’aider à sortir la tête de l’eau, assouplir le paiement de ses créances. L’Etat n’a pas le droit de croiser les bras, parce qu’il y a des Sénégalais qui y travaillent. L’Etat doit faire quelque chose», a pesté le syndicaliste. «Il y a une dame, Mme Bouchra, qui se bat toute seule pour sauver les meubles et elle est du côté des travailleurs. Malheureusement, elle est seule», se désole encore le syndicaliste. Même son de cloche du côté de El Hadji Ly. «Cette décision est sortie alors que la succession n’est même pas encore terminée. A mon avis, le juge devait, au moins, donner la partie qu’occupe l’usine à Mme Bouchra, épouse du défunt Adèle Hussein, qui est du côté des travailleurs et l’Etat également se doit d’aider l’entreprise à redémarrer», soutient-il, avant de poursuivre : «les travailleurs ont des droits, et l’Etat doit intervenir pour préserver les droits de ces personnes-là. Aujourd’hui, c’est cette partie des héritiers-là qui gagnent le jackpot», martèle le comptable qui a travaillé aux côtés du défunt Adèle Hussein pendant des années. Le défunt patron de Sapec, faut-il le souligner, a des enfants nés d’autres épouses. Après sa mort, sa succession a suscité un bras de fer entre la dame Bouchra Bouleich et sa belle-famille, mais également avec les autres héritiers.
Alassane DRAME