Le Directeur général du Port a profité du «ndogu» avec les acteurs portuaires, avant-hier, pour expliquer largement son style de management. L’homme, qui dit n’avoir jamais de problèmes d’adaptation, pour avoir roulé sa bosse partout dans le monde et vécu toutes sortes de situation, est revenu sur son passage à l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), où des projets qu’on prenait pour des chimères, se sont révélés être de grands succès en un temps record. Et c’est sur le même tempo qu’il compte gérer le Port.
Ababacar Sadikh Bèye sait nager dans toutes les eaux avec la même aisance. Son seul problème est de savoir si ceux qu’il dirige peuvent suivre son tempo. C’est pourquoi il affirme n’avoir jamais eu de problème d’adaptation au sein des différentes entités qu’il a eu à diriger. «Mon intégration a toujours été facile, n’importe où... J’ai tellement vadrouillé dans le monde ; j’ai eu à subir et à expérimenter tellement de situations que, pour m’adapter, c’est extrêmement facile. C’est plutôt le contraire qui pose problème. C’est-à-dire si les gens peuvent s’adapter à ce que je veux faire», explique-t-il, en réponse à la question de savoir si son intégration au Port a été facile. Et d’ajouter que c’est parce qu’il prend toujours le taureau par les cornes que «les gens étaient anxieux», quand il est arrivé au Port. Mais il rappelle que quand il est allé à l’Agence nationale de la statistique et de la démographie(Ansd), «les gens étaient anxieux» aussi. «Parce que j’aime bousculer les choses ; j’aime mettre la barre un peu haut pour pousser tout le monde au travail. En général, quand je le fais, on me dit que c’est impossible», soutient le patron du Port.
«Quand je suis arrivé à l’Ansd…, ils ont dit : ‘’c’est un rêveur’’»
Cela est si vrai pour lui que cette situation lui est arrivée quelquefois, notamment quand, à son précédent poste, en un temps record, il a fait du Sénégal un pays Nsdd, (une norme spécifique de diffusion des données créée en 1996, pour faciliter aux pays l’élaboration et l’application de politiques économiques bien conçues, la prise et l’exécution de décisions judicieuses en matière d’investissements et, partant, de réduire les turbulences sur les marchés financiers) . «Je me rappelle, quand je suis arrivé à l’Ansd, j’ai mis la vision, j’ai mis la feuille de route et ils ont dit : ‘’c’est un rêveur’’. J’ai tellement insisté. Je leur ai demandé de prétendre seulement que je ne suis pas fou. Et qu’ils me donnent seulement une fenêtre et on va essayer», note-t-il. Poursuivant, il affirme que quand il disait que le Sénégal allait avoir la norme Nsdd en 2 ans, personne n’y croyait. «C’est une norme vraiment rigoureuse. En Afrique, il n’y a que trois pays qui sont Nsdd : Iles Maurice, Seychelles et Afrique du Sud. Aucun autre pays n’est Nsdd. Je suis allé voir le Directeur du Fmi à Washington, pour lui dire que le Sénégal va être Nsdd en 2017. On était en 2015. Il m’a regardé et m’a dit : ‘’ah, je ne pense pas que ça soit possible, mais vous êtes tellement convaincant que je vais vous accompagner’’. Et jour pour jour, en 2017, je crois en mars, on était Nsdd».
«Aucun pays ne fait le changement de base en 5 ans. Nous, nous l’avons fait en 2 ans»
Ababacar Sadikh Bèye d’ajouter qu’il a connu le même succès avec le changement d’année de base des comptes nationaux, passant de l’année 1999 à celle 2014. «Le changement de base est un chantier énorme. Aucun pays ne le fait en 5 ans. Nous, nous l’avons fait en 2 ans. Le ministre des Finances nous a dit : vous voulez combien ? je lui ai dit 5 milliards. Il nous a mis 5 milliards. Jour pour jour, deux ans, j’ai mis tous les comptables nationaux dans un bâtiment à Mermoz. Et jour pour jour, en deux ans, ils ont fait le changement de base, qui a amélioré le Pib du Sénégal de 30%»
«J’ai eu trois brassards rouges à l’Ansd, pour des décisions qu’il fallait prendre, et personne n’a voulu le faire. Je l’ai fait. Au Port, c’est la même chose»
S’il a tenu à rappeler ces deux initiatives qu’il a prises et qui apparaissaient aux yeux de ses collaborateurs comme des chimères, Aboubacar Sadikh Bèye veut faire comprendre que «quand on y croit et qu’on a l’engagement, mais surtout quand la vision est claire, quand on est sûr de la vision, il ne faut pas avoir peur de prendre les décisions». Il ne faut pas avoir peur de rester trois mois ou trois ans impopulaire. Pour lui, cela est d’autant plus important qu’en tant que chef d’une entreprise, «quand on ne prend pas les décisions, on les laisse à l’autre Dg qui va venir». Et quand ce dernier arrive, «lui aussi ne va pas prendre les décisions, parce qu’il va se dire Pape Ousmane (syndicaliste) va crier, on va mettre ça dans les journaux…Et personne ne prend les décisions». Et lui il a toujours pris les décisions qu’il fallait prendre à l’Ansd et entend faire de même au Port, même si ça peut lui créer des détracteurs. «Moi j’ai eu trois brassards rouges à l’Ansd, pour des décisions qu’il fallait prendre, personne n’a voulu le faire. Je l’ai fait. Et au final, tout le monde a reconnu que c’est ce qu’il fallait faire. Au Port, c’est la même chose. Beaucoup de Directeurs sont passés, ont eu une vision, l’ont mise en place, et ont eu à faire face à une décision qui pouvait compromettre leur fauteuil, Et on se dit, mieux vaut satisfaire les employés et sécuriser son fauteuil», explique-t-il. Non sans préciser, avec force, que procéder de la sorte, «c’est juste la politique de l’autruche». Car, «on ne résout pas le problème, on le déplace pour quelqu’un d’autre». Or pour lui, «si on veut agir, on ne pourra pas le faire comme ça».
Mbaye THIANDOUM
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