Après avoir tenu ses propos présumés diffamatoires à l'encontre du juge Souleymane Teliko, le journaliste Madiambal Diagne a assumé hier l'entière responsabilité de ses déclarations devant le tribunal correctionnel de Dakar où il a comparu. Et en guise de réparation pour les faits de diffamation qu’il lui impute, Teliko lui réclame 500 millions F Cfa.
Le procès pour diffamation qui opposait le patron du Groupe Avenir communication, Madiambal Diagne et le président de l'Union des magistrats du Sénégal (Ums), Souleymane Teliko, a été finalement plaidé, hier. C'est dans une ambiance électrique que les débats se sont déroulés, entre piques et répliques des avocats. Madiambal Diagne s'est agité à la barre tout au long de la procédure. Plus encore, s'en sont suivis des déballages contre déballages entre lui et le juge Teliko. En effet, sur les faits de diffamation que le magistrat reproche au journalisme, celui-ci avait, à l'émission Grand Jury de la Rfm du 29 mars 2021, tenu ces propos. «Vous avez parlé de l'Ums qui prêche la bonne parole. Il est facile dans les médias de se présenter comme un parangon de vertu et d'éthique, mais dans la vie de tous les jours est-ce qu'on l'est ? Souleymane Teliko a été épinglé par un rapport de l'Union Européenne (..)», avait-il soutenu avant qu'on ne lui serve une citation directe à la date du 2 avril.
A la barre hier, Madiambal Diagne a face assumé ses propos. «Je les ai tenus et je les assume. J'ai le président de l'Ums en face de moi. J’aurais pu récuser les magistrats comme on me l’avait suggéré. Mais si je l’avais fait, cette affaire n'allait jamais être jugée. Je crois en la justice et c'est ce qui m'a poussé à venir devant la barre. J'ai confiance en la justice de mon pays», a indiqué le journaliste. Poursuivant, Madiambal Diagne a continué à accabler le juge Teliko. «Souleymane Teliko a reçu des frais de mission d'un montant de 8 millions 925 mille des Chambres africaines extraordinaires, alors qu'il a été pris en charge par le gouvernement tchadien. Ce sont les bailleurs qui ont protesté et j'ai les preuves de ses remboursements. J'ai affirmé qu'il a reçu des frais de mission pour aller au Tchad, j'ai affirmé qu'il y a eu des remboursements qui ont été faits par moratoire. J'ai affirmé que l'Ue lui a demandé de rembourser ces montants», dit-il. Acculé par les avocats, il a reconnu s’être trompé sur l’auteur du rapport. «J'ai parlé du rapport de l'Union européenne, et c'est un lapsus. C’est en fait un rapport de l’Union africaine. Je l’ai avec moi. Le fond de la question ici, c'est que de l'argent a été indument perçu par Teliko. Le fond de l'information, c'est qu'il a exécuté un remboursement. J'ai une lettre de protestation pour des remboursements qui est écrite par le président des Chambres africaines extraordinaires qui a été adressée à Sidiki Kaba qui était ministre de la Justice à l'époque. Ce qui a d'ailleurs été fait», précise Madiambal.
Et lorsque l'un des conseils de la partie civile lui a demandé pourquoi il avait cité Souleymane Teliko, alors qu'il n'était pas seul dans la délégation qui s'était rendue au Tchad, Il répond : «cela ne m'intéresse pas qu'il y ait mille personnes. Et moi je prétends qu'à chaque fois que l'institution judiciaire est accusée, je la défends. Je suis un défenseur de la justice. Il a reçu de l'argent qu'il ne devait pas et il a remboursé l'intégralité de la somme. De toutes les personnes de cette délégation, il est la seule à parler de la probité des magistrats. C'est pour cela que j'ai parlé de lui».
Souleymane Teliko dément et déverse sa colère sur Madiambal Diagne
Pour sa part, le juge Souleymane Teliko, après avoir expliqué les contours du rapport qui a été établi, suite au déplacement de la délégation qui s'était rendue au Tchad, s'est indigné de l'acharnement dont il fait l'objet de la part de Madiambal. «Je l'ai entendu. Il essaie de se dérober. Il faut s'assumer parce que ce qu'il dit est transcrit par un huissier de justice. Il parle comme si Teliko a géré des fonds et que l'Union européenne l'a épinglé. On lui pose des questions sur l'Ums et l'indépendance de la justice, il laisse ça pour répondre sur autre chose. Il était juste venu pour parler en mal de Souleymane Teliko. Il y a plusieurs manières de dire des contrevérités. Il a utilisé toutes les facettes de mensonge dans cette affaire», a explicité le magistrat. Avant d'ajouter : «quand je l'ai entendu, je me suis dit : est-ce que je ne suis pas amnésique ? L'Union européenne est une auguste juridiction et si on entend cela, on se dit que j'ai commis des faits graves. Jusqu'à l'extinction du soleil, il ne vous prouvera pas ça. Il a inventé un rapport de l'Union européenne et une lettre de contestation qui n'existent pas. Dans ce rapport, vous ne verrez rien qui épingle Souleymane Teliko. Il a dénaturé ce rapport. Il a un procédé extraordinaire parce que sur la "Une" de l'une de ses parutions, il avait titré "Teliko attendu par le conseil de discipline". Et dans le contenu de l'article, il évoque 5 dossiers avec des grains de sel. En réalité il essaie de semer le doute», a martelé la partie civile. Qui lui lance : «on connaît son passé de greffier. Lui, il a été poursuivi ici pour viol sur mineure et il vient ici attaquer les gens. J'ai fait 26 ans dans la corporation et aucun justiciable ne peut dire que j'ai été mêlé dans une affaire de malversations. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas d'informer juste et vrai, mais de dénigrer la personne. Il a insisté et ce n'est pas un lapsus comme il le dit».
Suite à ce déballage, Madiambal Diagne est sorti de ses gonds. «Quand il fait des accusations graves comme quoi j'ai été poursuivi pour viol…», martèle-il avant qu'il ne soit coupé net par le président de l'audience.
Les avocats de Teliko descendent en flammes Madiambal
Dans leurs plaidoiries, les 13 avocats constitués pour défendre les intérêts de Souleymane Teliko ont demandé sa condamnation après l'avoir sévèrement fusillé. Mieux encore, ils ont réclamé 500 millions à titre de dédommagement et la publication de la décision dans tous les journaux. «On a donné trop d'importance à Madiambal Diagne. Il a bénéficié d'une tribune et on lui a donné trop d'importance. Il persiste dans la délinquance de diffamer Teliko et il profite de la tribune pour lancer des attaques. Il l'a diffamé en le traitant de voleur», a pesté Me Abou Abdoul Daff. Sa consœur Me Ndoumbé Wane de renchérir : «le prévenu a prononcé le mot "lapsus". Sa première réponse était de faire un show en assumant». Pour sa part, Me Abdoulaye Tall l'a traité de mercenaire de la plume. «Ce n'est pas le fait de venir à la barre dire que j'assume qui fait de vous un gentleman. Au Sénégal, pour éviter de s'attirer les foudres de Madiambal Diagne, il faut être du côté du prince. C'est un délinquant multirécidiviste. On peut écrire un livre sur son parcours et sa bonne moralité. Ce n'est pas avec de petits mensonges qu'on va essayer d'écorner l’image du Président Teliko. Au Sénégal, il y a des journalistes et des mercenaires de la plume. Dès qu’on attaque les intérêts du prince, on est attaqué. Derrière cette personne, il y a tout un laboratoire, tout un système pour anéantir. Mais, on fera face puisque le pays ne vous appartient pas. Soyez prêt pour le combat. C'est un diffamateur professionnel et il sera encore traduit ici. M. Le président ! Condamnez-le ! Il a terni l'image d'un éminent magistrat qui a servi et encore sert». Plus acerbe que ses précédents confrères, Me Ousseynou Gaye d'assener : «je lui demande d'écrire sur le "lapsus de Mbabal". Dans ses lundis, il devrait écrire les dérives de Madiambal et il devrait nous gratifier de cela le lundi prochain». Depuis son siège, Madiambal de répliquer : «Ne l'espérez pas». À la suite de Me Gaye, Me Bamba Cissé s'y met. «J'ai eu très mal ! J'ai eu même trop mal ! Un prévenu se présente devant cette barre avec un crâne rasé, bien habillé, pour dire : ‘’j'aurai pu vous récuser’’. J'ai sursauté. Ici on n'est pas dans les ‘’lundis de Madiambal’’. L'expression "épinglé" est trop chargée. Et la grandeur d'un homme réside dans la résilience de dire que je me suis trompé. Mais, vous avez dit avoir fait un "lapsus". Il est très violent de par la plume ! C'est très dangereux ce qu'il fait. Je suis désolé de vous le dire mais, M. Diagne, vous êtes un mercenaire de la plume. Il a allégué un lapsus pour se soustraire de l'action de la justice», a assuré Me Cissé.
En prenant la parole, Me Étienne Ndione soutient : «Madiambal Diagne a été malhonnête en dénaturant la vérité comme l'a dit Teliko. Il a voulu faire croire à l'opinion que Souleymane a commis des malversations. L'intention était de faire mal. Il y a un proverbe qui dit que si le charbon ne brûle pas, il noircit. Le charbon n'a pas encore brûlé Madiambal, mais il l'a noirci, noirci sa plume, assombri son cœur. C'est un mercenaire, un cerbère, un molosse, un snipper qui tire sur tout ce qui bouge. En réalité, il est en train de se sacrifier. C'est un homme qui fait preuve de lâcheté. Souleymane n'a pas été épinglé, mais c'est lui qui a été épinglé pour son mensonge. Il a voulu se débiner. Il a été épinglé par des journalistes (le Cored, tribunal des pairs). Vous savez quelque chose, ce monsieur-là va brûler le Sénégal, mettre en péril la cohésion sociale, "jaxase" (ndlr : mettre en mal) les confréries. Il faut sauver le Sénégal. Et il ne faut pas le laisser s'en prendre à qui ne roule pas pour le pouvoir». Et pour clôturer, Me Ciré Clédor Ly dira : «Madiambal a choisi. Tout ce que je lui reproche, ce n'est pas son choix, mais sa persévérance dans ce qu'il fait. Alors que l'être humain n'a que sa dignité, qui est une règle fondamentale. C'est le Zorro de la République. L'intention de nuire à une personne, c'est d'extirper une personne parmi les 23 membres. Je constate que c'est le prévenu qui a le plus de procès de diffamation. C'est un multirécidiviste et il faut mettre fin au mal pour au moins qu'il préserve les gens», a indiqué la robe noire.
Appelé à faire ses réquisitions, le procureur a sollicité l'application de la loi contre Madiambal Diagne.
Avocat du prévenu, Me Abdou Dialy Kane de la défense a demandé, à titre principal, l'annulation des poursuites et à titre subsidiaire d’accorder à son client le bénéfice de la bonne foi. Avant d'arguer «une mauvaise procédure». «Dans ce dossier-là, on fait trop d'amalgames. Quand je défends Madiambal, d’aucuns pensent que je suis contre Teliko. Et le plus révoltant, c'est que ce sont des intellectuels qui le pensent. Alors que je voue un respect à Teliko et lui-même le sait. Ce sont les magistrats qui sont responsables, parce qu'à chaque fois qu'un journaliste comparaît, il en sort avec une peine de sursis. Cette procédure n'est pas bonne et moi je ne rentre pas dans le fond ! Et je ne vais pas rentrer dans le fond ! Elle est d'une nullité absolue. Clédor qui est un excellent pénaliste le sait. Il ne peut qu'être poursuivi pour complicité de diffamation. On ne peut pas procéder en requalification dans une procédure de diffamation», a précisé Me Kane.
Madiambal Diagne va attaquer Teliko pour ses accusations de viol
Son confrère, Me Baboucar Cissé, a demandé au greffier de noter dans le plumitif d'audience que Teliko avait accusé son client, Madiambal. «Je voudrais que vous en preniez acte dans le plumitif et qu'il va en tirer toutes les conséquences. C'est ce que mon client m'a demandé et c'est ce que j'ai fait», révèle-t-il. Comme pour annoncer à l'opinion que Madiambal allait contre-attaquer Teliko avec une autre plainte. Accompagné de son fils, en rentrant, Madiambal qui rouspétait a informé à celui-ci qu'il va poursuivre Teliko pour ses graves accusations de viol qu'il lui impute à l'audience. «Il est fou ! Je vais le poursuivre en justice !», lance-t-il. Délibéré au 17 juin 2021.
Fatou D. DIONE
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