Le Collectif «Noo Lank» était hier au siège de Bokk Gis-Gis pour rencontrer le front de résistance nationale composé de partis d’opposition, en perspective de sa marche du 10 janvier. Alors que Fadel Barro et Cie ont sollicité leur soutien financier, (pour un budget de 700.000F, ils disent n’avoir que 100.000F), des leaders du front en ont profité pour déverser leur bile sur le collectif. Ils reprochent à Fadel et Cie leur manquer de considération, de les critiquer tout le temps, avec souvent des propos discourtois. Certains leur dit : «noo lank».
C’est Macky Sall et ses partisans du régime qui vont rire à pleine gorge aujourd’hui. Et pour cause, le collectif «Noo Lank ño bañ» qui veut leur mener la vie dure, n’a même pas les moyens de tenir sa marche du 10 janvier. Pour preuve, une des raisons de leur déplacement hier auprès du Front de résistance nationale (Frn) était de demander le soutien financier de Mamadou Diop Decroix et Cie. En effet, Fadel Barro, qui a pris la parole au nom du collectif, a exposé leur objectif et parlé de leur marche du 10 janvier. Ensuite au nom du collectif toujours, il a sollicité l’aide financière du Frn. Il a expliqué que sur le budget de 700.000 F Cfa qui doit couvrir la location de la sonorisation et de la tribune, ils n’ont que 100.000 F Cfa, soit un gap de 600.000 F Cfa à combler. Mais, au lieu de recevoir des contributions financières, le collectif a essuyé de rudes critiques de certains membres du Frn présents qui, pour couronner le tout, ont refusé systématiquement de mettre la main à la poche.
«Vous n’avez aucune considération pour les acteurs politiques…»
Le premier à cogner est Habib Sy. Et il n’y est pas allé de main morte. «Vous passez tout votre temps à critiquer les acteurs politiques, à vous démarquer des acteurs politiques. Vous avez toujours agi en faction sans considération pour les politiques», a martelé entre autres l’ancien Directeur de cabinet de Me Abdoulaye Wade. Des propos durs, qui ont poussé Fadel Barro à reprendre la parole. Et c’était pour tempérer et appeler les uns et les autres à «oublier les rancoeurs» et surtout à «unir les forces», car le combat qu’ils mènent tous, politiques comme société civile, c’est un combat pour l’intérêt du Sénégal et de tous les Sénégalais.
Prenant la parole, Babacar Thiam (ex-Président du conseil d’administration de la Saed) lui aussi s’est opposé à tout soutien au collectif Noo Lank. Très tranché, il a lâché : «ma bañ, ma lank (en référence à au cri de guère du collectif Noo lank)». Refusant que le collectif les «embarque», il plaide également pour un combat mené par le front lui-même.
«Si un combat doit être mené, il doit être porté par le front, qui l’organise et le finance»
Ndème Dieng de «And Saxal Liggey» de Aïda Mbodji abonde dans le même sens. Pour lui, il est hors de question que le front s’engage auprès du collectif. Car, explique-t-il, «le problème de l’électricité et des factures (toile de fond du combat de Noo Lank) est dépassé». Poursuivant, il note que le Frn ne doit pas juste «suivre le collectif» et que «si un combat doit être mené, il doit être porté par le front, qui l’organise et le finance».
Se mêlant lui aussi du «lynchage» du collectif, Maïmouna Bousso se veut formelle. «Vous ne pouvez pas passer votre temps à critiquer les acteurs politiques et…». Pour elle, ce comportement des membres du collectif à leur égard «doit être clarifié». Et de rappeler à la délégation, qu’elle a même entendu Seydi Gassama demander au collectif d’écarter les acteurs politiques de son combat. Dès lors, elle ne peut pas comprendre que Fadel et Cie «cautionnent» cette volonté de mise à l’écart des politiques.
Mamadou Lamine Massaly : «Je ne cotiserai pas, je ne participerai pas à la marche. Certains crient alors qu’ils ont payé leurs factures d’électricité»
Plus radical, Mamadou Dieng (mouvement Arc-en-ciel), après avoir félicité Habib Sy de son discours de vérité aux membres du collectif, a souligné qu’il n’y a que deux solutions : «soit le collectif fait une jonction avec le front, soit il ne le fait pas, le front refuse de le soutenir». Idem pour Ibou Diouf Niokhobaye. Il demande que le front refuse de débourser pour le collectif. Pour lui, le collectif ne peut pas attendre d’avoir échoué, avec le flop de sa dernière manifestation, pour revenir démarcher les partis politiques. Surtout que ces derniers qui se disent activistes ont été «neutres pendant la présidentielle». Il a aussi reproché à certains de «tenir parfois des propos très discourtois à l’endroit des acteurs politiques».
Mamadou Massaly, lui, «refuse catégoriquement et totalement» tout soutien au collectif, au motif que les gens de la société civile qui le composent ne les respectent pas, en tant qu’organisation, en tant que politique et en tant que combattant des libertés. «Personnellement, je refuse. Je ne peux pas accepter qu’on nous insulte et qu’on nous tende la main en cas de difficulté. Je ne cotiserai pas, je ne participerai pas à la marche», assure-t-il. Pour lui, il est même paradoxal de crier à tue-tête qu’on est contre l’augmentation du prix de l’électricité alors qu’on a payé soi-même sa facture d’électricité. Il estime que pour plus de cohérence, les gens qui se batttent devraient refuser de payer leurs factures d’électricité.
Bara Gaye, Déthié Fall et Boubacar Camara calment le jeu, adhèrent à la cause de «Noo lank» et demandent au Frn de les appuyer
Mais heureusement pour Fadel Barro et sa délégation, il y aura quelques voix sensibles à leur appel. En effet, trois responsables du front, Bara Gaye du Pds, Déthié Fall de Rewmi et Boubacar Camara ont plaidé leur cause. Ils ont demandé que le front fasse un geste de solidarité envers le collectif. Pour eux, il faut appuyer le combat que mène le Collectif «Noo lank» puisque c’est pour l’intérêt du Sénégal et des Sénégalais. Reste à savoir s’ils réussiront à convaincre le gros de la troupe, qui a bien réglé ses comptes avec ce mouvement de la société civile. En tout cas, pour Habib Sy et Cie, si le front doit prendre part à la marche du 10 et mettre la main à la poche pour son organisation, ils doivent avoir les mêmes droits que les responsables du collectif, dont celui de parler eux aussi aux Sénégalais. Aussi, ne voulant pas «se mobiliser et ensuite jouer aux spectateurs», ils veulent que le collectif, s’il le faut par communiqué, précise que c’est lui qui est allé vers les acteurs politiques. Aussi, ils ne veulent pas qu’on leur fasse dire ce qu’ils ne veulent pas dire, notamment à propos des motivations de la marche.
Mbaye THIANDOUM