Lors de son face à face avec le Doyen des juges d’instruction, Ousmane Sonko avait échappé à la prison, mais pas aux mailles de la justice. Ainsi, avec le contrôle judiciaire qui était assorti à son inculpation dans l’affaire contre Adji Sarr, le leader du Pastef n’était pas libre de tout mouvement.Il ne pouvait pas sortir du pays sans l’autorisation du juge d’instruction. Invité à participer au forum sur «Les Etats généraux de l’Eco», l’opposant politique qui a déposé une autorisation de sortie sur la table du juge a vu sa requête rejetée au motif qu’il n’a pas encore été entendu sur le fond. Suffisant pour susciter le courroux des avocats qui dégagent en touche, estimant qu’il y a encore de l’acharnement sur leur client.
La liberté provisoire, sous le régime du contrôle judiciaire, Ousmane Sonko l’a obtenue dernièrement, lors de son audition d’inculpation, mais le leader du Pastef n’avait pas obtenu la liberté totale de mouvement. Du moins, s’il est libre de circuler au Sénégal, pour sortir du territoire national, l’opposant politique doit impérativement avoir l’autorisation du juge d’instruction. Ainsi, pour participer au forum axé sur «Les Etats généraux de l’Eco» devant se tenir dans la capitale togolaise du 26 au 28 de ce mois, Ousmane Sonko avait déposé via son conseil Me Bamba Cissé, une autorisation de sortir du territoire national. Mais, c’était sans compter avec le procureur de la République et le juge d’instruction du deuxième cabinet qui a traité la requête en lieu et place du juge Samba Sall décédé. En effet, le chef du Parquet, à qui a été transmise la requête pour avis, a opposé un niet catégorique avant de retourner le dossier au magistrat instructeur. Hier, le juge Abdoulaye Assane Thioune a rendu ordonnance de refus. Pour le Procureur, l’ordonnance de contrôle judiciaire n’avait pas spécifié de réserve s’agissant d’une mesure de contrôle comme l’interdiction de sortie du territoire national et en l’absence de mainlevée du contrôle judiciaire, l’inculpé ne peut être autorisé à sortir du territoire national.De son côté, le magistrat instructeur, dans sa motivation, a soutenu qu’Ousmane Sonko n’a pas encore été entendu sur le fond pour s’expliquer. Ainsi, pour les besoins de l’enquête, un assouplissement du contrôle judiciaire est prématuré au stade actuel de la procédure. Ce sont là, si l’on en croit Me Khoureissy Bâ, les arguments du Parquet et du juge d’instruction pour s’opposer à la requête de l’opposant politique.
Me Khoureissy Bâ :«Le Procureur et le juge intérimaire ont erré en droit»
«C’est juste le fait du Prince. Le Procureur et le juge intérimaire ont erré en droit. Rien ne justifie une telle mesure de rétorsion. Sauf peut-être d’autres impératifs qui ressortent d’autres sphères, d’autres considérations, d’autres calendriers. Les articles de loi visés sont manifestement inopérants en la matière. Au final, Lomé ne verra donc pas l’enfant prodige si attendu ; pour le moment du moins. Pas de début de débat sur l’Eco pour Sonko. Mais tout est dérisoire. Nul ne peut arrêter la mer avec ses bras. Et Ousmane Sonko ne sera pas l’oiseau en cage», martèle Me Khoureissy Bâ sur sa page Facebook, manifestement courroucé par la décision du juge.
Me Etienne Ndione :«Est-ce que c’est Sonko qui s’entend ou bien on le convoque pour l’entendre ?»
Dans le même sillage que son confrère, Me Etienne Ndione estime qu’il y encore de l’acharnement exercé sur son client. «Si Ousmane Sonko n’a pas été entendu au fond à qui doit on imputer la faute ? Est-ce que c’est Sonko qui s’entend ou bien on le convoque pour l’entendre ? On ne peut pas tirer prétexte de ce qu’il n’a pas été entendu au fond, parce que ce n’est pas lui qui se convoque. C’est vrai que le juge Samba Sall est décédé mais qu’est-ce qu’on attend pour désigner un nouveau doyen ? On pouvait lui opposer un argument qui tient de son fait, mais pas un argument qui tient du fait de la justice elle-même. En réalité, cela ne fait que conforter le sentiment d’acharnement. Parce qu’il est certain qu’Ousmane Sonko n’a pas intérêt à s’enfuir puisqu’il a des ambitions présidentielles. C’est un non-sens que de le retenir. C’est vraiment dommage. C’est triste !», se désole Me Ndione.
Alassane DRAME