Tout comme ses prédécesseurs à la tête de l'Union des magistrats sénégalais, le nouveau président, le juge Ousmane Chimère Diouf, est aussi préoccupé par l'indépendance de la justice. Qui, selon lui, se vit au quotidien et aucun magistrat n’a le droit de remettre en cause ce principe dans sa prise de décision pour quelque motif que ce soit. Si toutefois, selon le magistrat, l'image de la justice a été écornée, il est de leur ressort de lancer une campagne de communication constructive basée sur les principes fondamentaux qui gouvernent le fonctionnement de la justice. Par ailleurs, le successeur du juge Téliko n'a pas aussi manqué de se prononcer, lors de son face à face avec la presse hier, sur les locales qui se préparent.
Le nouveau président de l'Union des magistrats sénégalais, Ousmane Chimère Diouf, a fait sa première sortie hier, face à la presse. Comme ses collègues qui l'ont précédé à la tête de l'Ums, le juge Ousmane Chimère Diouf dit être soucieux de l'indépendance de la justice. Il a rappelé que nous vivons dans un monde de communication, où les activités de distribution de la justice font l'objet d'un débat public nourri, et la critique envers elle s'exerce avec moins de retenue et plus d'immédiateté que par le passé. Et pour cela, précise-t-il, elle ne peut plus donc se contenter de vivre dans une tour d'Ivoire, de dire le droit sans se soucier de la perception de la société. Le successeur de Souleymane Téliko s'indignant du fait que ces dernières années, l'image de la justice a été écornée à tort ou à raison par un excès de communication négative à son sujet venant d'acteurs judiciaires et de justiciables, a indiqué ainsi, pour y remédier, qu'il est impératif que l’Ums, dans le strict respect de l'obligation de réserve, se lance dans une campagne de communication constructive basée sur les principes fondamentaux qui gouvernent le fonctionnement de la justice ;sans se prononcer sur des procédures judiciaires en cours, encore moins critiquer les décisions rendues par ses membres.
«La justice est incompatible avec toute forme d'ingérence, de domination, de pression, quelles que soient leurs formes et leur origine»
Chimère Diouf de rappeler que l'Ums est une association dont le but essentiel est la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres et, ainsi, elle doit tout faire également pour vulgariser le mode de fonctionnement de la justice, pour une meilleure compréhension des justiciables. Ousmane Chimère Diouf a préconisé l’institutiond’une journée de la justice sur l'étendue du territoire, permettant à tout intéressé de s'imprégner des règles gouvernant le fonctionnement de la justice. Une communication avec les magistrats eux-mêmes qui pourrait permettre de lever certaines équivoques. Selon Chimère Diouf, la quasi-totalité des intervenants publics qui émettent de sérieux doutes sur l'indépendance de la justice sénégalaise se fondent sur leur propre analyse de quelques décisions ou procédures intéressant des hommes politiques, ou sur une ingérence de l'exécutif dans le traitement de certaines affaires. Aussi, il rappelle que l'indépendance est le socle de la justice. Toutefois, le président de l'Ums a confié que la justice est incompatible avec toute forme d'ingérence, de domination, de pression, quelles que soient leurs formes et leur origine. Sur la notion d'indépendance de la justice, il a confié qu'elle est différemment appréciée selon la fonction exercée par le magistrat. «Celui du parquet, du fait des dispositions des articles 25 et suivants du code de procédure pénale, est soumis à l'autorité du ministre de la Justice et est tenu, sous peine de sanctions disciplinaires, de se conformer aux instructions écrites reçues de sa hiérarchie, mais retrouve sa liberté de parole une fois debout à l'audience et peut même aller à l'encontre des ordres reçus en développant librement son point de vue. Concernant le magistrat du siège, à savoir juge d'instruction ou du siège c’est-à-dire ceux chargés de juger, aucune limite ne lui est fixée, et dans l'exercice de ses fonctions, il n’est soumis qu'à l'autorité de la loi, principe consacré par l'article 90 de la Constitution», a-t-il expliqué.
«le manque d’indépendance du magistrat ne peut pas être lié uniquement à la présence du chef de l’État et du garde des Sceaux au CSM»
A propos du Conseil supérieur de la magistrature, Ousmane Chimère Diouf précise : «d’aucuns estiment que sa composition actuelle ne permet pas aux magistrats de jouir pleinement de leur indépendance du fait de la présence du chef de l’État et du garde des Sceaux, limitant donc leur conception de cette notion aux seules décisions prises par cette instance. Cette conception réductrice appelle de notre part les remarques suivantes : le magistrat lui-même ne doit pas créer les conditions de sa vulnérabilité en faisant de son lieu de travail un critère d’indépendance, il doit être prêt à servir partout où le devoir l’appellera en ne se souciant que de bien faire son travail», renseigne-t-il. Et d'ajouter : «le manque d’indépendance ne peut pas être lié uniquement à la présence du chef de l’État et du garde des Sceaux, d’autant que le conseil est majoritairement composé de magistrats qui doivent pleinement jouer leur rôle. L’indépendance du magistrat ne peut résulter d’une simple déclaration d’intention, elle se vit au quotidien et aucun magistrat n’a le droit de remettre en cause ce principe dans sa prise de décision pour quelque motif que ce soit. Il y va de la responsabilité personnelle de chacun d’entre nous», a rappelé le magistrat qui indique que la justice a besoin d’être critiquée objectivement pour évoluer mais, précise-t-il, cette critique doit se fonder sur la globalité de son activité. Et c'était à eux, magistrats, de faire le maximum pour mériter le respect de notre peuple en cultivant la courtoisie, le respect de la loi en tout lieu et en toute circonstance, la rigueur dans le travail et ne jamais oublier qu’une décision de justice peut changer la vie d’autrui dans un sens ou dans l’autre, et prendre à ce titre tout le recul nécessaire avant de la prononcer.
Fatou D. DIONE