Dans un contexte national en constante évolution où la croissance économique a atteint 6,8% en 2017, le Sénégal pourrait-il bénéficier de l’amélioration des systèmes d’intelligence artificielle ?
Le pays sera-t-il en mesure d’évaluer les enjeux de la compréhension et de la maîtrise de l’intelligence artificielle pour atteindre les objectifs de développement poursuivis ? Dans le cas du Sénégal, il serait intéressant de se pencher sur un des secteurs faisant partie des 17 Objectifs de Développement Durable, à savoir : Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable.
En effet, l’agriculture, représentant 16.9 % du PIB en 2017, permet de souligner l’intérêt du développement dans le secteur. Relever les défis majeurs que rencontre l’agriculture au Sénég al est une priorité pour l’Etat.
Dans un monde imprévisible où les nouveaux défis, les aléas et le changement climatique menacent le développement humain et la production durable, comment l’intelligence artificielle peut-elle aider les agriculteurs sénégalais à décider ce qu’ils vont planter et quand pour la prochaine saison ?
A l’aube de la quatrième révolution industrielle, l’intelligence artificielle est appréhendée comme une composante majeure et essentielle dans la recherche d’optimisation de nos moyens de production. Elle vient en effet s’inscrire dans la dynamique des révolutions industrielles précédentes et apporte un élément clé supplémentaire à la troisième révolution industrielle : l’informatique et l’automatisation. Mais que signifie l’intelligence artificielle ?
L’intelligence artificielle est définie comme un système informatique capable de reproduire et imiter l’intelligence humaine à travers des capacités d’écoute, de sensation, de compréhension et d’action. Concrètement, ces systèmes informatiques peuvent reconnaître et assimiler l’information et les données puis raisonner en créant des liens logiques entre eux. Par exemple, l’intelligence artificielle appliquée à l’agriculture peut analyser les résultats des saisons agricoles passées pour identifier les combinaisons de facteurs de production (semences, sol, engrais, humidité, climat, etc.) qui ont donné les meilleurs résultats. Ces données cruciales sont stockées dans un « cloud » afin que le système d’intelligence artificielle puisse les utiliser pour fournir des indications concrètes sur les meilleures combinaisons pour la saison à venir en fonction des prévisions climatiques.
Le Dr. Papa Abdoulaye Seck, Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural du Sénégal insiste sur la nécessité de l’utilisation de nouvelles technologies pour améliorer la qualité et la quantité des rendements agricoles.
« La gestion intégrée de la production et des déprédateurs, initiée au Sénégal, a permis aux petits producteurs d’augmenter leurs rendements de 35 à 40%, de réduire la dépendance vis-à-vis des pesticides et une meilleure économie des agro-systèmes. En effet, l’utilisation de l’information climatique par les producteurs leur permet de planifier les semis et de choisir les variétés adaptées à la pluviométrie. Le renforcement de leurs capacités, dans ce domaine, a permis, via des projets (Climate change adaptation for food security, Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest), en milieu paysan, d’améliorer les rendements en mil et arachide dans la région de Thiès et même de doubler les productions dans la région de Kaffrine ».
Microsoft croit fermement en la valeur ajoutée de l’intelligence artificielle pour divers domaines et l’implémente dans de nombreuses régions du monde. Par exemple, Microsoft collabore avec certains pays
dans le but d’obtenir de meilleurs résultats dans l’agriculture grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle.
L’application « Sowing App » (Application d’ensemencement) développée par Microsoft et l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) a pour objectif de remédier aux difficultés liées au périodes d’ensemencement en outillant les agriculteurs pour faire face aux aléas de la nature (informations climatiques), de la richesse des sols et d’autres indicateurs permettant de maximiser et améliorer la qualité et la quantité des rendements agricoles.
La « Sowing App » utilise par conséquent l’intelligence artificielle afin de fusionner des modèles de prévision météorologique à d’autres données pertinentes pour construire une meilleure prévisibilité et ainsi, aider des fermiers à choisir le moment adéquat pour effectuer leur semis.
Ainsi, dans quelques douzaines de villages de Telengana, du Maharashtra et du Madhya Pradesh, les agriculteurs reçoivent des appels vocaux automatisés qui leur indiquent si leurs cultures de coton risquent d’être attaquées par des ravageurs, en fonction des conditions météorologiques et de l’état des cultures.
Dans le contexte africain, Microsoft 4Afrika a développé un partenariat avec N-Frnds pour permettre aux petits producteurs de pommes de terre irlandaises au Rwanda de bénéficier de la numérisation de l’agriculture à travers une plateforme SMS sur système mobile. Grâce à des partenariats avec des fournisseurs de services mobiles locaux, les utilisateurs de N-Frnds sont connectés sans avoir besoin de données mobiles, mais peuvent tout de même utiliser des fonctionnalités telles que le courrier électronique, le chat et les sources d’information pertinentes pour échanger des informations et se soutenir mutuellement.
Mais les avantages de cette plateforme qui compte actuellement 15 millions d’utilisateurs ne s’arrêtent pas là car les utilisateurs ont également la possibilité d’alimenter le système en données. La plateforme recueille, analyse et partage ensuite ces données (prix des cultures sur les différents marchés et informations sur les variétés de semences).
A l’autre extrémité du flux de données, l’information peut être consultée sous forme d’agrégats et de graphiques par les responsables politiques qui s’en servent alors pour éclairer leurs processus de planification et d’élaboration de leurs programmes. Ces exemples nous montrent les enjeux d’une collecte de données efficace à plusieurs échelles. En effet l’accès à l’information est crucial non seulement pour les agriculteurs et par conséquent pour les consommateurs éventuels, mais aussi pour les décideurs politiques afin de pouvoir prendre des décisions avisées. Pour tout secteur de production, une vaste et solide disponibilité de données est une condition préalable au bon fonctionnement de l’intelligence artificielle.
En effet, les systèmes d’intelligence artificielle en ont besoin pour s’éduquer par une analyse constante de l’information afin de développer les compétences prédictives qui font la différence pour nous tous. Ainsi, pour fonctionner, l’intelligence artificielle doit s’appuyer sur un accès constant à des données diverses et de haute qualité pour fournir des solutions optimales en temps opportun. Cela soulève inévitablement la question de la propriété des données et des limites qui peuvent s’appliquer à leur utilisation. En d’autres termes, qui a le contrôle de ces données et l’autorité pour les utiliser.
Pour que l’intelligence artificielle soit pleinement exploitable, il est essentiel que les citoyens et les responsables de la réglementation des données aient une conscience multilatérale du cloud et de la signification de l’hébergement de données afin de mesurer les défis et les opportunités offerts par ces technologies émergentes. Au Sénégal, l’intelligence artificielle pourrait devenir un atout majeur pour de nombreux acteurs tels que les agriculteurs, les entreprises, les institutions privées et publiques et la société civile. Afin d’en tirer
profit, une collaboration proactive entre les acteurs publics et privés doit être établie pour garantir le développement d’un environnement juridique clair pour la collecte et l’analyse sécurisées des données.
Ces éléments sont primordiaux pour que l’intelligence artificielle puisse fonctionner de manière optimale et responsable afin de pouvoir bénéficier de son impact positif sur les systèmes de production du pays et, globalement sur la vie de tous les citoyens.
Anouk Habermacher