L'État est responsable du risque créé par son activité administrative, de sorte que tout préjudice subi par l'individu doit être indemnisé, quelle que soit la faute de l'agent public qui l'a causé. Fort de cette compréhension, le Tribunal spécial du Trésor public de Florianópolis, au Brésil, a condamné la municipalité à indemniser l'immigré sénégalais Ousmane Hann, victime d'un emprisonnement abusif, pour des dommages moraux d'un montant de 10.000 RS, soit 1.643.362 de nos francs.
En avril 2019, Ousmane Hann s’est vu saisir sa marchandise par la garde municipale du centre de Florianópolis. Mais auparavant, connaissant sûrement ses droits,il a demandé que ce qui a été saisi soit enregistré avec la liste de tous les articles saisis, entre vêtements et chaussures, afin qu'il puisse ensuite récupérer sa marchandise. Malheureusement, cette demande a été mal interprétée, ce qui a conduit à son arrestation illégale.
Au moment des faits, plusieurs vidéos et informations ont circulé, car il n'y avait aucune raison de retenir et d'arrêter le compatriote, après l’avoir tabassé. Une situation qui a provoqué une forte émotion chez les personnes qui se trouvaient sur les lieux. Les gardes ont utilisé du gaz poivré et pointé des armes lourdes contre ceux qui protestaient contre cette arrestation arbitraire. Face à cela, l'immigré a intenté une action en justice contre la municipalité.
La juge a expliqué que la Constitution consacre la théorie du risque administratif, qui impute à l'État la responsabilité du risque créé par son activité administrative, sans prendre en compte, aux fins d'indemniser les administrés, la faute du serveur à l'origine du dommage. «Ainsi, l'Etat répond comme cause du préjudice à l'individu, du seul fait qu'il existe un lien de causalité entre l'activité administrative et le préjudice subi», a-t-il ajouté.
Pour le magistrat, bien qu'il y ait responsabilité objective de l'Etat, le demandeur doit démontrer la survenance de l'acte illicite et le lien de causalité entre cet acte et le dommage subi. En l'espèce, l'illégalité de l'action policière a été dépeinte par le procureur qui, en demandant le classement de l'enquête policière ouverte contre le Sénégalais, a pointé avec force les abus des agents publics.
Les vidéos jointes au procès prouvent également qu'il n'y avait aucune cause à l'arrestation de l'auteur. Ainsi, le juge a compris que la municipalité de Florianópolis, par l'intermédiaire de ses agents, avait agi de manière à porter atteinte aux droits d'autrui, car, en encourageant une action d'inspection, elle extrapolait la force nécessaire pour mener à bien son activité, agressant, arrêtant et blessant Ousmane.
Le juge a conclu que l'administration publique a commis un acte illicite susceptible de générer une indemnisation pour préjudice moral, puisqu'il y a eu atteinte à l'intégrité physique de l'auteur, soumis à une situation qui va au-delà de la simple gêne.
Pour les avocats qui ont défendu notre compatriote Ousmane Hann, l'analyse du contexte de l'approche attire l'attention en raison de la grande similitude avec le meurtre brutal de l'Américain George Floyd, tué par asphyxie lors d'une approche policière abusive.
Khadidjatou DIAKHATE