
Après avoir soutenu avec loyauté et abnégation la candidature de Idrissa Seck lors des élections présidentielles de 2012 et 2019, le Parti pour la liberté et la citoyenneté/Defar Jikoyi (Plc/Dj) avait décidé à l’issue de la réunion de son Bureau politique tenu le 29 juillet dernier d’acter et assumer la fin de son alliance électorale avec Idrissa Seck et le parti Rewmi. Mais alors qu’on se pose des questions sur les véritables raisons du divorce entre Idrissa Seck et Dr Mamadou Lamine Ba, le président du Plc/Defar Jikoyi qui a accordé une interview à «Les Echos» revient sur ce compagnonnage qu’il décrit comme une grosse désillusion. L’ancien ministre sous Abdoulaye Wade révèle que contrairement à ce qui se disait, il n’a jamais été secrétaire général de Rewmi. Il dénonce la pléthore de candidatures déclarées pour la présidentielle et plaide pour les retrouvailles de la grande famille libérale.
Les Echos : Monsieur le ministre, vous avez quitté le Rewmi alors que vous étiez le SG du parti. Beaucoup de Sénégalais n’ont pas compris cette décision. Pouvez-vous expliquer ce qui s’est réellement passé ?
Lamine Bâ : La vérité, c’est que je n’ai jamais été officiellement le secrétaire général du parti Rewmi. Ce qui s’est passé, c’est qu’en tant que président du Parti pour la liberté et la citoyenneté/And Defar Jikoyi (Plc/Dj), j’avais convenu avec Idrissa Seck une fusion entre le Plc/Dj et le Rewmi à l’occasion d’un congrès pour l’élection présidentielle de 2019 et qu’il soit porté à la tête du parti comme président et que j’en sois le secrétaire général. Malheureusement, cela ne s’est pas présenté comme ça. Monsieur [Idrissa] Seck a attendu mon départ pour l’Allemagne pour prendre la décision de me nommer comme secrétaire général de son parti. Ce qui m’ôte toute légitimité dans ce parti. Ne voulant pas le désavouer à l’époque, parce que ça allait créer beaucoup de dégâts, j’ai avalé la pilule en me disant que je vais attendre de le voir pour tirer tout ça au clair. Ce qui fait qu’en un moment, certains m’ont dit que j’étais un secrétaire général clandestin. Entre-temps, la présidentielle de 2019 est arrivée et j’étais sollicité à gauche et à droite en tant que secrétaire général et j’avoue que j’ai laissé faire. Ça m’a permis de beaucoup travailler à ses côtés, de lui créer une grande coalition en utilisant mes réseaux dormants au sein du Pds, parce qu’il n’y avait pas de candidat libéral… C’est après tout cela qu’il est revenu pour dire qu’il me nomme 5e vice-président de son parti. Là j’ai dit que la coupe est pleine. On ne peut pas être vice-président de l’Internationale libérale pendant toutes ces longues années et revenir être le 5e ou le 6e vice-président d’un parti. Néanmoins, il m’a demandé de l’accompagner au niveau du Conseil économique social et environnemental, en tant que conseiller. La vérité est que je ne lui ai jamais rien conseillé parce que pendant tout le temps qu’il était là-bas, on n’avait même pas l’occasion de le faire. Après tout ça, j’ai décidé de reprendre ma liberté sans endommager sa marche vers là où il veut aller.
Mais depuis lors, vous semblez plonger dans une léthargie politique. Où en êtes-vous avec votre formation politique ?
En réalité, c’est notre compagnonnage avec Idrissa Seck qui nous a poussé dans une léthargie. Parce que le parti dans lequel nous étions censés nous intégrer était lui-même en léthargie. Parce que quand un parti ne tient pas de Comité directeur, ne tient pas de Secrétariat national pendant plusieurs mois, quand un parti ne tient pas de congrès annuel ou biannuel ou même trisannuel, ce parti-là est en léthargie. Ensuite, puisqu’on devait aller vers une fusion, les responsables de notre parti ont été loyaux, nous n’avons pas perturbé cette marche, nous nous sommes mis à observer comment les choses vont évoluer. En réalité, ça n’a conduit nulle part et nous avons décidé de reprendre notre destin en main. Nous nous sommes réunis en Comité directeur qui a décidé d’arrêter le compagnonnage avec le Rewmi.
Comment votre parti appréhende-t-il la présidentielle de 2024 ? Serez-vous candidat ? Allez-vous soutenir une autre candidature ?
Actuellement, nous travaillons à élargir notre parti et, en concertation, pour voir si le parti doit avoir un candidat pour la présidentielle 2024. Personnellement, je souhaiterai bien être candidat pour 2024, parce que j’estime remplir les conditions qui font un bon candidat. Ayant été ministre à 36 ans, Docteur en Science politique de l’une des universités les plus prestigieuses d’Europe (l’Université libre de Berlin) et, par la grâce de Dieu, n’ayant jamais été impliqué dans un quelconque scandale durant tout le temps que j’ai passé aux affaires, mais malheureusement, je n’ai pas eu le courage d’associer mon nom à cette pléthore de candidats dont la plupart sont des candidats fantaisistes. S’il y avait des critères très clairs pour que, par exemple, les gens disent là où ils ont pris les moyens avec lesquels ils vont faire campagne…, cela encouragera certains comme moi à plonger. Maintenant, si les conditions pour que je puisse être candidat ne sont pas réunies, sachant que je n’ai pas encore pris de retraite politique, je voudrais bien participer au bon choix qu’on doit opérer pour qu’on ne se retrouve pas encore une fois dans des regrets après avoir choisi un président par défaut. Naturellement, ma famille politique première, c’est la famille libérale. De sorte que s’il y a un bon candidat libéral, je le soutiendrais dans la mesure du possible.
À ce propos, on théorise les retrouvailles de la famille libérale. Quelle est votre position sur ce débat ?
Personnellement, les retrouvailles de la famille libérale ont toujours été mon crédo. Je l’ai théorisé bien avant l’avènement du Président Wade au pouvoir, parce que j’ai tout fait pour faire revenir des gens comme Ousmane Ngom, Léopold Faye, Babacar Gaye… à la maison. Donc, les retrouvailles de la famille libérale, c’est mon crédo. J’aurai vraiment souhaité que toute la famille libérale, celle qui est dispersée dans le Rewmi, dans l’Apr et d’autres partis issus du Pds, se retrouvent pour porter un candidat pour gagner et poursuivre l’œuvre du père Abdoulaye Wade.
Ousmane Sonko est envoyé en prison depuis un mois. Comment appréciez-vous cette situation ?
En tant que bon libéral, je prône toutes les formes de liberté individuelle et collective. Ce qui fait que je ne souhaite jamais qu’un individu soit dans les liens de la détention. Donc, je ne suis pas pour l’absence de liberté, je ne suis pas pour le bâillonnement de la presse et des hommes politiques. Cependant je ne suis pas non plus pour que le combat politique nous pousse vers des extrêmes. Il me parait extrême de mobiliser des hordes de jeunes pour s’attaquer à des bien privés comme publics, entraver la liberté d’aller et de venir du peuple pendant plusieurs mois. C’est pourquoi je pense qu’il faut dialoguer, discuter que chacun sache raison garder, qu’on puisse faire de la politique, dans la liberté mais dans la responsabilité. Je souhaite que Monsieur Sonko retrouve sa liberté, qu’il reprenne ses activités politiques, que chacun fasse son mea-culpa et que notre pays continue sa marche démocratique.
Le président Sall semble en peine pour trouver un candidat pour son camp. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Mais, il n’y a pas que pour la candidature qu’il peine. En réalité, il peine pour beaucoup de choses. Il peine à organiser son parti, il peine à organiser un Etat depuis plusieurs années, il peine à organiser une démocratie où l’opposition n’est pas réduite à sa plus simple expression, mais existe bel et bien… Je pense qu’à quelques mois de la présidentielle, même s’il a un candidat dans sa tête, les Sénégalais sont en droit de savoir qu’est-ce que celui qui a présidé aux destinées de notre pays pendant 12 ans propose de nouveau ou de meilleur pour un prolongement du bail.
Propos recueillis par Sidy Djimby NDAO