Le bras de fer entre le père Amadou Bâ et le fils Khadim Bâ se poursuit toujours. L’affaire est loin de connaître son épilogue. La victoire du père qui avait obtenu l’expulsion de son fils de Locafrique n’a été que de courte durée. Car, Khadim Bâ est en passe de revenir reprendre le moelleux fauteuil. En effet, avant-hier, le juge des contentieux du Tribunal de commerce a ordonné à l’Administrateur des Greffes d’effacer les noms du père et de ses collaborateurs sur le Registre de commerce pour remettre ceux de son fils et de son équipe. Un coup de théâtre.
C’est véritablement un coup de théâtre qui s’est passé jeudi dernier au Tribunal de Commerce dans l’affaire qui oppose Khadim Bâ à son père Amadou. En effet, il y a eu un retournement de situation à la suite d’une requête de Khadim Bâ devant le juge chargé des contentieux, contre Mme l’Administratrice des Greffes du Registre de commerce et du crédit mobilier (Rccm). Le juge a rendu une ordonnance jeudi dernier, disant ceci : «ordonnons à l’Administrateur des greffes du Rccm de procéder aux inscriptions modificatives suivantes en rétablissant au Rccm les noms et qualités des dirigeants de la société dénommée Compagnie Ouest Africaine de Crédit-bail dite Locafrique SA, à savoir : M. Khadim Ba Directeur général, M Mamadou Camara président du Conseil d’Administration, M Ibrahima Diakhoumpa Directeur général adjoint, M Patrick Marcel Steph Brochet Administrateur, M Mama Diakhoumpa Administrateur, M Abdou Karim Diop Administrateur, la Société Kason Finance LTD Actionnaire…».
Cela a certainement suscité l’ire de Amadou Bâ, qui s’est sans doute tiré les cheveux. Car, il n’y a pas longtemps, le père fondateur de la société avait obtenu une décision d’appel, pour l’inscription sur le Rccm de son nom et de ceux de ses collaborateurs en lieu et place de celui de son fils et de son équipe. Mieux, Amadou Bâ avait eu une ordonnance d’expulsion de son fils et il a même fini par lui faire quitter les locaux de Locafrique suite à cette ordonnance. Mais, avec ce retournement de situation, cette décision qui lui tombe sur la tête comme un couperet, le père de Khadim Bâ va sûrement avoir un peu de mal à s’en remettre.
Les motivations du juge
Qu’est-ce qui s’est passé véritablement ? Le juge des contentieux, suivant quasiment le requérant, s’est fondé sur une décision du juge de la mise en état du Tribunal de Commerce du 12 avril 2023, qui avait ordonné la suspension des effets du procès-verbal de l’Assemblée générale spéciale du 17 février 2020 et du procès-verbal du Conseil d’Administration du 24 février 2020 jusqu’à l’intervention du jugement du Tribunal de Commerce Hors Classe de Dakar dans la cause encore pendante». Le juge de la mise en état, faut-il le souligner, avait tenu compte des arguments de Kason Finance selon lesquels, «Locafrique est un établissement bancaire soumis au contrôle rigoureux de la Bceao» et que «la perturbation dans sa gouvernance a des conséquences graves sur des milliers de clients et le personnel de la société».
A préciser que l’Assemblée générale du 17 février et le Conseil d’Administration du 24 février se sont soldés par la révocation de tous les administrateurs désignés à l’Assemblée générale du 2 octobre 2017 (Khadim Bâ et Cie) et la nomination de nouveaux administrateurs. Une victoire donc de Amadou Bâ qui avait été validée par le Tribunal de Commerce, notamment le juge des référés. Cependant, selon Khadim Bâ, l’ordonnance du 1ier décembre 2020 du juge des requêtes, statuant en matière de référé, et donnant instruction à l’administratrice des greffes de rétablir les noms de Amadou Bâ et ses collaborateurs, confirmée en appel, s’est fondée sur le procès-verbal du 17 février 2020 et le procès-verbal du 24 février 2020. Or, il y a eu l’ordonnance du juge de la mise en état qui, le 12 avril 2023, a demandé la suspension de ces procès-verbaux. Khadim Bâ a été suivi par le juge des contentieux qui a précisé que l’ordonnance du juge de la mise en état «n’est susceptible ni d’opposition ni de contredit et ne peut être frappée d’appel», même si «elle n’a pas l’autorité de la chose jugée». Il ajoute que la procédure introduite est toujours pendante et n’a pas encore connu une décision définitive sur le fond. Dès lors, le juge des contentieux a ordonné la suspension des effets des deux procès-verbaux. Ce qui a comme conséquence le rétablissement des noms de Khadim Bâ et son équipe sur le Registre de commerce.
C’est sûr, cette affaire est loin de connaître son épilogue. La réplique du père ne se fera certainement pas attendre.
Alassane DRAME