Etant venu au Sénégal plusieurs fois, après ces évènements malheureux, pourquoi n’est-il pas allé présenter ses condoléances à la famille ? Pourquoi avoir attendu ce moment et ce contexte politico-social précis dans lequel se trouve le pays ? Seul Diouf pourra répondre à ces questions.
Abdou Diouf se mue en «directeur de campagne» de Macky Sall
Mais, d’ores et déjà, ses propos sur place ont trahi ne serait-ce qu’une partie de ses motivations. En effet, devant la Khalife général des Tidianes, Abdou Diouf s’est mué en directeur de campagne du Président Macky Sall, en louant ses qualités et capacités de chef d’Etat. Mieux, il a dit ouvertement à Serigne Mbaye Sy Mansour qu’il lui confiait le chef de l’Etat et lui a demandé de le soutenir. Une sortie hautement politique et propagandiste, à un peu plus d’un an seulement de la présidentielle. Des propos à Tivaouane en faveur du Président Sall, qui jurent également d’avec la volonté affichée depuis plus de 17 ans de ne pas intervenir dans la politique intérieure du Sénégal. Qu’est-ce qui l’a poussé à rompre le silence en faveur de Macky Sall, alors qu’il est resté muet sur la crise au sein du Parti socialiste qui lui a tout donné? «Les Honneurs» ?
Les «honneurs» que lui fait Macky Sall
Abdou Diouf a eu tous les honneurs. Le Sénégal lui a tout, absolument tout donné. Mais Abdou Diouf en veut encore. La preuve et il l’a dit à Tivaouane : «Macky Sall me couvre de tous les honneurs». Sa langue l’a trahi. Abdou Diouf n’est en réalité intéressé que par les honneurs. Et comme Macky Sall lui en donne et lui en fait, il a son soutien indéfectible.
Mais aussi en soutenant ouvertement Macky Sall, Abdou Diouf soutient aussi, de manière diffuse, le secrétaire général du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng, allié sûr et inconditionnel du chef de l’Etat. Du coup, même indirectement, le successeur de Senghor a pris parti dans la guerre désormais ouverte entre les socialistes restés fidèles à Tanor et ceux rangés derrière Khalifa Sall. Là encore, il trahit sa volonté de ne pas mettre la main à la pâte verte, malgré les appels incessants de certains socialistes qui l’exhortaient à intervenir dans la crise qui secoue le Ps, qui lui a tout donné. «Le silence de Abdou Diouf sur l’affaire Khalifa Sall est criminel. (…). Le Parti socialiste et le Sénégal lui ont tout donné. Khalifa Sall lui est resté fidèle ; il ne mérite pas ce qui lui arrive», déclarait récemment Bamba Fall en marge du procès Khalifa Sall et Cie, le 3 janvier dernier. Mais Diouf n’en a certainement cure.
Car samedi, en soutenant clairement Macky Sall lors d’une audience publique avec le Khalife des Tidianes, tout en sachant que sa visite est très médiatisée, il a en même temps choisi le camp de Tanor. Et ce ne serait pas étonnant que l’ancien Président qui a reçu tous les honneurs (parrain du Centre de conférence international de Diamniadio, prise en charge lors de ses déplacements au Sénégal, il le loge, le blanchit et le nourrit, visites de courtoisie des Sall…), soit la main visible qui maintient le Parti socialiste à tout prix au sein de la mouvance présidentielle.
Une manière pour lui de rendre la monnaie de la pièce au chef de l’Etat. Et cette thèse est d’autant plus plausible que, malgré les apparences, Diouf a encore une forte influence sur l’actuel secrétaire général du Ps, dont il a été le patron et le parrain au sein du parti, qu’il lui a légué lors de ce fameux congrès sans débat. D’ailleurs, Tanor lui-même reconnaît cette influence sur lui de son ex-mentor, qui lui a personnellement demandé de se rapprocher de Macky Sall. «Je me perds souvent en conjectures lorsque, pour citer le chef de l’Etat Macky Sall, je dis Abdou Diouf. C’est parce que ma relation avec Abdou Diouf date de très longtemps et nous avons toujours d’excellents rapports. Il m’a confié d’ailleurs que le Président Macky Sall est un grand travailleur, qu’il souhaiterait que nous entretenions des relations très huilées», révélait le socialiste en chef en décembre 2016, lors d’une visite à Tivaouane, à la veille du Mawloud.
Alors de qui se moque-t-on ? Qu’on ne nous parle plus de neutralité de Diouf par rapport à la marche du pays et aux choses politiques, aussi bien au niveau global, qu’au sein du Parti socialiste. Et c’est Khalifa Sall, qui lui est resté fidèle, selon ses proches, qui va se mordre les doigts depuis sa cellule de Rebeuss.
Mbaye THIANDOUM