«En 1997, quand je commençais ma carrière, la seule chose que j’avais à l’esprit, c’était comment faire pour venir à bout de cette première tâche. En quoi consiste cette tâche ? On me met dans une salle, on me donne des cartons. Et, dans ces cartons, il y avait près de 4000 chèques qu’il fallait réconcilier. A l’issue de cette validation, la banque allait honorer les paiements relatifs à ces chèques des pèlerins que la Citibank avait accompagné pour aller à La Mecque. C’était une tâche importante, mais c’était une tâche manuelle que personne ne voulait faire. Moi, jeune stagiaire dynamique, on me donne ces cartons avec 4000 chèques. A ce moment, j’étais loin d’imaginer que 20 ans plus tard, j’allais diriger ce groupe bancaire pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Au bout d’une semaine, je tombe malade, espérant qu’après mon congé maladie, on allait me proposer autre chose à faire. Mais grande fut ma surprise, une semaine après, de retour à la banque, mon maitre de stage me dit : ‘’tes chèques t’attendent’’. En ce moment, j’ai compris que tant que je n’aurais pas fini cette tâche, on ne m’aurait pas donné quelque chose d’autre, on ne m’aurait pas donné la chance de voir ce que cette grande banque fait en Afrique. Là, j’ai compris ma première leçon. C’est que, dans le travail, il n’y a pas de petites tâches. Toutes les tâches sont importantes. On ne sait jamais où la moindre petite tâche peut nous conduire. Dans le travail, ne négligez aucune tâche ; surtout soyez humble. Je me suis donc acharnée à la tâche et au bout d’une semaine, j’avais terminé. Mon maitre de stage a dit à tout le monde à la banque : ‘’voilà une petite qui en veut. Elle est venue à bout de ces 4000 chèques’’. C’est là que je passe de département en département, de la trésorerie à la comptabilité ; et au bout d’une année de stage, je reçois ma première offre d’emploi... De stagiaire, je suis passée cambiste, ensuite j’ai gravi les échelons … A mon jeune âge, on m’avait confié toutes les opérations que traitait la Banque africaine de développement. A l’époque, on parlait de milliards de francs Cfa, mais droite dans mes bottes, je me suis dit, je vais arriver, ce ne sont que des chiffres. C’est ainsi que des opportunités se sont présentées. Je suis passée directeur de la Trésorerie, ensuite directeur régional de la Cbu pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, directeur d’exploitation de Citibank Côte-d’Ivoire en 2010. Il arrivait qu’on me demande de faire la caisse les 31 décembre. Des tests, on vous en fera, mais il faut réfléchir avant de dire oui ou non, parce que parfois ce sera des opportunités qui seront présentes et qu’il faudra saisir.
N'ayez pas peur d’oser, de prendre des risques
En 2010, il y a eu un grand moment de doute. Je suis Directrice générale par intérim de Citibank Côte-d’Ivoire et on fait des opérations extraordinaires. Tout marchait comme sur des roulettes. En ce moment le poste de Dg de Citibank Côte-d’Ivoire est à pourvoir et je postule naturellement. Je passe l’entretien, mais je ne suis pas retenue. Mon patron me dit : ‘’tu peux le faire, mais tu n’es pas prête’’. Je l’ai mal vécu. Mon père m’avait dit que dans le secteur bancaire, il y a des standards, tu ne pourras pas arriver à un certain niveau si tu n’as pas certains diplômes. Je pose ma démission à la Citibank pour faire un Mba. Dans une carrière, il faut oser. N’ayez pas peur, ayez foi en vous. Je m’inscris à Hec Paris pour mon Mba qui doit prendre deux ans, mais au bout d’une année, je suis rappelée par Citibank pour un poste à Dakar. Je débarque à Dakar en septembre 2011 comme directeur du cash management pour l’Afrique de l’Ouest en me disant que je vais terminer mes cours à distance. Un autre tournant dans ma carrière parce que j’ai osé. Et en 2012, j’ai obtenu mon diplôme. Je me suis donné la chance de donner un nouvel élan à ma carrière. La même année, je postule comme Directeur général de Citibank Sénégal et je suis retenue. N’ayez pas peur de prendre des risques (…)».
MARAM KAIRE, PRESIDENT DE L’ASSOCIATION SENEGALAISE POUR LA PROMOTION DE L’ASTRONOMIE
«Chaque fois que mon père partait en vacances, il nous demandait ce qu’on voulait. Pendant que mes frères mettaient les dernières marques de chaussures, moi j’écrivais toujours en première position, télescope et je soulignais»
«Mon histoire est liée à une science, c’est l’astronomie qui est la plus belle des sciences, qui est là depuis 5000 ans. L’astronomie a pour mission d’étudier notre univers de façon globale, une science multidisciplinaire … En ce qui me concerne, ça a commencé très tôt. Le premier contact que j’ai eu avec l’astronomie, c’est par la lecture, dans les années 1990, je devais avoir 12 ans. Je suis tombé sur deux ouvrages, le premier ‘’Patience dans l’Azur’’ d’un astrophysicien qui a parlé de l’univers, de son commencement il y a 13 milliards d’années jusqu’à l’arrivée de l’homme sur Terre sans utiliser aucune équation dans son livre. Je me sentais si à l’aise dedans que je me suis dit que c’est ça que j’aimerai faire… de nature, je suis quelqu’un qui s’ennuie très vite. C’est pourquoi, je ne sais pas faire beaucoup de choses comme danser, jouer au football. Deux choses me passionnaient le dessin et l’astronomie. Après les cours, de 17 heures à 20 heures, c’était le dessin. C’était fréquent d’entendre cette phrase : ‘’au lieu de travailler tu es là en train de dessiner’’. Quand je ne dessinais pas, je sortais la nuit à Mermoz, chez ma grand-mère, pour scruter les étoiles. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de lumière et on avait la possibilité de regarder le ciel et de voir le fourmillement des étoiles. Cette histoire commence par ces périodes d’observation sur le trottoir, mais une période de frustration énorme. Quand vous êtes seul le soir, ça commence par des invitations des copains. ‘’Viens, on va danser’’. Je rétorquais : ‘’allez-y sans moi’’. Et eux d’ajouter : ‘’reste là à scruter les étoiles, tu vas devenir fou’’. C’était tout le comme ça. Lorsque quelqu’un passait, il me lançait : ‘’boy tu es toujours là à compter les étoiles, tu vas devenir fou’’. Mais vous avez le choix dans la vie : soit vous vous laissez abattre par ces frustrations, soit vous transformez ces frustrations en énergie positive pour avancer. Et, ce qui peut vous aider à avancer dans ce cas de figure, c’est la passion. J’étais passionné par ces étoiles, par cet espace que je regardais. Je n’avais pas d’instrument, je regardais avec mes yeux. Tout naturellement, j’ai demandé à mon père de m’acheter un télescope. Et sa réponse a été magnifique : ‘’je n’achète pas ces trucs de fou’’. Chaque fois qu’il partait en vacances, il nous demandait de faire une liste de choses qu’on voulait. Pendant que mes frères mettaient les dernières marques de chaussures, moi j’écrivais toujours en première position, télescope et je soulignais. Quand je présentais la liste à mon père, il barrait systématiquement le télescope. Une prochaine fois, j’ai décidé d’inscrire le télescope au milieu, mais c’était sans compter avec mon père. Mais, c’est un papa formidable qui a tout fait pour ses enfants, mais l’astronomie, il ne comprenait pas. Il disait que c’est un truc de fou. Ma tante l’a convaincu et il a accepté de m’acheter une paire de jumelles. Avec cette paire de jumelles, j’ai acheté des planches pour construire un télescope. Les gens croyaient même que j’avais adopté le métier de menuisier. Vous aurez des obstacles dans la vie, le plus important, ce n’est pas de foncer dans ces obstacles, la tête baissée, mais de les contourner. Le premier soir, quand je l’ai pointé sur la lune et que je voyais les premiers cratères, je ne peux pas vous dire ce qu’on ressent. On se dit oui, on l’a fait. C’est l’une des choses qui m’a le plus motivé à aller dans cette voie. Les observations étaient devenues sérieuses … Au moment où on arrive en Terminale, on se dit que le plus difficile est fait, on va faire le Bac, on va en France pour faire astrophysique, mais mon père dit non. Par anticipation, j’avais dit que ce sera astronomie comme premier choix, ensuite informatique, médecine spatiale comme troisième choix, etc.»
M.C
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