L’oignon, ingrédient phare de la majorité des plats sénégalais, a enregistré de fortes hausses dans le pays atteignant jusqu’à 1500 F Cfa le kilo dans certains coins de Dakar, quand il n’était pas tout bonnement introuvable sur les étals, au grand dam des Sénégalais, qui en consomment entre 850 et 1000 tonnes par jour. La valeur du populaire bulbe comestible a connu un pic historique et risque de ne se stabiliser qu’avec l’ouverture du marché aux importations. Ainsi, alors qu’il devient de plus en plus cher dans notre pays jusqu’à susciter des inquiétudes à l’approche du grand Magal de Touba, «Les Echos» s’est entretenu avec Wiliam Nannes. Responsable de l'achat des oignons chez JPBeemsterboer, le plus grand exportateur d'oignons des Pays-Bas vers le Sénégal, Nannes connait le marché sénégalais de l’oignon plus que quiconque. Dans cette interview à distance qu’il a bien voulu accorder, il révèle des faits qui, combinés, sont à l’origine de la situation actuelle du marché de l’oignon au Sénégal.
Les Echos : Vous êtes Responsable de l'achat des oignons chez JPBeemsterboer, en quoi consiste votre travail ?
Wiliam Nannes : En tant qu'acheteur, je dois communiquer avec le service commercial au sujet des prix, de la qualité et de la disponibilité. Je dois également acheter à un bon prix pour que nous réalisions des bénéfices. Il y a bien plus que cela bien sûr. C’est également mon travail de m’assurer que le fournisseur livre comme convenu dans le temps mais également en respectant la qualité du produit demandé.
Vous connaissez bien le marché sénégalais. C’est quoi la situation des exportations d’oignon des Pays-Bas vers le Sénégal ?
Nous sommes très occupés par la récolte aux Pays-Bas. Il y a eu un peu de retard en raison des pluies, mais maintenant la récolte bat son plein. Nous nous attendons à ce que le prix baisse. Il faut savoir que normalement, le marché sénégalais est fermé à l'importation entre février et septembre pour protéger les agriculteurs locaux et la production locale.
En novembre 2022, vous souteniez que les exportations d'oignons néerlandais sont bonnes mais le Sénégal est en surproduction, pourquoi continuez-vous à cibler notre marché dans ce cas ?
Ce que je voulais dire, c'est que depuis les Pays-Bas, l'exportation vers le Sénégal était trop élevée, ce qui est mauvais pour les importateurs, car les prix baissent trop et ils perdent de l'argent. Maintenant, la situation est différente, car il n'y a pas encore beaucoup de disponibilité. Cela va changer dans les semaines à venir. Il faut voir si beaucoup d'exportateurs veulent exporter au Sénégal. Le prix et le risque sont élevés.
Depuis quelques semaines, il est noté une hausse importante du prix de l’oignon au Sénégal, c’est dû à quoi ?
La production au Sénégal était faible, car il n’y a pas beaucoup d'agriculteurs qui s’adonnent à la culture des oignons. Il faut savoir que lorsque le marché sénégalais était vide, le prix des oignons dans le monde était à son maximum.
Est-il possible que la présence d'oignons égyptiens ou marocains ait poussé les Néerlandais à diminuer leur exportation chez nous ?
Absolument. Le fait que l’oignon égyptien et/ou encore marocain soient sur le marché sénégalais affecte forcément le prix de l’oignon au Sénégal. Il faut savoir que tout ce qui est importé du Maroc ou d'Égypte en termes de qualité ou d’espèce ne sera pas importé des Pays-Bas. Cela peut donc également faire baisser les prix aux Pays-Bas.
Le ministre du Commerce a annoncé 10.000t d'oignon de la Hollande. Les Pays-Bas ont-ils un quota sur ces 10.000t ?
Le ministre du Commerce peut dire cela. Je ne peux pas me permettre de commenter ce que l’autorité sénégalaise a dit. Mais, par contre, ce que je peux dire, c’est qu’il n'y avait pas de disponibilité aux Pays-Bas. L'ouverture du marché sénégalais pour les oignons hollandais est tout ce que les autorités sénégalaises peuvent faire. Mais même si cela est fait, les importations ne devront pas reprendre automatiquement. Les importations vont recommencer dès que possible.
Entretien réalisé par Sidy Djimby NDAO