Il ne faut pas en parler, du moins dans le camp de l’intéressé. Mais le 3e mandat de Macky Sall devient possible d’un point de vue juridique, car la constitution de 2016 a été piégée, parce que ne prévoyant pas de dispositions transitoires incluant dans le décompte le mandat de 7 ans. C’est donc seulement une réponse politique qui pourrait entraver ce projet, dont l’idée est pour le moment jalousement gardée dans les tiroirs du pouvoir.
Le régime du Président Macky Sall ne voulait pas que l’on parle de 3e mandat, mais le débat sur le sujet s’est imposé de lui-même et il n’est plus question de l’éluder. D’autant plus qu’il a commencé à faire des victimes, notamment Sory Kaba. Et même si on a voulu faire le départ entre ce limogeage et le discours récent de la victime sur les mandats du Président Sall, l’occasion a bien fait le larron. Surtout qu’aussitôt après que Sory Kaba a lu les dispositions de la constitution qui indiquent que «nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs» comme président de la République, des thuriféraires sont montés sur leurs grands chevaux pour réclamer sa tête. Et cette tête n’a pas tardé à être tranchée. Maintenant, il est évident que le tollé soulevé va aller crescendo. Déjà, des organisations de la société civile sont montées au créneau pour lancer des avertissements au Président Macky Sall, si jamais lui venait l’envie de briguer un troisième mandat. Les acteurs du Mouvement du 23 juin 2011, qui s’étaient mobilisés dans les mêmes circonstances contre le Président Wade, promettent de reprendre du service le cas échéant. Mais, comme il n’y a pas de fumée sans feu, essayons de retracer le lieu de départ des étincelles.
Les exégètes décortiquent le modèle du tailleur constitutionnel
D’abord le texte constitutionnel, socle de toutes les ambitions présidentielles. Avec la révision de 2016, dont l’esprit était bien de mettre fin à toute velléité, le Président issu de la seconde alternance satisfaisait une exigence démocratique. Mais, apparemment, les interprétations de gourous constitutionnels comme le Pr Jacques Mariel Nzouankeu ont vite fait d’inhiber les états d’âme. Pour les juristes, la constitution taillée par le Pr Ismaïla Madior Fall et Cie ne dispose pas de Zip, une fermeture capable d’empêcher tout débordement. En clair, la disposition transitoire qui devait inclure le mandat de 7 ans dans le décompte n’a pas été mise. Raison qui fait dire au juge Ibrahima Dème que la constitution a été piégée. Anticipant la polémique en octobre 2017, le Pr Nzouankeu concluait ses développements juridiques en ces termes : «une clarification est nécessaire sur la dévolution des mandats successifs du Président Macky Sall. Il ne s’agit pas d’un débat citoyen ou politique : la question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre une candidature du Président Macky Sall en 2024. La clarification juridique vise à s’assurer que tous les acteurs ont une compréhension commune et partagée de ce droit positif. Si tel est le cas, le droit positif actuel est maintenu et en 2024, il n’y aura pas de débat sur la recevabilité de la candidature du Président Macky Sall. Si les acteurs de la vie politique estiment que le Président Macky Sall ne devrait pas briguer un troisième mandat successif en 2024, et qu’ils choisissent la voie juridique pour régler ce problème, il faudra alors modifier le droit positif. A cette fin, il sera nécessaire d’inscrire une disposition transitoire dans la Constitution. Cette disposition pourrait s’inspirer de l’alinéa 2 de l’article 151 de l’Avant-projet de la Constitution de la CNRI, et être ainsi libellée : ‘’Le mandat en cours du président de la République est compris dans le décompte du nombre des mandats autorisés par l’article 27 de la présente Constitution’’».
Toute saisine du Conseil constitutionnel vouée à l’échec
Rien de cela n’ayant été fait avant l’élection présidentielle de 2019, «le piège» a admirablement fonctionné, puisque, selon toujours le Directeur de la Revue des Institutions politiques et administratives du Sénégal (Ripas), «l’article 27 de la Constitution ne peut pas faire l’objet de révision. Il entrera en vigueur avec l’élection présidentielle de 2019 à l’issue de laquelle sera conféré le premier mandat de 5 ans qu’il institue. A partir de ce moment, aucune révision constitutionnelle ne peut l’affecter, directement ou indirectement». Et c’est certainement le Conseil constitutionnel, en cas de consultation par le Président Sall désireux de briguer ce 3e mandat, qui va tirer le vin des arguties juridiques qu’il voudra servir au peuple. Et selon toujours Nzouankeu, «si, à l’occasion de ce débat, le président de la République saisit le Conseil constitutionnel de cette question pour avis, conforment à l’article 92 de la Constitution, il n’y a pas de doute que le Conseil confirmera les termes de sa décision n° 1/c/2016 du 12 février 2016 : il rappellera que le mandat de 7 ans n’était pas régi par l’article 27 de la Constitution. Il ne pouvait donc pas constituer l’un des deux mandats prescrits par cet article».
Hiatus entre le discours et les actes du Président Sall
Sortant un peu de ce juridisme de mauvais aloi, nous allons invoquer les postures et déclarations politiques qui fonderont le peuple à refuser toute possibilité de troisième mandat pour l’actuel président de la République. c’est l’intéressé lui-même, le Président Macky Sall, qui disait : «Nous devons être très sérieux dans ce pays lorsque nous voulons apporter une contribution positive à la marche de notre pays. Nous avons engagé une réforme majeure de la constitution par voie référendaire (…) Nous avions choisi de consulter directement le peuple sur une réforme très sérieuse, très constructive, très consolidante de la constitution. Pour régler principalement la question de la durée et du nombre de mandats du président de la République, ainsi que du mode d’élection». Il poursuit pour préciser : «d’ailleurs en 2016, ce dont il était question, c’était moins le nombre de mandats que la durée ; on devait passer du septennat au quinquennat bloqué, mais le nombre de mandats, c’est réglé depuis très longtemps, c’était 2 mandats. Le nombre de mandats n’a pas été modifié. Pourquoi engager une discussion sur un débat de 2024, qui n'a pas lieu d’être, puisque je suis dans la logique de ne pas dépasser 2 mandats». N’est-ce pas bien clair ? Oh que si, sauf qu’entre le discours et les actes, il y a un hiatus que les Sénégalais ont déjà eu l’occasion d’expérimenter. C’était à propos de la durée du mandat que le candidat Macky Sall avait promis de ramener de 7 à 5 ans. Et lorsque, élu, le débat s’est posé, voilà ce qu’il avait dit : «c’est moi qui ai fait la déclaration, qui ai pris l’engagement. Et quand le moment sera venu, ceux qui doivent en faire l’étude, l’évaluation pour dire sa conformité avec la charte du pays, la constitution, le feront. Le parti, les alliés, tout le monde pourra alors donner son avis. Mais, aujourd’hui, je voudrais que les membres de l’Alliance pour la République s’abstiennent d’épiloguer sur la durée du mandat et d’attendre l’heure».
Le refuge de la conformité à la constitution
La règle de l’omerta érigée sur le nombre de mandats par le régime aujourd’hui n’est donc pas une nouveauté. Elle avait été édictée lorsqu’il fallait réduire le mandat de 7 à 5 ans et qu’à la fin, le Conseil constitutionnel consulté par le chef de l’Etat a sorti cet avis-décision qui interdisait toute modification de la durée du mandat pour lequel le Président avait été élu. Le wax waxeet est donc entré dans les mœurs de nos hommes politiques arrivés au pouvoir. Aussi, il est difficile, chat échaudé craignant eau froide, de ne pas considérer que les mêmes causes dans les mêmes circonstances produiront les mêmes effets. Et qu’à l’orée de la présidentielle de 2024, le régime s’arrangera pour faire porter par un de ses affidés le projet d’un troisième mandat, articulé sur un bilan présenté comme reluisant. La consultation sera donc soumise au Conseil constitutionnel qui, à n’en pas douter, validera le «second» mandat de 5 ans de Macky Sall. La réponse politique à ce projet dont les prémices se jouent sous nos yeux s’ébauche également sous nos yeux. Les organisations politiques de l’opposition comme celles de la société civile restent vigilantes et promettent une riposte plus fulgurante à toute velléité qu’elles n’en avaient donné au projet similaire du Président Wade.
Mansour KANE
Le régime du Président Macky Sall ne voulait pas que l’on parle de 3e mandat, mais le débat sur le sujet s’est imposé de lui-même et il n’est plus question de l’éluder. D’autant plus qu’il a commencé à faire des victimes, notamment Sory Kaba. Et même si on a voulu faire le départ entre ce limogeage et le discours récent de la victime sur les mandats du Président Sall, l’occasion a bien fait le larron. Surtout qu’aussitôt après que Sory Kaba a lu les dispositions de la constitution qui indiquent que «nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs» comme président de la République, des thuriféraires sont montés sur leurs grands chevaux pour réclamer sa tête. Et cette tête n’a pas tardé à être tranchée. Maintenant, il est évident que le tollé soulevé va aller crescendo. Déjà, des organisations de la société civile sont montées au créneau pour lancer des avertissements au Président Macky Sall, si jamais lui venait l’envie de briguer un troisième mandat. Les acteurs du Mouvement du 23 juin 2011, qui s’étaient mobilisés dans les mêmes circonstances contre le Président Wade, promettent de reprendre du service le cas échéant. Mais, comme il n’y a pas de fumée sans feu, essayons de retracer le lieu de départ des étincelles.
Les exégètes décortiquent le modèle du tailleur constitutionnel
D’abord le texte constitutionnel, socle de toutes les ambitions présidentielles. Avec la révision de 2016, dont l’esprit était bien de mettre fin à toute velléité, le Président issu de la seconde alternance satisfaisait une exigence démocratique. Mais, apparemment, les interprétations de gourous constitutionnels comme le Pr Jacques Mariel Nzouankeu ont vite fait d’inhiber les états d’âme. Pour les juristes, la constitution taillée par le Pr Ismaïla Madior Fall et Cie ne dispose pas de Zip, une fermeture capable d’empêcher tout débordement. En clair, la disposition transitoire qui devait inclure le mandat de 7 ans dans le décompte n’a pas été mise. Raison qui fait dire au juge Ibrahima Dème que la constitution a été piégée. Anticipant la polémique en octobre 2017, le Pr Nzouankeu concluait ses développements juridiques en ces termes : «une clarification est nécessaire sur la dévolution des mandats successifs du Président Macky Sall. Il ne s’agit pas d’un débat citoyen ou politique : la question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre une candidature du Président Macky Sall en 2024. La clarification juridique vise à s’assurer que tous les acteurs ont une compréhension commune et partagée de ce droit positif. Si tel est le cas, le droit positif actuel est maintenu et en 2024, il n’y aura pas de débat sur la recevabilité de la candidature du Président Macky Sall. Si les acteurs de la vie politique estiment que le Président Macky Sall ne devrait pas briguer un troisième mandat successif en 2024, et qu’ils choisissent la voie juridique pour régler ce problème, il faudra alors modifier le droit positif. A cette fin, il sera nécessaire d’inscrire une disposition transitoire dans la Constitution. Cette disposition pourrait s’inspirer de l’alinéa 2 de l’article 151 de l’Avant-projet de la Constitution de la CNRI, et être ainsi libellée : ‘’Le mandat en cours du président de la République est compris dans le décompte du nombre des mandats autorisés par l’article 27 de la présente Constitution’’».
Toute saisine du Conseil constitutionnel vouée à l’échec
Rien de cela n’ayant été fait avant l’élection présidentielle de 2019, «le piège» a admirablement fonctionné, puisque, selon toujours le Directeur de la Revue des Institutions politiques et administratives du Sénégal (Ripas), «l’article 27 de la Constitution ne peut pas faire l’objet de révision. Il entrera en vigueur avec l’élection présidentielle de 2019 à l’issue de laquelle sera conféré le premier mandat de 5 ans qu’il institue. A partir de ce moment, aucune révision constitutionnelle ne peut l’affecter, directement ou indirectement». Et c’est certainement le Conseil constitutionnel, en cas de consultation par le Président Sall désireux de briguer ce 3e mandat, qui va tirer le vin des arguties juridiques qu’il voudra servir au peuple. Et selon toujours Nzouankeu, «si, à l’occasion de ce débat, le président de la République saisit le Conseil constitutionnel de cette question pour avis, conforment à l’article 92 de la Constitution, il n’y a pas de doute que le Conseil confirmera les termes de sa décision n° 1/c/2016 du 12 février 2016 : il rappellera que le mandat de 7 ans n’était pas régi par l’article 27 de la Constitution. Il ne pouvait donc pas constituer l’un des deux mandats prescrits par cet article».
Hiatus entre le discours et les actes du Président Sall
Sortant un peu de ce juridisme de mauvais aloi, nous allons invoquer les postures et déclarations politiques qui fonderont le peuple à refuser toute possibilité de troisième mandat pour l’actuel président de la République. c’est l’intéressé lui-même, le Président Macky Sall, qui disait : «Nous devons être très sérieux dans ce pays lorsque nous voulons apporter une contribution positive à la marche de notre pays. Nous avons engagé une réforme majeure de la constitution par voie référendaire (…) Nous avions choisi de consulter directement le peuple sur une réforme très sérieuse, très constructive, très consolidante de la constitution. Pour régler principalement la question de la durée et du nombre de mandats du président de la République, ainsi que du mode d’élection». Il poursuit pour préciser : «d’ailleurs en 2016, ce dont il était question, c’était moins le nombre de mandats que la durée ; on devait passer du septennat au quinquennat bloqué, mais le nombre de mandats, c’est réglé depuis très longtemps, c’était 2 mandats. Le nombre de mandats n’a pas été modifié. Pourquoi engager une discussion sur un débat de 2024, qui n'a pas lieu d’être, puisque je suis dans la logique de ne pas dépasser 2 mandats». N’est-ce pas bien clair ? Oh que si, sauf qu’entre le discours et les actes, il y a un hiatus que les Sénégalais ont déjà eu l’occasion d’expérimenter. C’était à propos de la durée du mandat que le candidat Macky Sall avait promis de ramener de 7 à 5 ans. Et lorsque, élu, le débat s’est posé, voilà ce qu’il avait dit : «c’est moi qui ai fait la déclaration, qui ai pris l’engagement. Et quand le moment sera venu, ceux qui doivent en faire l’étude, l’évaluation pour dire sa conformité avec la charte du pays, la constitution, le feront. Le parti, les alliés, tout le monde pourra alors donner son avis. Mais, aujourd’hui, je voudrais que les membres de l’Alliance pour la République s’abstiennent d’épiloguer sur la durée du mandat et d’attendre l’heure».
Le refuge de la conformité à la constitution
La règle de l’omerta érigée sur le nombre de mandats par le régime aujourd’hui n’est donc pas une nouveauté. Elle avait été édictée lorsqu’il fallait réduire le mandat de 7 à 5 ans et qu’à la fin, le Conseil constitutionnel consulté par le chef de l’Etat a sorti cet avis-décision qui interdisait toute modification de la durée du mandat pour lequel le Président avait été élu. Le wax waxeet est donc entré dans les mœurs de nos hommes politiques arrivés au pouvoir. Aussi, il est difficile, chat échaudé craignant eau froide, de ne pas considérer que les mêmes causes dans les mêmes circonstances produiront les mêmes effets. Et qu’à l’orée de la présidentielle de 2024, le régime s’arrangera pour faire porter par un de ses affidés le projet d’un troisième mandat, articulé sur un bilan présenté comme reluisant. La consultation sera donc soumise au Conseil constitutionnel qui, à n’en pas douter, validera le «second» mandat de 5 ans de Macky Sall. La réponse politique à ce projet dont les prémices se jouent sous nos yeux s’ébauche également sous nos yeux. Les organisations politiques de l’opposition comme celles de la société civile restent vigilantes et promettent une riposte plus fulgurante à toute velléité qu’elles n’en avaient donné au projet similaire du Président Wade.
Mansour KANE