L’ancien chef de l’Etat gambien est dans de beaux draps. Après les nombreux crimes dont il est accusé, un autre étau vient de se former autour de Yaya Jammeh, avec les accusations d’abus sexuels par trois jeunes Gambiennes. En effet, c’est un rapport de Human Rights Watch et Trial international qui met à nu ce sombre aspect de l’ancien homme fort de Gambie. Deux d’entre les accusatrices ont fait le récit de leur vécu avec Yaya Jammeh, avant d’inviter les autres victimes à se manifester pour faire payer ensemble leur bourreau devant la justice.
Plus de deux ans après son départ de la tête de l’Etat gambien, Yaya Jammeh revient au-devant de la scène avec une rocambolesque histoire de viol commis sur des jeunes filles durant son règne. C’est Human Right Watch et Trial international, après 18 mois d’enquête, qui ont présenté hier à la presse un rapport sur des abus dont seraient victimes certaines jeunes filles gambiennes. Yaya Jammeh est ainsi accusé par l’organisation internationale de défense des droits humains d’avoir mis en place un système très sophistiqué pour abuser des jeunes femmes. Selon un responsable de ladite organisation, le régime de Jammeh était caractérisé par des violations massives des droits humains, avec des arrestations de journalistes et la corruption généralisée ; et maintenant, grâce au courage des victimes, de nouveaux détails concernant ses crimes apparaissent au grand jour. «Yaya Jammeh a profité de sa position pour commettre des abus sexuels. Il avait un système très sophistiqué, mobilisant les ressources de l’Etat pour faciliter ses forfaits contre ces jeunes femmes. Certaines d’entre elles percevaient un salaire d’Etat. Elles travaillaient comme des Protocole Girls au States House. Il leur donnait de l’argent et des cadeaux, en leur promettant des bourses d’études et d’autres privilèges, à condition qu’elles aient des relations sexuelles», révèle Reed Brody.
D’après ce dernier, c’est Jammeh lui-même qui sélectionnait ses proies pour assouvir ses fantasmes sexuels. Il les traitait comme ses choses. «Yaya Jammeh n’est pas au-dessus de la loi et aucune femme n’est en-dessous de la loi. Nous sommes déterminés à faire en sorte qu’il n’échappe pas à la justice. C’est l’objectif de notre campagne ‘’Jammeh to justice’’», assure Reed Brody. L’avocat américain d’annoncer que suite aux premières déclarations de Toufah Jallow, l’une des victimes, le ministre gambien de la Justice a fait une déclaration pour saluer le courage de celle-ci en lançant un appel aux autres victimes.
«14 personnes dont 5 femmes et quatre gardes du corps de l’ancien chef l’Etat ont témoigné»
D’après Mariole Brandow, coordonnatrice de l’enquête, même s’ils ont rencontré beaucoup de difficultés à faire parler les gens, 14 personnes ont accepté de témoigner, dont 5 femmes. «Nous avons aussi eu la chance de nous entretenir avec 4 de ses gardes du corps, ainsi qu’un ancien haut responsable des services de renseignement. Ils racontent tous la même histoire, ils parlent tous d’un prédateur sexuel, qui met en place une machine huilée à la perfection pour appâter ses proies», affirme madame Brandow. Selon les conclusions de l’enquête, l’ancien Président gambien mettait d’abord en confiance ses victimes, qui sont souvent des jeunes filles sans expérience. Il les appâtait ensuite avec des cadeaux, une bourse d’études aux États-Unis ou en Angleterre, avant de faire ses avances. A ce moment-là, la plupart des filles n’osent même plus dire non et celles qui ont eu le courage de lui tenir tête ont dû le payer très fort.
Parmi ces femmes, il y a Fatoumata Sandeng, qui a échappé a un viol de l’ancien Président gambien et Toufah Jallow qui n’a malheureusement pas eu la même chance que Fatoumata Sandeng.
Fatoumata Sandeng : «il m’a fait appeler à Kanilai pour me violer, mais j’ai été sauvée par un décès dans son entourage»
Fatoumata Sandeng l’a échappé belle. Cette jeune femme, chanteuse à l’époque, a failli subir les assauts de l’ancien Président gambien, qui l’a trainée jusque dans son village natal pour la violer. «J’étais une jeune chanteuse avec mon orchestre et nous avions été sollicités par le chef de l’Etat, en 2015, pour assurer toutes les prestations du palais. Un jour, j’ai reçu un coup de fil de Jimbee Jammeh, une cousine au Président, qui m’a dit que Yaya Jammeh avait besoin de s’entretenir avec moi seule. Quand j’ai dit à la dame que je ne souhaiterais pas le rencontrer sans mes associés, c’est le chef de sécurité du Président qui m’a appelée pour me demander de me préparer, parce qu’il m’envoyait une voiture pour venir me chercher», relate la jeunes femme. C’est ainsi qu’elle futconduite à Kanilai pour s’entretenir avec Yaya Jammeh. Grande fut sa surprise quand on lui a dit que ce dernier la recevrait vers les coups de 01h du matin. «J’ai pris conscience de ce qui m’attendait et j’ai commencé à prier tous les saints pour échapper à ce dernier. Dieu a certainement entendu mes prières, parce qu’au moment où je m’attendais au pire, sa cousine est revenue me dire qu’il avait un décès et qu’il ne pourrait pas me recevoir. Elle m’a ensuite remis 50.000 GMD (1250 USD)», conclut Fatoumata Sandeng, fille de Solo Sandeng, «assassiné» par Yaya Jammeh.
Toufah Jallow : «il a abusé de moi dans ses appartements au States House, au moment ou les imams récitaient le Coran pour son fameux gamou de la veille du Ramadan»
Si Sandeng a eu la chance de ne pas subir les assauts de Jammeh, Toufah Jallow, elle, a vu sa vie basculée à cause de l’ancien Président gambien. «Je venais de gagner le concours de beauté organisé par l’Etat entre 22 jeunes filles gambiennes. J’ai donc eu a rencontrer le Président Jammeh a maintes reprises; certaines fois officiellement et d’autres en privé et il n‘a jamais rien fait qui puisse me faire douter de ses bonnes intentions», a laissé entendre l’ancienne Miss. Poursuivant, Toufah Jallow soutient que leur rencontre était due à une étude de projet qui faisait partie du concours. «Il a d’abord usé de cousinage à plaisanteries entre Diolas et Peulhs avant de me traiter comme sa fille, en me conseillant de suivre mes études et de ne pas penser au mariage, parce que, d’après lui, j’étais trop intelligente. Alors, grande fut ma surprise, quand il m’a fait sa demande en mariage, que j’ai naturellement déclinée», renseigne-t-elle, sans omettre de préciser qu’elle a eu à bénéficier des largesses du chef d’Etat gambien, elle et sa famille. Toujours dans son récit, Toufah Jallow affirme qu’elle na pas tardé à découvrir le vrai visage de Jammeh, après avoir refusé ses avances. C’est ainsi qu’elle a décidé de couper les ponts avec lui et son protocole. Mais, c’était sans compter avec la détermination de Jammeh, qui lui a fait parvenir une invitation via sa cousine Jimbee. «Elle m’a appelée pour me dire que je devais assister au Gamou de la veille de Ramadan au States House avec les 22 autres candidates du concours. Ils m’ont envoyé un chauffeur. Yaya Jammeh m’a violée ce soir-là dans ses appartements, alors que les imams étaient en train de réciter le Coran au sein du palais», lâche Toufah, entre deux sanglots.
D’après l’ancienne Miss, sa vie a basculé ce jour-là, même si elle a tenté l’impossible pour garder son secret. «Je me suis tue pour essayer de me convaincre qu’il ne s’est rien passé, mais quand j’ai reçu une autre invitation pour le rejoindre à nouveau, quelques semaines après, j’ai su qu’il fallait que je réagisse. J’ai alors quitté ma terre natale comme une voleuse pour rejoindre le Sénégal, où j’ai bénéficié de l’appui des organisations contre les violences faites aux femmes avant d’atterrir au Canada», dit-elle.
«Alors que je le suppliais de me laisser partir, il m’a simplement dit : ‘’bul jooy dina neex’’»
En lançant un appel à toutes les victimes, Toufah Jallow soutient que ce combat est loin d’être facile pour elle, mais elle sent qu’elle a le devoir de s’y engager pour donner du courage à toutes les victimes de viol. «Le sadisme de Yaya Jammeh n’a pas de limites. Alors que je le suppliais de me laisser partir, le Président m’a simplement demandé de ne pas pleurer, ce serait bon», lance Toufah Jallow.
Ndèye Khady D. FALL
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