En attendant le 23 juin, le mouvement M2D a fortement mobilisé hier à la place de la Nation pour exiger la libération des manifestants emprisonnés lors des violents évènements du mois de mars. Ainsi, avant la fin de la rencontre, deux des détenus de Diourbel ont obtenu une mise en liberté provisoire. Une occasion pour les leaders de la plateforme de plonger de plain-pied dans les élections locales. De l’avis de Ousmane Sonko, si Macky Sall gagne les locales, il va se présenter à la présidentielle de 2024.
Si l’appel des religieux a mis fin aux violents et sanglants évènements de mars dernier, le maintien en détention de certains manifestants dans les prisons de Ziguinchor et Diourbel risque encore d’attiser le feu. Et c’est à travers un rassemblement pacifique organisé par le Mouvement de défense de la démocratie (M2D), hier, à la place de la Nation, que les leaders de cette plateforme ont exigé la libération de ceux qu’ils considèrent comme des «otages politiques». Ce qui a été fait, du moins en partie, avant la fin de la rencontre. Coïncidence heureuse ou réponse aux exigences du M2D ? En tout cas, deux pensionnaires de la prison de Diourbel, en l’occurrence Moussa Dièye et Galass Guèye, ont bénéficié d’une mise en liberté provisoire. Ainsi que le rappeur Landing Seck dit Kilifeu, arrêté à Kaolack lors de la marche des prestataires de la Senelec. De l’avis de Cheikh Tidiane Dièye, la détermination du M2D a fait fléchir l’Etat. Dans son discours, le coordonnateur du M2D est revenu sur les violentes manifestations de février-mars dernier. Et, c’est pour accuser le pouvoir de Macky Sall d’être responsable de cette situation. Poursuivant, il n’a pas manqué de prédire le pire contre Macky Sall en cas de récidive des évènements de mars. «Le peuple n’est plus dans la résistance, mais à l’offensive», dit-il. Ainsi, galvanisé par la forte mobilisation, Cheikh Tidiane Dièye d’ajouter : «nous n’accepterons plus que des manifestations soient interdites, nous n’accepterons plus que Macky Sall utilise la justice et les moyens de l’Etat contre un opposant etc.»
Bougane Guèye : «la dispersion des forces de l’opposition rend fort Bby»
Si la rencontre avait pour but d’exiger la libération des manifestants, la politique a occupé une grande partie des discours. Comme en témoignent ces appels aux inscriptions sur les listes électorales et à l’unité de l’opposition en perspective des élections locales. «Nous avons un seul objectif : sauver la démocratie du Sénégal», a d’emblée indiqué le président de Geum Sa Bopp, Bougane Guèye Dani, qui fait remarquer, dans la foulée, que leurs personnes importent peu, car c’est le combat du peuple. Outre la préservation de la démocratie, Bougane est revenu sur l’unité de l’opposition et c’est pour appeler les responsables de l’opposition à la conjugaison des forces. A l’en croire, le souvenir des législatives de 2017 est encore vivace, d’autant plus que c’est pour des questions d’égos que l’opposition est allée en rangs dispersés pour perdre ces élections. «Il faut qu’il y ait une synergie des efforts pour détrôner la coalition présidentielle. La dispersion des forces de l’opposition rend fort la coalition Bby», indique le patron de Geum Sa Bopp.
La réplique de Sonko : «Le M2D n’est pas une plateforme politique»
C’est un Ousmane Sonko amaigri, mais qui n’a rien perdu de sa verve et de popularité, notamment envers la jeunesse, qui a participé hier au rassemblement du M2D. Ainsi, en perspective des élections locales, il est revenu sur les propos du patron de Geum Sa Bopp. «Bougane Guèye a expliqué la façon dont les locales devront être abordées, mais je rappelle que le M2D n’est pas une plateforme politique. Le M2D regroupe des mouvements citoyens, des partis politiques et a pour objectif d’être un rempart pour la défense de la démocratie et de dénoncer la mauvaise gestion du pays», a d’emblée indiqué Ousmane Sonko. Poursuivant, il dit avoir la certitude que les acteurs politiques qui devront être ensemble pour les élections locales seront ensemble. Mieux, il révèle que la majorité de l’opposition fera bloc pour battre la coalition présidentielle lors de ces locales. Quant aux législatives, le leader de Pastef a décidé de rendre le tablier dès le mois de juillet prochain. En effet, il a été élu pour cinq ans en juillet 2017 et en juillet 2022, il compte retourner le véhicule ainsi que les avantages y afférents.
Si Macky gagne les locales, il va se présenter à la présidentielle de 2024
Lors des prochaines locales, Ousmane Sonko est persuadé que Macky Sall n’a aucun espoir de remporter ces élections si ce n’est par la fraude. A l’en croire, s’il réussit à gagner les locales, il va annoncer sa candidature pour 2024. C’est pourquoi il a invité les jeunes à s’inscrire massivement pour que le fichier électoral dépasse les dix millions d’électeurs. Ceux qui vont s’inscrire, dit-il, sont à 90% contre Macky Sall. «Macky Sall, c’est une page tournée», dit-il. En effet, si le chef de l’Etat multiplie les tournées politiques, avec des mobilisations de militants importés, c’est pour se faire bonne figure. «Pire, il passe tout son temps à proférer des menaces alors que lorsqu’il était dos au mur, il n’avait pas hésité à solliciter l’intervention des chefs religieux», révèle Ousmane Sonko qui considère que Macky Sall est le pire des présidents que le Sénégal ait connus.
Personne ne peut m’empêcher d’être candidat, le seul qui ne sera pas candidat, c’est Macky Sall
Revenant sur sa candidature à la présidentielle de 2024, Ousmane Sonko s’est voulu clair. «Personne ne peut m’empêcher d’être candidat. Il (Macky Sall) est trop petit pour nous empêcher d’être candidat. Le seul Sénégalais qui ne sera pas candidat en 2024, c’est Macky Sall. Il faudra qu’il marche sur nos cadavres pour devenir candidat. C’est fini l’état de grâce», révèle Sonko, persuadé que le peuple a tourné le dos à 80% à Macky Sall. Par ailleurs, il est revenu sur les évènements de mars. Et, c’est pour se désoler de constater que le chef de l’Etat n’a rien respecté des engagements à l’endroit des autorités religieuses. Contrairement au M2D qui, jusqu’ici, a respecté l’appel des religieux dans un contexte où, dit-il, le rapport de force lui était favorable. A l’en croire, s’il y avait deux jours de manifestations de plus, le Président Sall allait s’exiler en Côte d’Ivoire. Alors qu’il espérait que Macky Sall allait changer de fusil d’épaule, il constate amer que celui-ci n’a pas tiré les leçons de ces évènements en persistant dans ses menaces.
Barth : «2024 avec présidentielle tu pars, pas de présidentielle tu pars»
Outre Ousmane Sonko, le maire de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélemy Dias a, à son tour, écarté le chef de l’Etat à la course de la présidentielle. «A partir d’aujourd’hui, il y aura qu’un seul otage dans ce pays et ce sera Macky Sall ; parce qu’il a décidé de prendre en otage la démocratie du Sénégal. Et, cette démocratie n’a pas de couleur, cette démocratie n’a pas d’ethnie, elle n’a pas de confrérie et n’appartient pas à Macky Sall. Le changement ne peut se faire sans la démocratie et Macky Sall n’est pas décidé à organiser ces élections. Chaque année, qu’il y ait élection ou pas, du 1er février au 31 juillet, tous les Sénégalais ont le droit de s’inscrire dans les commissions électorales ouvertes dans chaque mairie. Ce qui n’est pas le cas depuis deux ans. Or dans ces deux années, il a introduit 400 mille personnes dans le fichier et on ne sait pas si ce sont des Sénégalais ou pas», dénonce Barthélemy Dias qui révèle qu’en 2024, Macky Sall partira. «2024 avec présidentielle, tu pars, pas de présidentielle, tu pars», dit-il. A l’en croire, c’est la démocratie qui a permis à Macky Sall d’être président, donc ils ne vont pas accepter que cette démocratie soit sapée.
Guy Marius Sagna : «ces élections locales ont des allures de référendum»
Toujours présent à côté du peuple, le patron de Frapp/France dégage, Guy Marius Sagna, s’est également prononcé sur les prochaines élections locales. A cet effet, il a précisé que ces élections vont prendre les allures de référendum. «Ces élections seront un référendum pour savoir si le peuple sénégalais est d’accord pour une troisième candidature de Macky Sall ou pas. C’est pourquoi nous devons nous mobiliser pour ces élections locales», dit-il. A l’en croire, ces élections sont un baromètre pour le Président Sall. Les résultats qu’il va obtenir vont le décider à briguer un troisième mandat ou pas. Ce qu’on ne va pas accepter. Ce qui lui fait dire que ces élections locales ont un enjeu national et stratégique. Ces locales permettront, dit-il, d’enterrer définitivement Macky Sall ou pas.
Moussa CISS