Dans notre édition d’hier, un ancien juge d’instruction, sous le sceau de l’anonymat, a battu en brèche les propos de l’ancien Premier ministre qui a refusé de déférer à la convocation du Doyen des juges, au motif que ce dernier n’a pas précisé la raison de sa convocation. Mais Souleymane Ndéné Ndiaye, qui nous a joints pour porter la réplique, est formel. Pour lui, notre source «se trompe lourdement», car non seulement ce dernier n’a pas vu la convocation et donc ne sait pas ce qui y est écrit, mais aussi ne maîtrise pas les textes qui régissent la fonction d’avocat. L’ancien Premier ministre de rappeler qu’il est avocat et qu’en ce sens, un juge d’instruction ne peut pas le convoquer.
Sa réplique ne s’est pas faite attendre. Pour Souleymane Ndéné Ndiaye, la source de notre article d’hier sur son refus de répondre à la convocation du doyen des juges brasse dans le vide. «Ce qu’a dit ce magistrat est faux. Il s’est trompé lourdement. Il ne connaît pas les textes qui régissent notre corporation. Nous ne sommes pas dans une corporation de charretiers… Le juge (Samba Sall) sait très bien qu’il ne peut pas me convoquer. Un juge ne peut pas convoquer comme ça un avocat. Les avocats ont un privilège de juridiction. Quand on veut convoquer un avocat, on en informe d’abord le bâtonnier», a martelé l’ex-chef du gouvernement sous Wade. Poursuivant, il affirme également que notre source fait fausse route sur toute la ligne. «C’est moi qui ai reçu et vu la convocation. Il n’a pas vu la convocation. Donc il devait faire preuve de retenue. Il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Ce n’est pas parce qu’il a été juge d’instruction qu’il peut imaginer ce qu’il y a sur la convocation», fustige l’ancien Premier ministre, qui révèle que seule sa filiation : nom, prénom, date et lieu de naissance, ainsi que les noms et prénoms de ses parents figurent sur la convocation, qu’il dit avoir retournée à celui qui l’a amenée», dit-il.
«S’il avait pris son téléphone, comme Yague l’a fait, pour me dire : ‘’Grand, j’ai besoin de vous entendre sur telle affaire’’, j’allais répondre»
Ne décolérant pas, Souleymane Ndéné Ndiaye souligne que si le Doyen des juges avait dit dans sa convocation qu’il le convoquait «pour des faits qui ont eu lieu quand il était chef du gouvernement», il serait dans son droit de lui dire niet. «Je lui dirais : ‘’Monsieur le juge je ne réponds pas à votre convocation, parce qu’un Premier ministre ne peut pas être entendu ou jugé par une cour ordinaire’’». Dès lors, insiste-t-il, c’est seulement en faisant dans la courtoisie, comme l’ont fait les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic), que le Doyen des juges peut l’amener à accepter qu’il l’entende. «S’il avait pris son téléphone, comme le commissaire Seydou Bocar Yague l’a fait, pour me dire : ‘’Grand, j’ai besoin de vous entendre sur telle affaire’’, j’allais répondre», dit-il. Par ailleurs, Me Souleymane Ndéné Ndiaye a confirmé qu’effectivement, lui et le Doyen des juges ont prêté serment le même jour (Samba Sall étant devenu magistrat par la suite).
«Je ne connais pas Frank Timis ; je ne défends pas Aliou Sall. Loin de moi de refuser de comparaître»
Selon le Pca d’Air Sénégal, si le juge a voulu formaliser, en lui envoyant une convocation, il devait suivre sa logique jusqu’au bout en mettant les formes requises à sa convocation. En définitive, l’ancien Premier ministre souligne qu’il n’a rien à se reprocher, encore moins à voir avec cette affaire ; et que son refus de déférer à la convocation du juge n’est nullement une volonté de faire obstacle à la manifestation de la vérité. «Je ne connais pas Frank Timis ; je ne défends pas Aliou Sall. Loin de moi de refuser de comparaître. Encore que cette affaire ne me regarde pas. Et comme tous les Sénégalais, je veux que la lumière soit faite sur cette affaire», précise-t-il.
Pour rappel, un magistrat à la retraite qui s’est entretenu avec «Les Echos» sur le refus de l’ancien Premier ministre de répondre à la convocation du Doyen des juges, déclarait, entre autres : «comment voulez-vous que le juge d’instruction précise exactement à la personne le motif de sa convocation ? Imaginez que le juge dise à la personne, par exemple, que c’est pour l’inculper, vous pensez que cette personne-là va déférer à la convocation ?...Dans les convocations il est mentionné : ‘’pour affaire vous concernant’’…Il confond avec la citation à comparaître ou l’assignation à prévenu, l’assignation à témoin, où il est précisé à la personne sa qualité et ce pourquoi elle est convoquée, dans les détails».
Mbaye THIANDOUM