
Dans un monde en quête de repères, le 137e Pèlerinage marial de Popenguine a résonné comme un appel vibrant à l’unité, à la paix durable et au dialogue interreligieux. Monseigneur André Guèye et Monseigneur Victor Dione ont, dans une communion spirituelle, exalté les vertus d’une laïcité ouverte, d’une espérance active et d’une fraternité transcendant les frontières religieuses et géographiques. Un moment de grâce où la foi s’est faite ferment d’unité nationale.
À l’horizon, l’ombre paisible de Notre-Dame de la Délivrande veille, inébranlable. Le Pèlerinage marial, plus que centenaire, a cette année encore dépassé la simple ferveur religieuse pour devenir un acte de foi sociale et politique. En cette Pentecôte, Popenguine n’a pas seulement réuni des catholiques ; elle a rassemblé une nation, un peuple pluriel, tendu vers un même idéal : ressusciter l’espérance.
Un pacte d’unité nationale
Dans un discours d’une rare intensité, Mgr André Guèye, archevêque métropolitain de Dakar, a salué l’engagement constant de l’État dans la tenue du pèlerinage. Présence du ministre de l’Intérieur, le général Jean Baptiste Tine, appui logistique, camp médical pour les pèlerins : l’implication institutionnelle a été totale. « Merci pour le soutien sans faille de l’État. Le chef de l’État et la Première dame ont su incarner cette générosité spirituelle par leur engagement personnel », a-t-il déclaré.
Mais l’homme d’Église n’a pas limité son propos à la gratitude. Son message a pris une tournure prophétique : un appel solennel à sceller un pacte d’unité, de réconciliation et de paix pour bâtir le Sénégal de nos rêves. Il a exhorté toutes les composantes de la nation, autorités religieuses, société civile, syndicats, patronat, jeunesse à se lever pour transformer les acquis du Dialogue national en un socle durable d’espérance collective.
Marie, figure de convergence spirituelle
Sous le thème puissant : « Marie, Mère de l’Espérance, marche avec nous ! », le pèlerinage a réaffirmé l’universalité de la figure de Marie. « Elle n’appartient pas qu’aux chrétiens. Elle écoute et protège tous les adorateurs du vrai Dieu », a déclaré Mgr Guèye, saluant la présence, chaque année plus forte, de musulmans venus vénérer « la mère du Ciel ». Ce dialogue silencieux, empreint de respect, est devenu l’un des symboles les plus puissants de la cohabitation religieuse sénégalaise. Une cohabitation que l’archevêque a élevée au rang de richesse nationale, réaffirmant son attachement à une laïcité ouverte, inclusive et féconde.
La Mauritanie, invitée d’honneur : une fraternité régionale incarnée
Preuve vivante de l’enracinement régional de cette communion interreligieuse, la participation exceptionnelle de l’Église de Mauritanie a marqué les esprits. Une délégation de cinquante pèlerins, conduite par des représentants du diocèse de Nouakchott, a répondu à l’invitation de la province ecclésiastique de Dakar. Dans un discours empreint d’émotion, Mgr Victor Dione a remercié l’Église du Sénégal et salué la présence continue des imams et chefs religieux musulmans à Popenguine, en soulignant : « cette entente est devenue un modèle mondial, magnifiquement illustré dans le Coran, sourate 5, Al-Ma’ida ».
Une homélie poignante sur un monde blessé
L’évêque de Nouakchott, qui a présidé la messe solennelle du lundi matin, a livré une homélie sans concession sur l’état du monde : guerres, épidémies, famine, catastrophes naturelles, immigration désespérée. Il a décrit un globe malade, où « le mercure du thermomètre du désespoir ne cesse de monter ». Mais face à cette nuit du monde, Mgr Dione a opposé la lumière d’une espérance active, enracinée dans la foi : « Marie, Mère de l’Espérance, nous enseigne que croire, ce n’est pas attendre passivement, mais agir avec Dieu ». Il a rappelé que l’espérance chrétienne n’est pas une illusion ou une fuite, mais une puissance de vie. Elle pousse à s’engager, à servir, à reconstruire. « Dieu bénit les actes de justice, de solidarité et de paix », a-t-il martelé.
Popenguine, creuset d’un modèle sénégalais unique
Ce pèlerinage, cette année encore, aura été l’illustration parfaite du modèle sénégalais : un vivre-ensemble solide, mû par une laïcité positive et une fraternité interreligieuse authentique. En présence du président des Imams et Oulémas, El Hadj Oumar Diène, les autorités chrétiennes et musulmanes ont démontré que la foi peut unir, et non diviser.
Espérance à rebâtir, nation à relever
Au terme de cette édition marquée par une intensité spirituelle et citoyenne, une certitude émerge : Popenguine n’est pas un simple rendez-vous religieux. C’est une respiration collective, un moment de ré-enracinement pour une société en quête de sens. En ces temps de doutes politiques, de fractures sociales et de menaces globales, le message lancé par Mgr Guèye et Mgr Dione résonne avec force : « l’espérance n’est pas un luxe. C'est une urgence ».
Et pour reprendre les mots de l’archevêque de Dakar : « il nous faut ressusciter l’espérance. Car cette espérance fait route avec nous. Voilà notre foi. Voilà notre avenir. »
Baye Modou SARR