Alors que les Sénégalais de tous bords s’étaient déplacés en masse, hier, pour assister à la levée du corps et à l’enterrement de Sidy Lamine Niass, les deux cérémonies funéraires ont été reportées à aujourd’hui. Et pour cause, la grande et la petite famille du défunt ne se sont pas entendues sur son lieu d’inhumation. Les Niassènes veulent l’enterrer à Kaolack, alors que ses enfants et ses épouses tiennent à ce qu’il soit inhumé à Yoff, «conformément à sa dernière volonté». Dans la morgue de l’hôpital Principal de Dakar, les talibés ont exigé que la dépouille soit transférée à Kaolack sans quoi ils vont se faire entendre. Le Premier ministre et les autres autorités ont été obligés de rebrousser chemin quand ils ont su que la famille était divisée. Et malgré les dizaines de gendarmes mobilisés pour éviter tout débordement, les deux camps sont restés campés sur leur position.
Où sera enterré Sidy Lamine Niasse ? En tout cas, jusque tard, hier, la question n’avait pas été tranchée au sein de la famille. En effet, sa famille de Léona Niassène et Médina Baye, ainsi que les talibés, veulent qu’il soit enterré auprès de ses parents, alors que sa famille restreinte à Dakar tient à ce qu’il soit inhumé au cimetière de Yoff. Et ce tiraillement fait que la levée du corps, prévue hier à 15h, a fini en queue de poisson.
Les deux Khalifes des Niassènes ont appelé pour réclamer le corps, dont la tombe devant l’accueillir est déjà creusée
Pour la famille Niassène et ses talibés, il est hors de question d’enterrer Sidy Lamine Niass à Yoff. Et selon nos sources, pendant qu’on s’apprêtait à lever le corps, les deux Khalifes, de Léona Niassène et de Médina Baye, ont appelé, pour demander qu’on leur envoie la dépouille. Car, expliquent-ils, la tombe qui doit accueillir la dépouille est déjà prête, et que des centaines de talibés venus de partout étaient déjà sur place, pour accompagner le défunt à sa dernière demeure. Une exigence soutenue sur place par des dizaines de talibés, dont beaucoup venus de Kaolack en plusieurs cars, qui ont pris d’assaut les lieux. Ils se sont fait entendre à haute voix, brandissant leurs chapelets et psalmodiant des prières et incantations, certains presque en transe, des mots déplacés ont même parfois fusé, sans compter les menaces d’aller déterrer le corps et de l’emmener à Kaolack, si toutefois la famille «biologique» s’entêtait à l’enterrer à Yoff. Et ils étaient de loin plus nombreux sur les lieux, où des proches de Sidy (beaucoup de ses employés à Walfadjri et une de ses filles), ont eu du mal à accéder à la morgue, pris d’assaut et gardée par des policiers.
Cheikh Niass fils de Sidy Lamine : «C’est lui qui a choisi le cimetière de Yoff… Que les gens comprennent et acceptent sa décision»
Alors que la famille Niassène et les talibés faisaient pression pour emmener le corps à Kaolack, Cheikh Niass, fils aîné de Sidy Lamine Niass, s’est cramponné à la décision d’inhumer son père à Yoff, conformément à la volonté de ce dernier. «Nous, ses enfants, sommes unanimes. Nous, à travers ma personne et ses veuves (nos mamans) avons décidé donc de respecter ses dernières volontés. Nous invitons les disciples à nous comprendre. Que la volonté de la famille qui est conforme à celle du défunt soit respectée ! Que tout le monde comprenne que ce n’est pas un choix égoïste ! C’est une volonté émise de vive voix par notre défunt père ! C’est lui qui a choisi le cimetière de Yoff !», a déclaré, depuis la morgue, le jeune avocat au barreau de Paris. Qui poursuit : «c'est difficile, mais il faut que les gens comprennent et acceptent sa décision. Si on le laisse à Yoff, c'est le Sénégal qui gagne. On ne doit pas réduire son héritage à une affaire familiale. Kaolack est un lieu de recueillement pour Sidy Lamine Niass, mais, il est une personnalité d'une dimension nationale, internationale. Si on l'emmène à Kaolack, ce sera une affaire locale, alors que Sidy se battait pour tout le pays». Et de conclure sur une note d’impatience. «Le corps est là depuis 24 heures, ça commence à durer. Nous demandons aux talibés et à tous les autres d'accepter sa dernière volonté».
Le corps déjà préparé retourne à la morgue…
Et le fils aîné de Sidy Lamine Niass a bien raison de s’impatienter. Car, au moment où la famille se déchirait à la morgue, à propos de son lieu d’inhumation, le corps était déjà préparé comme on le fait pour tout musulman avant l’enterrement. Les gens ont procédé au lavage de la dépouille et l’ont recouverte de linceul. Mais, avec la polémique et les tiraillements, il a été retourné à la morgue. Pendant ce temps, comme à Léona Niassène, une tombe était aussi creusée au cimetière de Yoff, où toutes les formalités ont été accomplies, comme l’a confirmé le gestionnaire des lieux.
Les hautes autorités obligés de s’éclipser
Venues à la cérémonie de levée du corps, les hautes autorités et plusieurs personnalités, la mort dans l’âme, ont dû se résoudre à l’évidence et quitter les lieux. C’est le cas du Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, qui a fait une dizaine de minutes sur place. Quand il a été briefé sur la situation et ne pouvant pas se mêler d’une affaire familiale, il a préféré s’éclipser en compagnie des membres du gouvernement dont le ministre de la Communication, qui l’accompagnaient. Idem pour le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse. D’autres personnalités politiques de tous les bords, de la presse, de la société civile, du milieu artistique… ont été eux aussi obligés, à un moment donné, de quitter les lieux.
Ahmet Khalifa Niass met la maison de Sidy Lamine Niass sens dessus-dessous
Après l’avortement de la levée du corps et de l’enterrement à Yoff, Ahmet Khalifa Niass a débarqué le soir chez Sidy Lamine Niass à Sacré-Cœur. Sur place, il a pris son fils Cheikh Niass en aparté, et après une longue discussion, il est sorti en annonçant un consensus. Et comme si cela ne suffisait pas, Ahmet Khalifa Niass et venu à Sacré-Cœur avec quelqu’un qu’il a présenté comme étant le fils aîné de Sidy. Et que c’est lui en tant qu’aîné qui doit décider et non Cheikh.
Mbaye THIANDOUM