Au terme de son mandat à la tête de l’Union Africaine, le Président Macky Sall a été à l’origine de plusieurs initiatives dont le règlement des différends et l’accompagnement des transitions politiques. Ainsi, dans cette dynamique de tourner la page de l’Afrique des problèmes, il a plaidé pour une Afrique qui réfléchit par et pour elle-même, une Afrique qui s’engage avec ses partenaires dans une éthique relationnelle réinventée, fondée sur des partenariats co-construits et respectueux de la diversité des valeurs de culture et de civilisation.
Le mandat du Président Macky Sall à la tête de l’Union Africaine (UA) est arrivé à son terme, ce weekend-end, à l’occasion de la 36e Session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union Africaine à Addis-Abeba. «Servir notre continent a été pour moi un privilège et une grande fierté, parce que je crois en une Afrique unie, une Afrique debout, une Afrique au travail, une Afrique en paix et confiante en son avenir. Cela me détermine à rester encore plus motivé au front du combat pour l’Afrique partout, pour tout et tout le temps ; parce que c’est la responsabilité que nous confère l’héritage du panafricanisme pour réaliser le rêve des pères fondateurs et les aspirations de nos peuples», a confessé le chef de l’Etat dans son discours de fin de mandat. Pour avoir hérité de la présidence de l’Union Africaine dans un contexte particulier, marqué par la pandémie du Covid-19, le Président Sall rappelle que ce contexte persiste encore et est exacerbé, dit-il, par les effets combinés du changement climatique et d’une guerre majeure qui, à l’en croire, plonge le monde entier dans une séquence dangereuse et incertaine dont personne ne peut prédire comment et quand elle finira. «S’y ajoute l’avancée du terrorisme sur le continent, la persistance des conflits anciens et nouveaux et la recrudescence des changements anticonstitutionnels, il faut saluer la tenue d’élections libres et transparente qui confirme l’ancrage de la démocratie dans nombre de pays africains», liste le Président Macky Sall qui s’est évertué, dit-il, au cours de son mandat, «à soutenir le règlement des différends et accompagner les transitions politiques».
Fermer l’ère de l’Afrique des problèmes et ouvrir la voie de l’Afrique des solutions
Seulement, il se désole de constater que la pacification du continent reste encore un objectif à atteindre. Aussi, a-t-il appelé à rendre opérationnel la Force africaine en attente, à créer une unité de lutte contre le terrorisme et à financer de façon plus conséquente et plus prévisible les efforts de lutte contre le terrorisme. «Cette lutte relève aussi de la responsabilité du conseil de sécurité qui est le garant du mécanisme de sécurité collective, parce que l’avancée du terrorisme en Afrique est une menace à la paix et à la sécurité internationale. Le défi de la paix, de la sécurité et de la stabilité du continent nous engage à déposer les armes et à trouver des solutions pacifiques à nos différends afin de mieux nous consacrer aux tâches de développement économique et sociale. Avec la reconfiguration géopolitique du monde, une opportunité historique s’offre à nous de fermer l’ère de l’Afrique des problèmes et ouvrir la voie de l’Afrique des solutions. Nous en avons tout le potentiel parce qu’un continent doté en abondance de toutes sortes de ressources ne peut être condamné à rester à la traine du monde», explique le président sortant de l’Union Africaine, persuadé que l’émergence de l’Afrique est à portée de main si elle s’attaque aux urgences de l’industrialisation et la diversification économique du continent, l’accélération de la mise en œuvre de la Zlecaf et enfin la masculinité positive contre les violences faites aux femmes et aux filles. S’agissant du développement de l’agriculture et de la sécurité alimentaire, le président Sall révèle que plusieurs pays africains, sur la base de leurs programmes prioritaires, ont déjà signé avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux des compacts visant à stimuler la production, la transformation, le commerce agricole pour un montant de 36 milliards de dollars dont 10 milliards mobilisés par la Banque africaine de développement (Bad). «Il s’agit concrètement à court terme d’assurer aux pays africains l’approvisionnement en produits céréaliers et en fertilisants aux conditions normales du marché», renchérit Macky Sall.
Une Afrique qui réfléchit par et pour elle-même
«L’Afrique que nous voulons, c’est aussi une Afrique qui réfléchit par et pour elle-même, une Afrique qui sait ce qu’elle veut et ce qu’elle vaut, une Afrique pleinement intégrée dans la gouvernance mondiale et qui s’engage avec ses partenaires dans une éthique relationnelle réinventée, fondée sur des partenariats co-construits et respectueux de la diversité des valeurs de culture et de civilisation», martèle le président sortant de l’UA dont le plaidoyer a retenti dans les différents sommets à travers le monde. «S’agissant de la gouvernance économique et financière mondiale, je suis heureux d’annoncer que le processus d’adhésion de l’Afrique comme membre de plein droit du G20 est en bonne voie suite aux démarches que j’ai effectuées dans ce sens aussitôt après ma prise de fonction. A ce jour, 10 des 20 membres du groupe ont exprimé publiquement leur soutien. J’espère que les autres membres rejoindront cet élan consensuel pour que l’adhésion de l’Afrique soit actée au prochain sommet du G20 en Inde», se réjouit le Président Sall. Par contre, il est revenu sur les points non encore résolus durant son magistère. Il s’agit de la réforme du conseil de sécurité qui ne connait pas encore d’évolution significative ; de l’initiative du G20 sur la suspension du service de la dette et la réallocation partielle des droits de tirage spéciaux ; en plus de la transition énergétique.
Une perception exagérée du risque d’investissement
Le président de la République a aussi déploré la perception exagérée du risque d’investissement en Afrique. «Dans mon adresse de prise de fonction du 5 février 2022, je disais que nos économies sont sous financées et mal financées parce que nos pays continuent de payer de façon injuste des taux d’intérêt trop élevés à cause d’un système inéquitable d’évaluation du risque d’investissement. Cela a été confirmé par plusieurs études dont le rapport 2022 sur le financement du développement durable publié en avril qui a relevé en termes explicites la sévérité des agences vis-à-vis des pays du sud et leur relative indulgence à l’égard des pays industrialisés», fait remarquer le Président Sall qui perçoit à travers cette pratique que plusieurs pays africains ont vu leurs notations mises sous surveillance avant même leur participation à l’initiative sur la suspension des intérêts de la dette. Ce qui a naturellement contribué, dit-il, à aggraver la perception du risque de ces pays et à dégrader leurs notations comme si les agences s’érigeaient en un centre de régulation au-dessus des institutions intergouvernementales. «Tout cela montre que nos efforts de développement ne pourront prospérer tant que perdurent certaines règles et pratiques de la gouvernance économique et financière mondiale. Certes nous avons la responsabilité première de créer les conditions de développement de nos pays, mais notre sort dépend aussi d’institutions et règles qui datent de l’après-guerre et qui ne prennent pas suffisamment en compte les besoins et intérêts de nos pays», charge Macky Sall.
Moussa CISS
AZZALI ASSOUMANI, PRESIDENT DES COMORES ET NOUVEAU PRESIDENT DE L’UA
« Nous plaidons pour une annulation totale de la dette africaine »
Le président de l’Union des Comores est persuadé qu’il ne sera pas facile de succéder au Président Macky Sall à la tête de l’Union Africaine. Poursuivant, il a plaidé pour une annulation totale de la dette africaine pour permettre une relance de l’économie post Covid et de faire face aux impacts négatifs de la crise en Ukraine.
« En succédant à mon frère le Président Macky Sall, en qualité de président en exercice de l’Union Africaine, c’est avec le poids de la responsabilité continentale sur mes épaules que j’entends assumer aujourd’hui les fonctions de président de l’UA en cette 36e Session ordinaire. Il ne sera pas facile de lui succéder, mais je ferai de mon mieux pour poursuivre son œuvre, entre autres, en privilégiant comme il a toujours su le faire le dialogue, l’écoute, le rassemblement ; condition indispensable pour faire de ce mandat celui du succès de notre continent. C’est cette autorité que le Président Sall a porté avec dignité et discernement pendant ces 12 derniers mois », a d’emblée témoigné le nouveau président de l’UA, avant d’ajouter : « vous avez plaidé inlassablement pour la paix et l’intégration africaine, pour la défense et les intérêts de notre continent dans la gouvernance politique, économique et financière mondiale. Vous avez réussi à créer le consensus autour de l’accession de l’Union Africaine au rang de membre de plein droit permanent au G20. Merci pour ce bilan éloquent qui nous honore, qui honore le Sénégal et qui vous honore et continue à honorer le continent africain dans son ensemble », chante le Président Azzali. Poursuivant, il est revenu sur les défis du continent notamment avec 22 pays africains en situation de détresse, selon la Banque mondiale, au regard de leurs dettes qui concentrent une part notable des 1071 milliards de dollars de dettes extérieures du continent. « Pour une viabilité de la dette africaine, nous exhortons la mise en place d’un cadre commun de règlement de cette dette qui sera plus inclusive, y incluant les créanciers bilatéraux et les créanciers privés avec un soutien renforcé du Fonds monétaire international. Nous plaidons pour une annulation totale de la dette africaine pour permettre une relance de l’économie post Covid et nous permettre de faire face aux impacts négatifs de la crise en Ukraine. Cette crise qui génère une insécurité alimentaire très préoccupante, un risque de malnutrition et de famine, a une ampleur inégalée depuis le début de ce siècle », plaide le Président Azzali.
Moussa Faki Mahamat : « nous ne faisons pas assez pour sortir du cercle vicieux de la dépendance, du sous-développement … »
De son côté, Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union Africaine est d’avis que l’Afrique indépendante depuis une soixantaine d’années n’est pas encore totalement en paix. « Elle n’a pas encore réalisé, au-delà des formes, l’essentialisme de son unité, ni atteint le niveau de prospérité que son âge et ses ressources auraient dû lui assurer. D’où vient-il alors que nous n’évoluons pas au rythme souhaité ? Pourquoi nous ne progressons pas malgré nos formidables atouts humains et nos immenses potentielles en ressources naturelles ? Après six années passées à la tête de la Commission, je suis arrivé à la conclusion que nous ne faisons pas assez pour réaliser les grandes ambitions qui ont présidé à la création de notre organisation et de manière générale pour sortir du cercle vicieux de la dépendance, du sous-développement, de l’éparpillement et des déficits patents d’intégration. N’ayons pas peur de le dire, nous mettons beaucoup d’enthousiasme dans l’élaboration des grands projets pour l’Afrique, dans la prise de certaines décisions, mais malheureusement, beaucoup moins dans les réalisations, simplement par défaut de volonté politique agissante. Cette rupture entre parole et acte est le principal facteur de désaffection des populations vis-à-vis de l’organisation continentale. Le phénomène est aggravé par la prévalence des intérêts nationaux cristallisant chaque jour un peu plus les divisions et les clivages, affaiblissant ainsi les élans de la construction d’une Afrique parlant d’une seule voix, intégrée, forte et prospère », explique Moussa Faki Mahamat qui en veut pour preuve de cette absence de volonté politique, la libre circulation des personnes et des biens, le passeport africain, la création des institutions financières ou du moins leur mise en œuvre, le marché unique des transports aériens en Afrique, le lancement des grands chantiers d’infrastructures intégratrices.
M. CISS













