Devant la représentation nationale pour défendre son projet de budget, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Cheikh Oumar Hanne a été mis à rude épreuve par certains députés de l’opposition qui lui ont rappelé sa gestion du Coud épinglée par les corps de contrôle. L’emprisonnement du Dr Babacar Diop s’est également invité aux débats et c’était pour exiger sa libération.
Cheikh Oumar Anne rattrapé par ses casseroles
Ancien Directeur du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), avant d’être promu ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Cheikh Oumar Hanne a été rattrapé par son passé. Les casseroles trainées durant sa gestion du Coud ont retenti, samedi, à l’hémicycle, lors de l’examen du budget de son ministère. Un pan de son Cv exposé par certains parlementaires de l’opposition, dont le vice-président de Rewmi, Déthié Fall. «Dites-moi la qualité du présent que vous réservez à votre enseignement supérieur et je vous dirai la qualité de l’avenir que vous réservez à votre pays ! La première entorse à cette belle qualité d’avenir de notre pays, c’est d’avoir nommé à la tête de ce ministère quelqu’un qui est épinglé par tous les corps de l’Etat dans sa gestion d’une partie de ses secteurs», rappelle d’emblée le député de Rewmi. Poursuivant, il révèle qu’en dépit de la qualité des professeurs et autres chercheurs qui, dit-il, font la fierté du Sénégal, «l’enseignement supérieur est à l’agonie», faute d’une bonne politique. «Nos universités souffrent de capacités d’accueil. L’université de Bambey était prévue pour 1290 étudiants, aujourd’hui, l’effectif est passée à 4900 étudiants. L’université de Thiès en est à 10.000 étudiants et la même situation se pose à Saint-Louis, Ziguinchor et Dakar. Pendant ce temps, l’université Amadou Moctar Mbow de Diamniadio est toujours en construction. S’agissant de celle de Kaolack, depuis la pose de la première pierre, la dernière pierre est toujours attendue», renchérit Déthié Fall.
Déthié Fall : «avec un manque criard d’enseignants, vous en emprisonnez»
Le vice-président de Rewmi a également pris la défense de Dr Babacar Diop, interpellé et envoyé en prison lors de la marche de la plateforme «Aar Li Nu Bokk» devant les grilles du palais suite à la hausse du prix de l’électricité. Ce, alors que le Sénégal, indique-t-il, n’a pas suffisamment d’enseignants, avec un taux d’encadrement d’un enseignant pour 100 étudiants, contrairement à d’autres pays qui sont à une moyenne de moins 50 étudiants pour un enseignant. A cela s’ajoute le non-respect du ministère de recruter 200 enseignants sur un déficit de 10.000. «Pourtant, avec ce manque criard d’enseignants, vous en emprisonnez. Libérez le docteur Babacar Diop», ordonne le député de Rewmi. «Il y a un manque d’enseignants, nous assistons à l’embastillement de D. Babacar Diop, laissant ses étudiants sans professeur. Vous devez être le premier défenseur du corps professoral, vous devez porter le dossier de Babacar Diop pour qu’il puisse regagner les amphis. Vous devez aussi raisonner votre collègue de la Justice, car on ne peut faire deux poids deux mesures. Il faut le raisonner, je le trouve très zélé», martèle Toussaint Manga.
La réplique ne s’est pas fait attendre. Et c’est la députée de Linguère, Haniyeu Mbengue, qui s’est érigée en défenseur de l’ancien patron du Coud. «Ceux qui sont épinglés sont ceux-là qui étaient à Rebeuss et qui signaient des protocoles pour recouvrer la liberté. M. le ministre, n’écoutez pas ces gens qui fondent leur espoir sur l’auteur du protocole de Rebeuss ; celui qui a détourné les 40 milliards des Sénégalais et qui aspire à devenir président de la République. Son désir d’être 4e Président est tombé à l’eau et il en sera ainsi pour toujours», cogne la députée de la majorité qui n’a pas manqué de plaider pour la construction d’une université à Linguère.
Moustapha Guirassy : «je suis pour la suppression du Bac, c’est une arme de destruction massive de la jeunesse»
De l’avis de Moustapha Guirassy, la performance du ministère de l’Enseignement supérieur ne se mesure pas à l’aune des universités construites, aux effectifs d’étudiants, encore moins sur la glorification de son budget équivalent à celui des Forces armées. Ce qui intéresse l’étudiant, dit-il, c’est de trouver – au terme de sa formation - un emploi ; de mettre en place son business, son entreprise. A l’en croire, le problème de fond, c’est ceux qui entrent dans le système éducatif et ceux qui en sortent. «Quand on parle de qualité de transformation, il y a ceux qui entrent, or ceux qui entrent sont des bacheliers et le taux de réussite au Bac est à 35%. C’est extrêmement faible. Malheureusement, 70% de ces jeunes, une fois en Terminale, le risque c’est simplement l’échec, non pas l’échec scolaire, mais l’échec de la vie. C’est pourquoi il nous faut de l’audace pour réformer le baccalauréat. Je suis pour la suppression du baccalauréat, c’est une arme de destruction massive de la jeunesse», fait-il remarquer, avant de révéler que cet examen n’existe plus dans beaucoup de pays européens. Poursuivant, le député de Kédougou trouve que c’est une perte que tous ces anciens ministres, directeurs et enseignants, une fois à la retraite, ne puissent plus servir leur pays. Il faut permettre à ces gens, dit-il, d’être connectés à l’université, afin de partager leurs connaissances avec les étudiants.
Issa Sall : «le système des universités virtuelles devrait être réservé aux étudiants du premier cycle, mais pas du second cycle»
Le député Issa Sall, de son côté, a invité le gouvernement à changer de paradigme, notamment en ce qui concerne l’orientation éducative des universités virtuelles. Son utilisation, soutient-il, pose problème. «Après le Bac, on vous remet une clé Usb et on vous dit de rester au village pour étudier. Ce système ne devrait pas être réservé aux étudiants du premier cycle, mais du second cycle», relève le député du Pur. D’autres doléances relatives notamment à l’orientation des étudiants ont été aussi soulevées. Pour rappel, le budget du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est arrêté à 203.227.932.514 milliards francs Cfa en crédits de paiement pour 259.129.548.758 milliards francs Cfa en autorisations de paiement.
Moussa CISS
CHEIKH OUMAR HANNE
«Le Sénégal lancera son premier microsatellite en 2021 qui fera de nous un pays qui compte dans l’espace»
Prenant la parole, Cheikh Oumar Hanne a indiqué que le Sénégal compte améliorer fondamentalement l’environnement de la recherche. Dans cette nouvelle orientation, révèle le ministre, le Sénégal dispose d’un projet de montage et de test de microsatellites ; un programme en partenariat avec Alian Group. «Dans ce cadre-là, le Sénégal lancera en 2021 son premier microsatellite qui fera de nous un pays qui compte dans l’espace», a-t-il indiqué. Poursuivant, il révèle que notre pays s’inscrit dans cette logique en ce qui concerne l’énergie atomique. «L’Agence internationale de l’Énergie atomique a choisi le Sénégal pour porter le projet pilote de réacteur de recherche atomique», relève M. Hanne qui annonce un partenariat avec le commissariat à l’Énergie atomique qui permettra à notre pays de former ses cadres dans ce domaine. «Nous allons aussi renforcer nos structures de recherche en les équipant en matériels lourds et nous les mettrons à la disposition des centres de recherche d’excellence et de nos universités», note le ministre.
5000 bacheliers attendent que des places se libèrent pour être orientés
S’agissant de l’orientation des nouveaux bacheliers, le ministre révèle qu’avec le refus des établissements privés d’accueillir les nouveaux bacheliers, le gouvernement a, à ce jour, orienté 49.000 étudiants sur 54.000 demandes. Ainsi 5000 ne sont toujours pas orientés. A cet effet, il révèle que les étudiants déjà orientés ont un délai de six jours pour valider cette orientation. A l’en croire, des places vont se libérer avec le désistement de certains étudiants ; ce qui permettra d’orienter d’autres. Poursuivant, il révèle que sur ce nombre d’étudiants non orientés, 1000 sont redirigés à l’institut Cheikh Ahmadou Bamba. Revenant sur ce partenariat entre le gouvernement et les établissements privés, Cheikh Oumar Hanne révèle que 45 milliards ont été versés au groupement des écoles privées. Et le gouvernement, dit-il, reste devoir 25 milliards. Ce qui lui fait dire qu’au terme de ce système de partenariat avec le gouvernement, l’Etat aura fini d’injecter 70 milliards.
Université Amadou Moctar Mbow : le contrat en cours de résiliation
Sur le retard accusé dans la livraison de l’université Amadou Moctar Mbow de Diamniadio, Cheikh Oumar Hanne a levé le voile sur les raisons qui plombent les travaux. En effet, suite à l’attribution du marché à un consortium d’entreprises composé d’une entreprise sénégalaise, une africaine et une européenne, des difficultés ont été rencontrées dans l’exécution du marché. Ce qui est à l’origine d’une procédure de résiliation du contrat. «Au terme de cette procédure, un appel d’offres sera lancé afin que l’université puisse être livrée dans 18 mois», indique le ministre. Le même délai a été avancé pour la réception de l’université du Sine-Saloum El Hadj Ibrahima Niass qui sera, dit-il, érigée sur trois sites.
Concernant les bourses qui font l’objet de mouvements d’humeur dans les universités, le ministre révèle que dans ce domaine, le Sénégal a fait mieux que certains pays de la sous-région avec une enveloppe de 70 milliards, contrairement à la Côte-d’Ivoire qui ne donne que 16 milliards alors qu’elle compte beaucoup plus d’étudiants. En effet, rien qu’en 2018-2019, le gouvernement a alloué 101.000 bourses. Mais pour résoudre cette question des bourses, il annonce une large réflexion sur le modèle économique de nos universités en janvier 2020.
M. CISS
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